Romanciers de Lyon : Et ils dansaient le dimanche la belle fresque ouvrière et historique de Paola Pigani
La romancière lyonnaise Paola Pigani nous avait profondément ému avec Des orties et des hommes (2019) , puissant hommage à la terre et à l'enfance.
Elle récidive avec son nouveau roman, Et ils dansaient le dimanche (2021) qui vient de paraitre pour cette rentrée littéraire toujours aux éditions Liana Levi.
Et ils dansaient le dimanche Paola Pigani
« Parmi les grévistes, ils sont nombreux à mépriser les ouvriers venus des villages ou des fermes alentour, qui ont embauché pour améliorer l’ordinaire alors qu’ils ont « de quoi assurer leur manger » : ils ne se mêlent pas aux luttes, n’approuvent pas la grève interminable et restent dans les rangs des jaunes.
Szonja sait que Jean est tenu pour l’un d’entre eux. Grévistes peu convaincu, fataliste, il répète en fumant cigarette sur cigarette, la bouche amère, que le travail aurait pu reprendre sans tous « ces cocos d’étrangers » qui n’ont rien à perdre. En vérité, ils sont bien moins nombreux, les Italiens, Polonais, Hongrois, Espagnols ; épuisés, les poumons troués comme le linge piqué d’acide quand il reste trop longtemps aux fenêtres, beaucoup vivotent désormais de l’artisanat et du petit commerce. L’autorité administrative a restreint le nombre des cartes »travailleur » et des naturalisations. »
Ils sont nombreux, ils viennent de toute l’Europe, poussés par la misère. Fuir une triste existence dans l’espoir d’une vie meilleur. Trois jours de train pour Szonja et sa cousine Marieka. Partir, s’éloigner de Sarvar et ses champs de houblon et de betterave.
Le travail en usine comme une promesse de liberté. La TASE (Textile Artificiel du Sud Est) de Vaulx-en-Velin, une usine chimique qui dévore le corps et l’âme de ses ouvriers, sera toujours mieux que l’absence d’avenir dans la campagne hongroise.
Soixante heures par semaine six jour sur sept et ils dansaient le dimanche, en 1936 le Front Populaire leur fit espérer des lendemains qui chantent.
Au contact de travailleurs italiens ayant fui le fascisme, la jeune femme s’ouvre au monde. Elle n’est plus seule, sa vie sera plus belle, elle ne subira plus.
Une écriture blanche, presque froide pour nous conter la dure réalité de la vie ouvrière dans l’entre deux guerres. Paola Pigani nous émeut et sous sa plume Lyon et sa triste banlieue brumeuse prennent vie, son roman, beau et poignant, touche au cœur, comme les photos de Willy Ronis.
Sur internet : www.lianalevi.fr