Les oiseaux de passage : Scarface chez les indigènes Wayuu
On se souvient du couple (visiblement, d'après certaines langues de vipère, désormais séparé) de réalisateurs (plutôt réalisateur et productrice d'ailleurs) Ciro Guerra et Cristina Gallego, qui avait marqué les esprits avec l'étonnant L’Etreinte du Serpent il y a quelques années de cela .
On se remémore bien de ce Noir & Blanc somptueux, un récit à la langueur chamanique d’aventures situés aux confins de l’Amazonie, qui avait ébranlé tous ceux qui avaient oser s'aventurer sur ces rives certes un peu arides en apparence.
Rebelote puisque le même duo réalise conjointement "Les oiseaux de passage," un film qui a été présenté l'an passé en ouverture de la cinquantième édition de la Quinzaine des Réalisateurs.
Un film qui sera, dès vendredi soir, projeté en compétition au Festival du film Policier de Beaune, où il est clairement un des favoris du grand prix, eu égard à son ambition et san résultat final.
Le film nous montre en un peu plus de heures, comment des années 70 à la fin des années 90- le cinéma sud américain d'auteur nous a peu habitué à ce genre de fresque familiale sur plusieurs décennies- comment une famille d'indigènes Wayuu va se retrouver en plein coeur de la vente florissante de marijuana , à ce qui a donné lieu à la naissance des cartels de la drogue.
Alors que les premières minutes des oiseaux de passage semblent nous plonger dans une observation anthropologique folkoriste et intimiste ( on voit notamment une scène de danse pré nuptiale assez étonnante), le film de Guerra et Gallego, plus accessible que leur précédent long métrage, opère un virage étonnant assez rapidement, en adoptant progressivement les codes du film de ganster popularisé par Scorsese et Coppola, et notamment de ce rise and fall ( ascension et chute) inhérent au genre, les protagonistes du film utilisant une violence de plus en plus poreuse pour tenter d'endiguer les rivaux à leur florissant empire .
Rapayet , le héros du film auquel le spectateur peut s'indentifier car c'est la pièce raccrochée de cette famille de gangster est une sorte de Tony Montana indigène qui va essayer tant bien que mal d'être maître de son destin dans les rives du narco trafic .
Mariage audacieux et réussi entre oeuvre contemplative et poétique et cinéma policier réaliste et plus grand public, le film colombien multiplie les éllipses narratives et évite quelques scènes attendues, même si certains personnages sont assez archétypaux, comme la maters dolorosa du film qui tient toute la famille à bout de bras et qui ne s'embarasse pas d'états d'âme quand il s'agira de venger les siens.
Surtout, "les oiseaux de passage" est très souvent un ravissement visuel de tout instant, soignant particulièrement sa photo et son cadre, et possède une .empreinte mystique, tant les croyances légendaires et les rites ( et la figure récurrente du messager) viennent donner une vraie singularité à ce film de gangster quasi shakeaspaerien .
Malgré une dernière demi heure moins passionnante, car trop vampirisée par les fusillades en tous genres, et des comédiens au jeu parfois trop impassible pour émouvoir, cette étonnante et envoutante saga du narcotrafic est assurément un des films importants de ce mois d'avril.
Les Oiseaux de passage, de Ciro Guerra et Cristina Gallego. Avec Carmina Martinez, Jose Acosta, Jhon Narvaez, Natalia Reyes. 2h05. Date de sortie : 10 avril 2019
LES OISEAUX DE PASSAGE |2018| VOSTFR ~ WebRip
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