Critique cinéma/Duelles : un thriller racé et retors
Le scénariste-réalisateur belge Olivier Masset-Depasse change totalement de registre, après deux films ancrés dans le réel, voire le social pour son précédent "Illégal", qui avait connu un certain succès.
Pour son nouveau long métrage, Duelles, présenté à Beaune lors du dernier festival du film policier dans la compétition Sang Neuf, il s'aventure du côté du thriller psychologique et du cinéma très glamour du Hollywood des années 60 où l'influence de Hitchcock et de Douglas Sirk. se fait largement sentir.
Adapté- assez librement- d'un roman de sa compatriote Barbara Abel , " Derrière la haine", l'intrigue de "Duelles" s'amuse à gratter le vernis de deux familles voisines de très belles résidences pavillonaires ( ces maisons forment un véritable personnage de ce quasi huis clos) où tout semble parfait, avant qu'un petit grain de sable vienne tout enrayer de cette harmonie de facade
La belle amitié qui existait entre ces deux voisines apparrement si complices va voler en éclat le jour où l'enfant d'un des deux couples va disparaitre dans un terrible accident..
Dès lors, soupsons, trahisons, angoisse et hystérie vont devenir le lot de leurs relations et la bonne entente initiale va considérablement s'effriter.
Grâce à une mise en scène particulièrement sophistiquée, qui soigne particulièrement son cadre et sa lumière,.Olivier Masset-Depasse rend un bel hommage au cinéma américain des années 60, notamment à travers le glamour de ses deux formidables comédiennes principales Veerle Baetens (Alabama Monroe ) et Anne Coessens ( déjà remarquable dans "Illégal") dont le face à face, tout en tension et faux semblants, fait froid dans le dos.
Mais le formalisme assumé du réalisateur belge ne se fait heureusement pas au détriment de la véracité psychologique de ses deux personnages féminins (certes, les hommes sont malheureusement un peu sacrifiés, seul bémol du film, mais Masset-Depasse a toujours préféré axer son cinéma sur les femmes) .
Cet affrontement entre ces deux femmes sans cesse au bord de la rupture réussit à conserver une vraie crédibilité psychologique qui n'est jamais sacrifiée sous l'autel de la mécanique du thriller.
Un thriller classique dans sa forme et son propos (on pourra trouver assez étonnant sa sélection dans la compétition "Sang neuf" qui normalement appelle une dimension plus transgressive et moderne) mais absolument impeccable dans son éxecution.
Avec ce thriller racé et retors, lumineux mais glaçant, Olivier Masset-Depasse nous montre parfaitement, un peu comme Chabrol aimait à le faire ( un Chabrol dont on reparle très vite), que, sous le vernis des conventions, le bonheur n'est souvent que des facades et que la perfection des desperate housewife n'est qu'illusion..