Grand Prix des lecteurs du livre de poche : Zoom sur la sélection de février
Chouette nouvelle : le livre de poche m’a désigné cette année comme membre du jury pour le prix des lecteurs 2021.
Après un essai très frctueux l'an passé , pour la catégorie essai, , on ( par "on" je parle de Filou, rédacteur fondateur du site, et peut etre quelques acolytes de la rédaction venus me donner un coup de main) remet le couvert cette année du coté dde ce Prix des Lecteurs du Livre de Poche, mais cette fois ci dans la catégorie littérature.
L'occasion de découvrir 21 livres ( 3 pendant 7 mois) qu'on recevra dans le courant de l'année 2021.
Le but : élire le livre qui récoltera le fameux le Prix des Lecteurs, prix ô combien porteur en termes de ventes de livres.
J'ai reçu il y a une dizaine de jours, les trois premiers romans de la première sélection, celle de février, qui met trois romancières à l'honneur dans des genres totalement différents : la fable historique, le journal intime d'une femme malheureuse ou la chronique sociale vue sous les yeux d'un marmot effronté..
On vous dit tout de suite :
1/ Gabriella Zalapi, Antonia ★★
"10 septembre 1965. Comment est-il possible qu’Arturo soit mon fils ? Oui, je l’ai mis au monde. Oui, c’est bien moi sa mère. Mais subsiste cette étrangeté : dès lors que je ne vois pas Arturo je ne pense plus à lui. Je l’oublie totalement. […] Je me sens étrangère avec lui. C’est comme si Arturo était né dans mon dos. Suis-je une mauvaise mère ?"
Idée originale pour ce premier roman de l'autrice italienne Gabriella Zalapi qui nous fait rentrer dans le journal intime d'un personnage de fiction, Antonia, rédigé entre 1965 et 1966 avec un ( faux) carnet de photos et des notes plus ou moins grifonnées qui semblent avoir été retrouvées telles quelles.
Antonia est une jeune italienne de trente ans qui vit à Palerme avec son mari qu'elle n'aime pas Franco et leur fils Arturo.
Face à l'indifférence polie de son mari qui semble trop accaparé par son travail, Antonia va se plonger dans l'histoire intime des grands parents afin de tenter de se reconstruire quelque peu.
Ce vrai faux journal intime nous plonge dans une Italie bourgeoise des années 60 qui ne semble pas encore prête à laisser s'exprimer les désirs d'émancipation des femmes.
Grace à une écriture sensible et délicate , Gabriella Zalapi nous fait toucher du doigt, par de toutes petites touches, comment se crée le sentiment d''enfermement d'une femme soumise à une société patriarcale bien trop prégnante .
Dommage que ce journal, qui couvre une période de deux années, est trop court ( 120 pages!) et composé de trop petits paragraphes qui donnent la fâcheuse impression de survoler les thématiques et les sentiments explorés.
L'ensemble donne l'impression d'être un peu trop superficiel et de manquer d'un peu de profondeur pour émouvoir et compatir au destin de cette jeune femme bridée et brimée.
Un roman dont l'exécution ne dépasse pas les bonnes intentions de départ.
2/Rhapsodie des oubliés ,Sofia Aouine ★★★★
"Adossé à la cheminée, je regarde les grosses lettres qui clignotent…Tati…Tati…Le magasin préféré des daronnes et des blédards, notre tour Eiffel à nous. Un truc que le monde entier nous envie et qui est connu au fin fond de l’Afrique et de la Papouasie. Tati or, Tati maison, Tati chaussures, Tati slips, Tati mariage : la Mecque des jeunes pucelles prêtes à se marier et des mères hystériques qui aimeraient redevenir pucelles le temps d’une nuit de noces. La plus grande salle de jeu du monde, caverne d’Ali Baba des pauvres où tu trouves de tout Tu peux te marier, manger, vivre et peut-être même mourir un jour. Je suis sûr qu’ils finiront par y vendre des cercueils en vichy rose et bleu. »
Barbès- Rochechouart, fragments de la vie d’Abad dans le quartier de la Goutte d’or. Un quartier où même les gens honnêtes ont l’air de voleurs, alors Abad jeune poulbot de treize ans vit son âge et sa pauvreté et fait donc pas mal de conneries.
En chemin il croise, Gervaise une belle de nuit qui a laissé Nana sa fille au pays. Nana, Gervaise, finalement le XVIII éme arrondissement de Paris n’a pas beaucoup changé depuis « L’assommoir » de notre cher Émile.
Rhapsodie Rap, approche poétique et documentaire d’un quartier et d’une époque, Sofia Aouine à la langue bien écrite et son petit héros, turbulent et tendre pose un regard sans concession sur le monde qui l’entoure.
Abad c’est le petit frère de Momo de « La vie devant soi » et le petit cousin d’Antoine Doinel.
Impossible dans l’épilogue de « Rhapsodie des oubliés », ne pas imaginer le long travelling de la course d’Antoine pour voir la mer, il ne manque que le regard caméra. Fort et poignant.
Sofia Aouine aime Jean Cocteau, François Truffaut et Romain Gary, ça tombe bien, nous aussi, on adore ça!.
3/ Le sang des mirabelles ; Camille de Peretti ★★★
"Depuis le début de la cérémonie, la tête légèrement penchée en avant, elle avait gardé les paupières baissées comme l’aurait fait une fiancée soumise, mais son corps criait la roideur et l’orgueil. Malgré son jeune âge, il n’y avait en elle aucune douceur, aucune fragilité, aucune enfance. La parfaite beauté de la jeune fille, sa peau d’une pâleur extrême, ses petites mains jointes en prière, la finesse pointue de ses articulations que l’on devinait sous le lourd manteau vert doublé de fourrure, tout cela était tranchant comme la lame d’une épée. "
En plein coeur du Moyen Âge,deux soeurs se livrent dans une quête d'émancipation difficiless à atteindre.
Faisant fi des conventions,l’aînée, Éléonore « la Salamandre »va découvrir l’amour, et pas du tout à travers le roi qui lui était destiné.
De son côté, sa jeune sœur Adélaïde, « l’Abeille " va tomber dans la magie des sciences et s’adonnet en secret à sa passion pour la médecine, milieu interdit car réservé aux hommes .
On a beau ne pas être fou des romans hisoriques, reconnaissons humblement que Camille de Peretti dépoussière le genre avec cette histoire tres moderne de deux sœurs qui vont prendre en main leur destin malgré les conventions et la société à 150% patriarcale.
De quoi embarquer le lecteur dans une sorte de fable plus onirique que réaliste, avec une plume contemporaine et rythmée qui nous éclaire sur la condition des femmes au moyen âge.
" Elle avait gardé les paupières baissées comme l’aurait fait une fiancée soumise, mais son corps criait la roideur et l’orgueil. «
L'organisation du Prix des Lecteurs organisé par le Livre de Poche est à retrouver sur le site de l'événement !!