Festival Avignon OFF #Jour4 : "Dieu est mort et moi...", "Seule(s) en scène" et "Suite Française", un trio gagnant !
On passe à la vitesse supérieure dans notre journal de bord du Off avignon qui se termine dans une semaine avec trois pièces, cette fois-ci ! Et que des belles surprises...
1/ Dieu est mort et moi non plus je ne me sens pas très bien et nous... on est ép-athés !
Ce matin-là, j'ai assisté à la représentation d'un objet théâtral non identifié : Dieu est mort. Et moi non plus, je m'sens pas très bien qui entame sa première saison à Avignon après avoir eu un joli petit succès au Théâtre de la Contrescarpe - dont nous sommes, comme vous le savez si vous nous lisez un peu, assez fans.
Dire que Régis Vlachos, auteur et interprète de cet OTNI, ne croit en rien, est un euphémisme. Il l'annonce d'emblée, le spectacle qui va avoir lieu est un spectacle sur la religion, autrement dit, sur la maladie mentale. Et il va nous le démontrer, à grands renforts d'exemples, et avec l'aide de son assistante (la géniale Charlotte Zotto, également à l'affiche de Cabaret Louise) qui vient nous rendre visite de temps à autre quand son odieux chef l'interpelle, une croix sur l'épaule ou une guitare électrique à la main.
Dans le coffre géant qu'est cette pièce, vous allez trouver, en vrac : des peluches symbolisant chacune le représentant d'une religion, une TV diffusant des clips de Michel Sardou, une chouette empaillée appelée Dieu, un poisson rouge paniqué dans son bocal, les portraits de deux comédiens drôles et exaltés, les pages d'un texte savoureux, émaillé de jeux de mots exceptionnels.
Alors bien sûr, si vous n'êtes pas du genre à prendre du recul sur ce genre de sujet, vous n'en apprécierez peut-être pas tous les effets.
Mais comme on dit, on peut rire de tout, mais pas avec n'importe qui... Avec Réglis Vlachos, seulement.
Tous les jours à 13h45 au Théâtre Le Cabestan
2/ Elles sont Seule(s) en scène... Et dans mes 5 coups de coeur du OFF !
Seules sur scène, trois jeunes filles assises (Jessica Berthe, Pauline Büttner et Marie-Line Vergnaux) attendent l'éternelle retardataire de la bande (Chloé Chycki) pour pouvoir commencer la répétition d'une pièce qu'elles semblent travailler depuis un petit moment, avec une metteuse en scène (Claire Olier) très exigeante aux commandes. Pendant ce temps, elles jouent (sans grand enthousiasme) des scènes d'une parodie de pièce policière - sorte de mélange entre le Cluedo et les Faux British arrosé à la mode des sixties, entrecoupé de réclames sur la formidable brosse qui lustre, Nénette - où chacune joue, suite à l'effroyable disparition d'une valise de costumes et de la découverte d'un cadavre dans les loges de la Diva, de manière volontairement exacerbée, l'indignation, l'angoisse, la peur, à grands renforts de cris stridents, de mains en l'air (à hurler de rire)...
Mais rien ne va se passer comme prévu pendant cette répétition, au grand dam de la metteuse en scène qui déplore de voir son oeuvre aussi bâclée, qui s'agace de voir ses comédiennes prendre les choses aussi à la légère, se plaindre d'être perchées sur des talons de 14cm et de parler comme des nunuches. Leurs questions, leurs remarques sur les petites contradictions qu'elles émettent sur ses instructions achèvent de la mettre hors d'elle. Au fur et à mesure, la tension monte, aussi bien dans la pièce-dans-la-pièce, qu'au sein de la troupe elle-même, et les révélations vont finir par exploser... Avec des rebondissements en cascade !
Mais qu'eeeeeeest-ce qu'elles sont drôles, ces cinq comédiennes ! Jessica Berthe, Pauline Büttner, Marie-Line Vergnaux, Claire Olier et Chloé Chycki ont toutes un talent et un naturel fous, une personnalité propre qui les rend chacune attachante. Leur complicité saute aux yeux, et leur énergie, leur envie de nous embarquer dans leur jeu, n'en sont que plus vives. J'ai eu un plaisir fou à être aux premières loges de cette répétition où tout part en vrille.
Si vous aimez le procédé du théâtre dans le théâtre - surtout quand il est aussi originalement exploité -, voir des comédiennes qui ne se prennent pas au sérieux, et tout simplement, si vous aimez vous tordre de rire, un seul mot : FONCEZ !
Tous les jours, sauf le 28 juillet à 17h35, au Théâtre des Barriques, 8, rue Ledru Rollin
3/ Suite Française : une si belle adaptation du chef d'oeuvre d'Irène Némirovsky
Suite Française, c'est une histoire dans l'Histoire. C'est le roman d'un amour interdit qu'Irène Némirovsky a composé en deux parties - qui ne sera publié qu'à titre posthume chez Denoël -, en 1942 avant d'être déportée à Auschwitz où elle a péri.
Nous sommes en 1941, dans un village de Bourgogne qui assiste, impuissant, aux débuts de l'invasion allemande. Dans la maison des Angellier, tout respire l'absence du fils unique prisonnier de guerre dont la mère (Béatrice Agenin) attend obstinément le retour. Sa femme, Lucile (Florence Pernel), contrainte de composer avec cette belle-mère qui la déteste, semble attendre que quelque chose arrive, mais sûrement pas le retour de ce mari qu'elle n'aimait pas. Leur bien-dévouée Marthe (Emmanuelle Bougerol en alternance avec Pauline Vaubaillon) est la seule à amener un peu de joie dans cette maison triste. La première scène s'ouvre sur ces trois femmes, affairées, paniquées, qui s'appliquent à répertorier et à cacher les objets de leur maison, avant que ne débarque Bruno von Falk (Samuel Glaumé), un officier de la Wehrmacht, qui viendra prendre ses quartiers chez elle. Contrairement à ce à quoi elles s'attendaient toutes, le bel officier ne ressemble en rien aux SS qui sèment la terreur dans leur pays, et Lucile, est la première à tomber sous son charme...
Pour la deuxième année à Avignon, le roman phare d'Irène Némirovsky prend vie sous nos yeux grâce à l'excellente mise en scène de Virginie Lemoine. Elle a réussi un véritable tour de force en alliant poésie, tension - qui atteindra son climax au moment où les trois femmes hébergeront un paysan recherché par les allemands (Cédric Revollon) - et humour - grâce notamment à la gouaille et au franc-parler d'Emmanuelle Bougerol et de Guilaine Londez qui viennent alléger des moments de tension parfois insupportables). L'interprétation impeccable de chaque comédien contibue à faire de cette adaptation un moment suspendu auquel on a l'impression d'assister comme des privilégiés, une histoire qui nous fait vibrer, nous tient en haleine, nous émeut.
De très beaux effets de lumières et de sons - grâce au superbe travail conjoint de Sébastien Angel, Stéphane Corbin et Denis Koransky - nous permettent d'entrevoir et d'entendre résonner un piano derrière un mur, une scène de nuit dans un champ, bercée par le chant des oiseaux.
Vous aurez compris le message... C'est à voir !
Tous les jours à 20h10 sauf le 23 juillet au Théâtre du Balcon, 38, rue Guillaume Puy