« J'avais trouvé le moyen de me fouler la cheville. Limité dans mes déplacements, je restais au jardin. J'avais là un remède à la bougeotte, un anti-voyage. J'étais acculé à la contemplation. "Qu'ai-je besoin d'aller voir ailleurs, pensais-je, quand le monde est contenu dans un brin d'herbe ? Que vaut ma curiosité pour l'étranger quand je manque de curiosité pour la terre que je foule ? Ce n'est pas la quantité de choses vues qui fait l'artiste, pas plus que c'est le nombre de lectures qui fait le sage. Si je suis aveugle à la beauté du lombric, je suis aveugle à celle du tigre. Si je ne sais pas voir la beauté de la fougère, je ne saurai pas voir celle de la rose. Et que m'importe la splendeur de l'or puisque ce granit tatoué de lichen suffit à me ravir ! La beauté est divine et ordinaire. Le miracle est là qui nous entoure et nous ne le voyons pas. Il nous pénètre et nous ne le sentons pas. Le rossignol ajoute sa voix au cantique de l'univers mais nous, pauvres humains, nous maugréons dans notre coin, c'est-à-dire dans nos villes. Amis artistes, au travail ! Le monde est beau, il faut y mettre du sien." Mais alors à quoi bon voyager puisque tout est là ? Réponse : pour voir enfin ce qu'on a sous les yeux, faut parfois se mettre en marche. Le voyage n'est rien d'autre que cette mise en branle qui nous rend un peu lus attentifs à la beauté du monde. En ce sens, une balade de vingt minutes autour d'un pâté de maisons est un voyage, si elle me fait enfin voir le chat pelotonné sur un muret, le vieux bâille sur son banc, le lombric qui se tortille sur le bitume, et qui attendait notre secours. »
On a rattrapé cet été , période ô combien propice aux voyages en tous genres, le second livre de Samuel Adrian : « Une année sur la route » paru en mai dernier aux éditions des Equateurs .
Deux amis, rêvant de détachement, partent sur les routes à la découverte du monde. Au fur et à mesure des kilomètres, des rencontres et des discussions à la nuit tombée, leur voyage se transforme en une aventure intérieure.
Loin du récit de voyage ennuyeux ou un éloge béat de l'itinérance., Samuel Adrian nous amene de la France au Japon, du Mexique aux Etats-Unis avec humour et réfléxion profonde.
Il faut dire qu'il nous invite sans cesse à la réflexion : faut-il voyager à tout prix ? partir ou rester ? Où être à sa juste place ? Qu'est-ce que "l'aventure" finalement ? Et quel est le sens de la vie ? De quoi ai-je besoin ?
Autant de questions et de réponses captivantes qu'on pourra piocher au gré de ce récit de voyage qui bouscule avec joie les codes du genre..
"Un vertige me saisit à la lecture des carnets de route. Que m’apprend ce fatras d’anecdotes, si ce n’est l’effondrement des illusions qui nous poussaient à partir? Le voyage ne nous a pas rendus meilleurs. Nous sommes rentrés avec les mêmes désirs, inassouvis. Nous avons erré d’un continent à l’autre, retrouvant partout le bruit que nous cherchions à fuir.»