Baz'art  : Des films, des livres...
30 octobre 2018

Théâtre : La chartreuse de Parme ou se foutre carrément de tout

 

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En fond de scène, grandeur nature et à perte de vue, une forêt de bouleaux. L'image, lumineuse baigne le plateau et enveloppe les personnages dans quelque chose de plus grand, de plus fort qu'eux. Sans prendre pour autant un accent tragique, cette présence apaisera au contraire les turbulences humaines tout au long de la pièce : tempêtes sous les crânes et dans les cœurs ne perturberont cette sérénité. La Cie Théâtre derrière le monde ouvre ainsi grand les portes du roman et les horizons du théâtre pour se lancer dans le road-movie de la Chartreuse.

 Devant cette toile de fond, deux modules mobiles posent les murs, ceux du château des Del Dongo où la duchesse Sanseverina voit grandir son neveu Fabrice, en même temps que sa passion pour lui ; puis ceux des salons mondains de Naples, dans lesquels le vieux comte de Mosca introduira la duchesse pour tenter de la séduire ; ceux enfin du cachot qui enfermera le corps de Fabrice ainsi son cœur frivole au profit de la jeune Clélia, fille du geôlier.

 

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Enfin, à l'avant-scène, comme sur un îlot au large du plateau, on trouve l'espace du « regard caméra », ou de l'aparté théâtrale. C'est ici que les personnages sortent de scène pour observer et commenter les suivantes, ici aussi que, tandis que tout s'interrompt un instant à l'arrière, on retrouve Stendhal lui-même, en plein travail.

Car « La Chartreuse de Parme ou se foutre carrément de tout » n'est pas une simple adaptation du roman de 1839: le choix du théâtre permet de mettre en scène la création de l’œuvre dans ses trois dimensions : l'acte d'écriture montrant Stendhal dictant pendant 53 jours ce qui allait devenir son œuvre majeure ; le temps de la fable qui fait jouer duchesse, comte et autre noblesse italienne à l'orée du XIXème siècle; la voix, a posteriori, de la critique portant son regard sur cette œuvre singulière.

 

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L'intrigue est intacte : il s'agit d'amour bien sûr (non-réciproque pour les plus vieux, empêché pour les plus jeunes ; enfin malheureux pour résumer) , mais il y aussi la guerre : en pleine campagne napoléonienne (libératrice de l'occupation autrichienne en territoires italiens) il s'agit de choisir son camps, choyer ses alliés, suivre ou déjouer les petites et les grandes intrigues qui se jouent à la cour.

Alliances et mésalliances politiques ressemblent d'ailleurs étrangement aux galantes...et il semble qu'on fasse la cour aux femmes comme aux influents. Le Prince lui-même gèrent les affaires publiques comme ses affaires privées, lance des décrets au grès de ses humeurs et le vent tourne selon ses passions.

Faire l'amour, ou faire la guerre, un même désir d'échapper à l'ennui de ces campagnes où rien ne se passe et de ces villes où l'on ne fait que semblant de se divertir?

 

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Pour Fabrice, il se jette clairement à corps perdu sur le champs de bataille par pur besoin d'aventures, espérant de la guerre qu'elle l'arrache enfin à sa province mortifère. De même, Clélia soupçonne bien que c'est uniquement parce qu'elle est la seule distraction à son enfermement qu'elle séduit le jeune volage avec qui elle échange des œillades à travers les barreaux. En mal d'intrigue, et par goût pour l'impossible, il préférera l'aimer en prison, qu'être libéré et éloigné d'elle...

 Les sept comédiens endossent la dizaine de costume de cette petite société et nous font voyager à travers ses strates, par les monts et les vaux des duchés et royaumes et au fil des chapitres du roman.

Évoluant sur une partition parfaitement orchestrée et rythmée, leur énergie vient habiter une fresque épique, quasi-cinématographique.

 

 Vu au CDN de TOURS  le  17 octobre à 20h30

La chartreuse de Parme ou se foutre carrément de tout

par la Cie Théâtre derrière le monde/ d’après La Chartreuse de Parme de Stendhal

adaptation et mise en scène Sophie Guibard etÉmilien Diard-Detoeuf

 création lumière et régie générale Thomas Cottereau

création sonore Simon Veyre

scénographie Nayel Zeaiter

avec

Pauline Bolcatto, Najda Bourgeois, Baptiste Chabauty, Emilien Diard-Detœuf, Pierre Duprat, Guilhem Fabre, Philippe Girard, Roxane Kasperski

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