Festival ciné latino/ Nouvel ordre :le cinéma radical et sans espoir de Michel Franco à son meilleur
Grand prix du jury à la dernière Mostra de Venise, le nouveau film du mexicain Michel Franco est présenté également en ce moment en compétition lors du festival Ciné Latino. de Toulouse
Un film choc, d'une radicalité quasi insoutenable, fidèle aux oeuvres précédentes du cinéaste et qui devrait figurer au Palmarès le 28 mars prochain
Ceux qui connaissent un peu l'univers du metteur en scène mexicain Michel Franco n'ignorent rien de son goût pour le cinéma qui aime déranger, manipuler, briser des tabous et que, lors du générique de fin, de ses longs métrages, on aura plus le moral en berne que le sourire aux lèvres .
Le viol, l'inceste, le deuil, la maladie, toutes ces thématiques n'échappent pas au regard souvent cruel mais jamais totalement gratuit du cinéaste mexicain que ce soit dans Después de Lucia, Les Filles d’avril ou, Chronic. pour ne citer que ses oeuvres les plus célèbres, et qui donne souvent une image terriffiante mais en même temps très juste de notre société.
Ainsi, si le récit de son récent "Nouvel Ordre" se déroule dans un Mexique fictionnel et dystopique, les émeutes qui jalonnent l'intrigue trouvent un écho évident dans la radicalisation des récents mouvements sociaux en Europe ou aux Etats-Unis , de la crise française des gilets jaunes au mouvement américain des "black lives matters"
"Nouvel Ordre" nous plonge dès le préambule dans les coulisses d'un somptueux mariage de la haute bourgeoisie (on pense forcément à la scène d'ouverture du premier "Parrain") qui va rapidement mal tourner alors même que le pays tout entier bascule dans le chaos et la dictature militaire, sur fond de révolte populaire.
De cette révolte des pauvres contre les nantis, et du chaos que génère cette révolution et de l’émergence d’un ordre nouveau, Michel Franco nous montre tout sans rien éluder de ses tenants et aboutissants les moins avouables.
On se rend compte que les révolutions les plus brutales surviennent toujours quand les inégalités sociales sont les plus prégnantes et que les plus riches semblent totalement sourds aux grondements du peuple tant qu'ils n'en sont pas directement confrontés.
Tel un entomologiste , Michel Franco observe les différentes couches de la société cohabiter tant bien que mal juste avant que soudain tout n’explose en plein vol.
De ce constat sans fard sur les chocs entre inégalités sociales et les dérives totalitaires, rien ou presque ne sera épargné au spectateur dans cette histoire ultra violente et dénuée de la moindre lueur d'espoir.
On pourra trouver ce nihilisme un peu déprimant ou au contraire saluer sa grande lucidité.
Quelque soit notre point de vue sur le fond, difficile de ne pas saluer la forme d'une maitrise incontestable tant Nuovo Orden est une oeuvre d’une redoutable efficacité, brutale, âpre et terrifiante.
Michel Franco, dont les derniers longs , manquaient sans doute un peu d'envergure, signe là sans doute l’un de ses films les plus puissants.