Sale gosse- Mathieu Palain: immersion totale en PJJ
"Wilfried n’avait plus souvenir de la dernière fois qu’il avait eu à tenir un stylo. Pendant un moment, il réfléchit à sa première phrase.
– Elle a failli perdre un œil, tu le savais ? Silence.
– Le jour du procès, elle va dire qu’elle pleure tous les jours, qu’elle n’ose plus sortir le soir, qu’elle s’agrippe à son sac dans les transports, qu’elle se retourne dans la rue. Elle dira qu’elle est suivie par un psy et que sans les antidépresseurs elle ne pourrait pas quitter son lit. Elle dira les nuits passées dans le canapé, à s’enfiler des heures de séries pour s’écraser sur l’oreiller. Prépare-toi, Wilfried.
– J’vais refuguer.
Il avait l’air sûr de lui"
Pour son premier roman, le journaliste Mathieu Palain a eu envie de rendre hommage à son père qui a travaillé toute sa vie pour la PJJ, (Protection judiciaire de la jeunesse).
Il racontait bien peu ses anecdotes de travail, et son fils a cherché à en savoir plus et plonger les lecteurs dans le quotidien de cette structure, à l'instar du film Polisse, qui l’a prodondément marqué -comme il le raconte dans les dernières pages du livre.
On pense évidemment à Polisse en lisant Sale Gosse, mais aussi à la tête haute d'Emmanuel Bercot car le livre qui suit d'abord les traces de Marc, éducateur à la PJJ va alterner avec les autres points de vue Wilfried, jeune garçon de 16 ans à l'enfance broyée, Père alcoolique et violent, mère toxicomane qui va errer de famille d’accueil en foyer alors qu'une carrière de footballeur aurait pu lui tendre les bras, sauf que sa violence larvée le fait virer de son centre de formation.
Nina, une collègue de Marc va suivre le jeune homme, tout en rage explosive et tenter de le remettre sur le droit chemin.
Le jeune auteur.a rencontré tous les personnages de son livre lors d'un reportage en immersion et il a décidé d'en faire un roman proche du reportage.
Sa recherche constante de la justesse des dialogues et des situations est à la fois une des qualités de son livre et parfois aussi ses limites, car le récit, toute à son approche documentaire qui manque parfois un peu de densité romanesque.
On aime l'absence de pathos sur des thématiques pourtant très lourdes.
Mais en insistant bien sur le travail formidable de ces éducateurs qui passent énormément de leur temps à tenter de sauver ces jeunes, et sur ces assistants sociaux qui sèment mais ne récoltent jamais, Sale Gosse est aussi salutaire que fluide.
Sale gosse, Mathieu Palain, Iconoclaste Eds