Baz'art  : Des films, des livres...
10 décembre 2019

Rencontre avec Valérie Donzelli, la réalisatrice de Notre dame !

 La semaine dernière, on a dit beaucoup de bien du film "Notre dame", qui sort en salles le 18 décembre prochain.

Lors de son passage à Lyon, le 2 décembre dernier, on a rencontré sa créatrice inspirée, Valérie Donzelli, pour un échange intense et un peu décalé, à l'image de la cinéaste.

Valérie nous parle de son film, de sa fantaisie sous jacente, de l'incendie de la cathédrale, de la charge mentale qui incombe aux femmes d'aujourd'hui et de sa façon d'improviser en permanence : 

 

 INTERVIEW DE VALERIE DONZELLI, 

RÉALISATRICE DE "NOTRE DAME"

EN SALLES LE 18 DECEMBRE 2019 

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  Baz'art : On dit souvent qu'un réalisateur fait un film en réaction au précédent. Est-ce que c'est le cas pour "Notre dame": l'idée de ce film plus léger est venue pour exorciser l'échec de "Marguerite et Julien", film ambitieux passé en compétition à la croisette qui n’a pas forcément eu les échos escomptés?

 Valérie Donzelli : Je ne pense pas que « Notre dame » soit fait forcément en réaction avec l'échec de Marguerite et Julien même si évidemment, j'ai mis un peu de temps à m'en remettre (sourires). 

 Ce n'est pas moi qui suis à l'initiative du film "Notre dame", mais plus  mon producteur, Édouard Weil qui m'a conseillé de revenir à quelque chose de plus proche de moi et de plus en phase avec le monde aujourd’hui d'ailleurs.

 Au tout début du projet, le film avait un autre titre :" Taille de Guêpe", c'était l'histoire d'une réalisatrice qui ne se remet pas de l'échec de son film et qui part en suisse pour tenter de se faire euthanasier.

 Mais cela  ne fonctionnait pas,  pour le coup ca restait trop collée à ma petite histoire, ça manquait d'universalité, j'ai pensé du coup  à faire de mon héroïne une architecte, et ça m'a permis de prendre la distance nécessaire pour déployer le reste de l'intrigue. 

Baz'art: Et le choix de cette profession est d'autant plus pertinente qu'il existe finalement pas mal de points communs entre le métier d'architecte et de metteur en scène, n'est-ce pas?

Valérie Donzelli : Oui, tout à fait, il y a des similitudes flagrantes entre les deux professions :  le mélange de technique et d'artistique, les projets à déposer devant des commissions à valider, les sommes importantes en jeu, un rapport  à l'industrie évidente.

Et puis, par ailleurs, il faut savoir j'ai fait des études d'architecture dans ma jeunesse, et j'ai une de mes très bonnes amies qui exerce encore cette profession j'ai donc pu puiser dans ces différentes expériences pour alimenter mon scénario.

J'étudiais l'architecture à l’école de Charenton, qui n’existe plus aujourd’hui,  et c'est là que j’ai rencontré ma meilleure amie.

Je m’en suis inspirée pour le personnage de Maud Crayon, ainsi que de toutes les femmes qui m’entourent et de moi-même.

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Baz'art : Vous dites que votre film devait s'appeler  "Taille de Guêpe"  au départ. Est- ce que vous avez pris le titre de "Notre dame" pour coller à la (tragique) actualité de l'incendie de la cathédrale?

 Valérie Donzelli : Oh non pas du tout, cela n’aurait été bien glauque comme stratégie quand même.

 Mon film s'appelait assez vite "Notre dame", disons qu'il a fini de s'appeler Taille de Guêpe, puis  il a pris le titre  "Coup de Crayon" pendant quelques temps  avant qu'on ne se décide pour ce titre-là. 

Mais je vous signale de suite qu'il faut lire "notre dame" avec en minuscule pour garder le jeu de mots entre la cathédrale, Maud Crayon, la maire de Paris et toutes les femmes du film.

 C'est lorsque je me suis demandé quelle histoire je voulais raconter, et en premier lieu faire ces portraits des femmes d'aujourd'hui que jai trouvé que Notre dame, était un titre génial.

 C'est vrai qu'après l'incendie d'avril dernier,  on s'est rapidement posés la question de modifier le titre du film pour ne pas jongler avec cette catastrophe mais finalement, comme "Notre Dame" n'a pas totalement brulé et que le titre me plaisait vraiment bien, on l'a conservé sans que cela ne pose problème.

 

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 Baz'art : Justement, comment avez-vous réagi lorsque vous avez appris que la cathédrale Notre Dame qui servait de décor principal à votre dernier long métrage avait brulé?

 Valérie Donzelli  : Au moment où l'incendie a eu lieu, je venais juste de terminer le montage du film.

 J’étais partagée entre le sentiment d’être maudite et d’avoir eu de la chance. Si Notre Dame avait brûlé avant le tournage, j’aurais pu dire adieu à mon film et retourner écrire de suite tout autre chose.

 Le jour de l'incendie, lorsqu'on m'a informé de l'incendie, j'étais justement sur ma table de montage, je suis sorti de la salle à vélo et j'ai senti comme une malédiction en la voyant s'éteindre sous les flammes

 J’étais presque anéantie. J’avais l’impression d’être dans un mauvais rêve tout en étant triste et blessée de la voir en flammes!

Heureusement, dans la nuit, j'ai vu qu'elle était sauvée et j'ai ressenti comme un soulagement et même une certaine fierté d'avoir pu la filmer en l'état.

 Je me vois un peu comme un témoin avec mon film, je vais pouvoir montrer comment était Notre Dame et son clocher avant l'incendie, c'est assez précieux, j'avoue. 

  Et maintenant qu'il est question dans la réalité de ce  chantier va bientôt démarrer pour la reconstruction de la flèche. 

Je vois que mon film et la réalité se télescopent et que mon intuition de départ était plutôt pas mal venue (sourires). 

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Baz'art : Mais pourquoi au départ avoir choisi de situer votre projet à Notre-Dame précisément?

 Valérie Donzelli : Ce qui m'importait surtout, c'était de créer un scandale autour de l’architecture. J’ai réfléchi à ce qui pourrait faire scandale tout en restant crédible. Il me fallait forcément un bâtiment ancien sur lequel on mettrait de la modernité.

 Et Notre Dame, qui est la figure et le cœur de Paris s’est imposée. Le lieu est suffisamment grand pour imaginer réaménager le parvis autour de projets assez déments, assez gigantesques.  

Et c'est de là que je me suis  rappelée plusieurs concours, notamment celui que François Mitterrand avait lancé pour l’Opéra Bastille. Mitterrand avait voulu un appel à projet international, ouvert à tout diplômé en architecture, pour donner une chance à tous.

 Le jury a choisi un projet en pensant que c’était un grand architecte alors qu’il s’agissait d’un sombre inconnu. Tout le monde a flippé. Le lauréat a eu sur le dos des ingénieurs structure, des architectes reconnus pour gérer sa soi-disant incapacité.

 Au final, le bâtiment ne ressemble plus au projet initial qu’il n’a pas réussi à imposer.

Il n’avait pas assez d’expérience, ni confiance en lui pour s’affranchir des autorités et des conventions c'est un peu ce qui arrive à Maud aussi dans le film qui se voit dépossédée de son projet.

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 Baz'art : Mais justement, une des questions que pose votre film c'est celle de savoir si on peut innover dans un contexte historique , on a l'impression que vous êtes de celles qui veulent apporter un peu de modernité dans un patrimoine classique, non? 

 Valérie Donzelli Oui; à travers le projet de Maud, on voit ressurgir le débat des anciens et des modernes autour de la reconstruction du cœur de Paris. Et c'est vrai que je  ne suis pas pour le conservatisme du tout.

 Je pense qu’il faut faire évoluer les choses, c'est  ce que raconte mon film.

 Et cela, même si c’est douloureux, même si ça fait peur, il faut aller de l’avant ! Sa mission sera le réaménagement de parvis de la cathédrale de Notre Dame. 

  Baz'art : Le film est coscénarisé par Benjamin Charbit, l'un des auteurs d'En liberté! de Salvadori et l'on retrouve cette même vivacité au service d'une histoire, c'était évident pour vous de travailler avec quelqu'un habitué à ce genre de comédie fantaisiste pour vous structurer un peu?

 Valérie Donzelli : La première version du film (le fameux "Taille de guêpe" sur ma réalisatrice qui part en suisse),  je l'ai écrite toute seule.

 Comme cela a abouti à une impasse, une des productrices du film, Alice Girard m'a conseillé de faire appel à Benjamin qui venait justement de finir en Liberté.

 On a commencé à travailler sur "Taille de Guêpe" mais je refusais toutes ses propositions donc c'est là que je me suis dit qu'il fallait repartir totalement à zéro et on a commencé à écrire ensemble le scénario de Notre dame dans une sorte de ping pong permanent, parfois laborieux mais souvent fructueux.

 La difficulté essentielle  dans la construction du scénario était de parvenir à raconter l’histoire de Maud Crayon, sans négliger pour autant celle des personnages qui font écho à sa vie.

 Effectivement, Benjamin m'a pas mal aidé à trouver cet équilibre entre tous les personnages, tout en conservant le côté tourbillonnant, avec en son centre Maud, qui ne fait que courir dans tous les sens pour tenter de ne pas être happé par ce tourbillon.

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 Baz'art : Justement, à  ce propos, Maud Crayon est un personnage dépassé par tous les événements qui l'entourent. Sa vie amoureuse, sa vie de mère, sa vie d'architecte, son rapport au monde, tout ou presque est un frein à des ambitions qu'elle s'ose pas assumer. C'est pour vous une figure incarnée de la femme moderne, un peu écrasée par le flot de responsabilités? 

 Valérie Donzelli : Oui, parfaitement, je crois que les femmes d'aujourd'hui  sont une addition de choses et la fameuse charge mentale, dont on parle beaucoup, existe vraiment.

 Quand une femme travaille et a des enfants, elle ne va pas moins travailler ou moins élever ses enfants.

 Pour elles, les choses s’additionnent. et les femmes ont elle cette capacité à additionner. et à ’accepter tout  cela avec autant de simplicité !

 Les femmes s’additionnent, comme elles se doublent ou se démultiplient pour moi c'est une force de caractère énorme et j'essaye avec ce film de leur rendre un modeste mais évident hommage.

 D'ailleurs c'est fou le nombre de femmes qui ont vu le film et qui se sont reconnues dans le personnage de Maud, ça doit bien vouloir dire que j'ai visé juste, non? (sourires).  

 Baz'art : Et d’où vient la fantaisie qui inonde ce " Notre dame " et tous vos films, c'est proche de vous, ou non?

 Valérie Donzelli Si, je pense pouvoir dire que je suis un peu comme ça, sans m’en rendre compte même si dans la vie de tous les jours, on ne peut pas être toujours burlesque ou décalée (sourires). 

 Toute l’énergie que j’ai dans la tête, cette soif de joie, cette envie de m’amuser, de ne pas tenir en place, je la canalise dans l’aire de jeu qu’est le cinéma.

 J’ai de l’imagination qui me fait parfois souffrir dans la vie parce que je me fais des scénarios qui ne sont pas la réalité.

 Donc, je les mets dans mes films dans ces récits  dans lesquels j'essaie d'insuffler  un peu  fantaisie, d'improbabilité et de poésie de naïveté, de légèreté et de sincérité.  

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Baz'art : Quasiment à la fin du film, il y a une belle séquence de comédie musicale, avec un très beau morceau chanté, "Plus jamais" ...A quel moment de l'écriture avez-vous pensé à mettre un peu de comédie musicale dans votre film?

 Valérie Donzelli : Oh là, elle n'a rien d'exceptionnelle, cette chanson, franchement ( rougissante), c'est un tout petit truc que j'ai écrit très rapidement.  Elle est arrivée tardivement en fait, c'était pas du tout dans le scénario.. 

 J'aime beaucoup les comédies musicales, j'avais envie depuis le début de l'écriture d'incorporer des chansons mais je ne savais pas où et quand les mettre.

 Au moment du tournage j'ai écrit cette  petite chansonnette,  je l'ai enregistré sur mon I Phone, mon musicien a vite fait une petite maquette et je l'ai proposé  aux comédiens qui ont tout improvisé...

 On improvise pas mal sur mes tournages, je n'aime pas les trucs trop écrits, trop installés, je peux tout changer le jour même du tournage.

Certes,  pour les comédiens et pour moi-même, j'avoue que c'est un peu fatiguant. 

Mais en même temps, cela casse la routine et ça rend toute l'équipe en éveil permanent, j'ai besoin de cela pour garder tout le monde en éveil.  

NOTRE DAME Bande Annonce (2019) Philippe Katerine, Comédie, Film Fançais

  

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