Stuart Neville/ Michaël Mention/ Alan Parks: revue de noir anglo saxon très noir.
1/ Janvier noir, Alan Parks ( Rivages Noir)
« Les hommes comme Dunlop Senior ne terminaient pas dans une chambre miteuse d’hôpital public, avec des cicatrices partout sur les mains et des entailles de sabre dans le dos. Pas eux. Ils traversaient le monde sans qu’il ne leur arrive jamais rien, quoi qu’ils fassent.
Pour quelqu’un comme Gray Dunlop, décider d’éliminer Jimmy Gibbs équivalait à décider de porter aujourd’hui la cravate rouge plutôt que la bleue. Une décision vite prise et aussi vite oubliée. Dehors, la neige tombait doucement, elle recouvrait Glasgow d’une fraiche couche de blanc cachant la crasse. McCoy se dirigea à pied vers le centre-ville. »
Un triste policier qui mène une triste enquête dans une triste ville. Le passé de l’inspecteur McCoy est chargé, mère absente, père alcoolique, il passe son enfance de foyers en famille d’accueil. Son quotidien actuel n’est pas mal non plus, il ne crache ni sur l’alcool, ni sur les substances prohibées, sa maitresse fait des passes dans un bordel et son ami d’enfance gère en main de maitre la plupart des entreprises criminelles du nord de la ville.
Nous sommes à Glasgow en 1973. Janvier de cette année restera dans les annales de la police écossaise. Un meurtre et le suicide du meurtrier en pleine journée dans la gare routière, c’est le point de départ d’une enquête qui conduira McCoy et son jeune adjoint, des bas-fonds les plus sordides de la ville au monde intouchable des riches industriels.
Vrai roman noir social et désenchanté. L’écriture est simple et sans fioriture, les personnages sont campés en peu de mot, et la narration d’une redoutable efficacité, c’est du polar féroce et brutal. Alan Parks est né en Ecosse, il veut devenir le peintre littéraire de Glasgow, « Janvier Noir » est le premier volume d’une série qui s’annonce ambitieuse et prometteuse, mais surtout noire terriblement noire.
Alan Parks, Janvier noir (Bloody January, 2017), Rivages, 2018. Traduit par Olivier Deparis. 366 p.
2/Manhattan Chaos, Michaël Mention (10/18.)
" Ah, le soleil se casse enfin. Il était temps. Je regarde ma rolex: 21h33. Deux minutes de plus qu'hier, le salaud prend ses aises. Moi je fume et je zappe, de pubs en soaps, de famines en guerres, de Pol Pot en Pinochet et autres enculés".
Miles Davis, un musicien de légende au caractère imbitable et aux addictions nombreuses, est le héros du nouveau roman de Michael Mention, Manhattan Chaos, un inédit en grand format qui sort directement en poche chez 10/18
Michaël Mention est un auteur de roman noir marseillais qui a déjà écrit sur l'Amérique des seventies avec Fils de Sam le déclencheur narratif a été la période de repli de Miles Davis entre 75 et 80.
L'artiste, , cloîtré chez lui, à Manhattan, est obligé de sortir et d'affronter un New York plongé dans l'obscurité la plus totale puisque la ville est plongée dans une immense panne électrique qui la paralyse
New-york, autre personnage important du livre de Mention n'est qu'une succession d'ombres floues et paniquées, et l'intrigue va vite se parer de fantastique et d'onirisme, du aux divagations d'un Miles Davis bien en manque.
Un roman patchwork qui mélange avec habileté, présent passé et futur, pour un voyage dans le temps aussi addictif que musical à dévorer en écoutant du Miles Davis, pourquoi pas "Kind of blue" un de ses chefs d’œuvre éternels!
Kind of Blue: How Miles Davis Changed Jazz
3/Ceux que nous avons abandonnés, Stuart Neville ( Rivages Noir)
"Ciaran ne se palpe pas le bras et ne regarde pas les marques sur sa peau avant d'être rentré au foyer. Là, il tire le rideau, se couche sur le lit et pleure jusqu'à se sentir complètement vidé.."
En l’absence de sa femme et de son fils, M. Rolston a été sauvagement assassiné dans sa demeure. Les soupçons se tournent immédiatement vers les frères Devine, deux jeunes orphelins hébergés par la famille Rolston, que la police retrouve prostrés, couverts du sang de la victime.
Ciaran, le plus jeune de deux prévenus, ne tarde pas à passer aux aveux et va être condamné à plusieurs années de prison mais la réalité est t- elle aussi si simple que cela? Paula Cunningham, son agente de probation qui a des doutes sur sa culpabilité va alors mener l'enquête plusieurs années après le meurtre.
Une atmosphère très sombre et anxiogène imprègne le dernier roman de l'auteur irlandais des formidables Fantomes de Belfast, expert irlandais en suspens classique mais très sombre.
Dans "Ceux que nous avons abandonnés", puissant récit sur le doute, on est plus dans le suspens psychologique, et la peinture d'une relation tendue et particulièrement complexe entre deux frères.
Une histoire prenante qui sonde intelligemment les affres du doute et la culpabilité et les blessures de l'enfance .Stuart Neville excelle à jouer sur les zones troubles et à entretenir l'incertitude dans l'esprit du lecteur, tant il est doué pour semer la confusion dans les esprits, jusqu'à un dénouement tout à fait inattendu, et assez retors.
Un grand cru, aussi âpre et gouleyant qu'un bon whisky irlandais..
CEUX QUE NOUS AVONS ABANDONNÉS – Stuart Neville – Éditions Payot & Rivages – collection Rivages/Noir – 360 p avril 2019
Traduit de l'anglais (Irlande) par Fabienne Duvigneau