Critique d'album/ Benjamin Biolay: un Grand Prix qui mérite la Palme d'Or
Sorti le 26 juin dernier, juste avant l'été, on n'avait pas encore eu l'occasion de parler de "Grand prix", le dernier album d'un Benjamin Biolay qu'on adore et pas simplement parce que c'est une de nos gloires locales dont nous lyonnais, sommes sans doute les plus fier .
Avec ce tant attendu "Grand Prix"d'après confinement, Biolay ose un album concept résolument rock qui pourrait faire un peu peur à ceux qui comme nous ont toujours eu une aversion pour la mécanique et la formule 1 et également un peu pour le rock et les grosses guitares qui tâchent.
Alors certes, et tandis qu'avec Palermo Hollywood et Volver , ses deux précédents album, l'immense Benji revenait à son meilleur et flirtait avec les sommets de " La superbe" qui datent déjà d’il ya dix ans, ce Grand Prix, vendu pourtant par une partie de la presse comme étant son meilleur, n'arrive sans doute pas à nos yeux à ses autres sommets "biolaisiens. "
Pourquoi ces réserves? Sans doute cela est dû à certains morceaux (Idéogrammes; "Papillon noir" ou le très "daft punkien" "Virtual Safety Car") de Biolay, qui aime les prises de risque et surprendre son auditoire et qui nous propose en l'occurence des morceaux sans doute un peu trop punchys .
Des titres qui nous ont semblé un peu trop sous l'influence de groupes anglais comme The Smith ou The Strokes. On peut dès lors déplorer qu'on y retrouve moins l'influence d'artistes de pop ou de chanson française présents dans ses autres albums et ce,même si son " Cheval Pale" a de violents échos avec des morceaux de l'affaire luis trio et du si regretté Hubert Mounier ou que son single "Grand Prix" fait pas mal penser à du Bashung version 2020 .
La faute aussi peut etre à des textes sans doute moins pointus et poétiques que ceux des albums précédents, certaines tournures de phrase semblant se reposer un peu trop sur les - immenses- acquis du bonhomme...
Plus globalement le problème -mais ce n'en est pas vraiment un- se niche aussi dans le fait, que, quand on a écouté l'album fin juin, l'ensemble des morceaux ne semblaient pas forcément du même niveau que les deux premiers singles qui avaient été dévoilés un peu avant les deux chefs d'oeuvre que sont "Comment va ta peine" et "Vendredi douze", des sommets de grâce et d'osmose entre mélodie et parole comme B.B nous en livre assez régulièrement.
Mais comme Biolay est avant tout un mélodiste et un parolier hors pair, on se situe- heureusement- bien loin de la sortie de route et surtout on adhère finalement facilement, après deux trois écoutes, à l'ensemble de son disque et de ses titres sous influence Brit-pop incroyablement efficaces.
Et qu'importe que Benjamin parle de voitures sur pratiquement tous ses titres, on voit bien que ce disque concept est avant tout l'occasion pour lui de réaliser une sorte de "controle technique" de sa vie intime et se livre à un sorte de bilan à 45 balais passés pour aborder des sentiments plus intimes, et de tout ce qu'il a laissé au bord de la route, lui qui était sans doute pendant plusieurs années un peu trop obnubilé par sa course au succès.
Plusieurs textes - "La route tourne", suite logique et toute aussi poignante du mythique "Ton héritage" , mais aussi "ma route" ou bien "Où est passé la tendresse?- amènent l'auditeur à creuser de profondes réflexions sur l’écroulement des certitudes au fil de l’existence ..
Dans "Grand Prix" , on se prend à espérer ardemment qu'on crevera pas tout seul devant un VHS ou un Blu Ray, alors que dans le pétaradant mais très beau "Comme une voiture volée" , on constate, avec une amertume à peine déguisée, que la jolie fille qu'on laisse passer devant soi et qui préfère embrasser "un trader barbu qui n'en veut qu'à son cul", on l'aurait dragué avant, quand on était jeune et charmant..
Et surtout, tout au long des 13 titres de l'album, on constate que, malgré les années, ou plutot grâce à elles, la voix de Biolay n'aura jamais été aussi belle, aussi affirmée et qu'il semble de plus en plus à l'aise en tant que chanteur..cette voix de sombre séducteur est vraiment ici à son apogée surtout lorsqu'on compare avec ses tous premiers albums. où cette voix était si peu affirmée, presque inaudible (certaines mauvaises langues disent que c'est toujours le cas qu'il faut mettre à fond un disque de Biolay pour le comprendre mais on ne les écoutera pas, évidemment) .
Laissant les synthés et les guitares s’exprimer à sa pleine mesure, on devine que cet album permettra également à Biolay, qui aime visiblement de plus en plus se produire sur scène, de s'éclater dès que la crise sanitaire lui permettra, de bruler les planches..
Histoire d'arrêter de tisser les métaphores automobiles et aller plutot du coté du cinéma ( Benjamin sera à la rentrée à l'affiche du film de Marc Fitoussi "Les apparences" où il partage l'affiche avec l'incontournable Karin Viard), disons que ce Grand prix mérite bien toutes les félicitations du Jury !
Grand Prix, de Benjamin Biolay, est paru le 26 juin 2020 chez Polydor