Critique cinéma : Noura rêve: le beau portrait d'une femme tunisienne pris dans l'étau d'une société rétrograde
Le droit tunisien punit de cinq années de prison l'adultère , une sentence assez incroyable ( du moins pour nous occidentaux), prononcée au terme d'une procédure enclenchée par l'autre conjoint.
C'est le risque qu'encourt l'héroïne éponyme de Noura rêve, premier long métrage de fiction de Hinde Boujemaa , qui sort en salles ce mercredi.
Cette employée de laverie dans un hôpital public de Tunis, mère de trois enfants, n'a pourtant pas fait grand chose de répréhensible, à part tomber amoureux d'un autre homme que son mari, alors que ce dernier est incarcéré depuis de longues années .
Alors que le divorce est en passe d'être prononcé à l'insu de Jamel, le mari dont Noura s'est peu à peu détaché, la rtie précipitée de prison de celui ci va faire basculer Noura dans une angoisse légitime, celle d'aller à son tour en prison.
Prise en étau entre les soupçons de son mari et les inquiétudes de son amant, Noura va vite être amenée à faire un choix crucial et sans doute fatal pour sa liberté.
Comme d'autres oeuvres récentes réalisée par des femmes du cinéma nord africain ( on pense à Sofia de Meryem Benm’Barek ou à la Belle et la Meute de Kaouther Ben Hania) Hinde Boujemaa n'hésite pas à dénoncer avec acuité et un vrai talent d'écriture et de mise en scène la condition de la femme dans les société ultras conservatrices des pays du Mahgreb.
Disséquant subtilement les relations hommes-femmes façonnées par des inégalités et des lois rétrogrades, Noura rêve trace un portrait peu amêne de la société tunisienne où les rapports de domination sont prégnants et où la police peu encline à favoriser les femmes dans leurs combats face à la toute puissance phalocratique.
En suivant à la trace- avec une caméra qui privilégie les cadres serrés et le sentiment d'oppression- un personnage de femme forte et courageuse, qui doit jongler entre travail enfants, mari violent et amant lâche, tout en souciant d'une justice peu sensible à la cause féminine, Hinde Boujemaa nous montre une femme tellement universelle, qui aimerait tant revendiquer son désir de liberté mais qui est sans cesse empêchée par une situation de plus en plus complexe.
Même si les hommes du film Noura rêve n'ont pas vraiment le beau rôle, Hinde Boujemaa prend soin de ne jamais sanctifier son personnage féminin, et de la montrer dans ses fiablesses et ses mauvaix choix.
Hend Sabri, star du cinéma egyptienne, à des années lumières de son glamour habituel, sert parfaitement l'ambivalence du personnage, et les deux acteurs masculins, visiblement plutôt connus comme humoristes en Tunisie, sont ici épatants, soient terrifiants soient pathétiques, soit les deux....
Porté à bout de bras par sa formidable comédienne principale, le premier long métrage de fiction de la Tunisienne Hinde Boujemaa nous happe comme un thriller intime et prenant, jusqu'à un dénouement aussi ambigü que percutant.
Une nouvelle belle réussite du cinéma maghrebin qui n'en finit pas, quelques semaines seulement après le vibrant et emballant "Papicha" de nous enchanter et de nous emballer, même si on ne peut pas dire que ces longs métrages donnent de bonnes nouvelles de leurs pays respectifs . ...