Kornelia : Vincent Duluc nage dans les eaux profondes de la belle littérature
« Cependant que la lumière éclairait encore la blonde Kornelia, de Leipzig, enfin juste à côté, à Halle, l’ombre avait déjà commencé d’envelopper la blonde Shirley, de Los Angeles, enfin juste à côté, à Huntington Beach. Shirley Babashoff avait un sourire californien de beach girl, des taches de rousseur qui en faisaient la fille next door, et, chaque fois qu’elle comptait ses médailles pour s’endormir, trouvait tardivement le sommeil. Elle comptait son or et il en manquait ; Kornelia Ender et la RDA avaient décidé qu’une vie américaine s’écoulerait à l’ombre de ses rêves. »
Contrairement à ce que les allergiques au sport auraient tendance à le penser, on peut lire le journal "l'équipe " et aimer la littérature dans un seul et même élan, et surtout trouver que certains journalistes possèdent une plume que certains romanciers pourraient bien leur envier..
C'est notamment le cas de Vincent Duluc, un journaliste du quotidien sportif qui possède un sens de la formule et un style vraiment singulier qui auraient largement tendance à accroitre le plaisir du lecteur déjà satisfait lorsque son équipe de coeur a gagné un match....
Plusieurs années après un premier essai particulièrement remarqué et remarquable- "le cinquième beatles"- qui relatait avec une beau lyrisme et pas mal d'ironie l'incroyable vie du footballeur anglais George Best- puis Un Printemps 76 .une chronique nostalgique et tendre sur une période révoluel’épopée des Verts jusqu’à Glasgow, Vincent Duluc en termine avec ce qu'il définit lui même comme « une trilogie très personnelle » avec son troisième roman, Kornelia qui montre que ce ,passionné de football est aussi un passionné de sport, en général.
Le déclic de ce troisième volet réside dans une photo exhumée d’un carton dans le grenier familial de Kornelia Ender, nageuse est-allemande, quadruple médaillée d’or aux JO de Montréal, – encore lors de cette fameuse année 1976 –.
Un cliché a priori anodin qui permet pourtant à Vincent de tirer (à nouveau les souvenirs personnels et ceux liés à cette championne à la destinée incroyable que le temps avait un peu oublié surtout quand cette année là, 1976 votre humble serviteur poussait son premier cri et qu'on ne s'interessait pas encore aux joies du sport.
Vincent Duluc, lui avait déjà 14 ans et , n'avait d'yeux que pour Kornelia. quadruple médaillée d'or cet été-là et repart ainsi sur les traces de l'objet de son adulation d'époque, plongeant ( c'est le cas de le dire) dans les remous de l’Histoire, celle de la guerre froide et du mur de Berlin. Toute la vie de l'athlète sera ainsi contrôlée et épiée, par le régime communiste jusqu'à la chute du mur bien des années plus tard.
. En allant sur les traces de la nageuse, Vincent Duluc part aussi à l'assaut de sa propre jeunesse sans trop de nostalgie mais avec une pointe de mélancolie déjà présente dans un printemps 76 .
Plus intime encore et plus sensuel ( forcément la natation offre plus a priori d'émois charnels que le foot), Kornelia est un récit passionnant et inattendu mélangeant histoire politique, récit sportif, et touchante initiation personnelle...
Décidement, ce Duluc et sa plume sensible et pertinente s'affirme de plus en plus comme un grand écrivain.