Baz'art  : Des films, des livres...
3 octobre 2022

Jumeaux mais pas trop -Nos échanges avec Ahmed Sylla et Olivier Duray, co réalisateur du film

 

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C'est en effet une bien belle idée de réunir Ahmed Sylla, de plus en plus à l'aise de film en film, et Bertrand Usclat, la figure de Broute, qui prend de plus en plus ses aises au cinéma. 
Le choc des opposés, un grand classique qui fait mouche, d’autant qu’il permet d’aborder une réflexion sur le déterminisme social et la recherche de ses origines. le duo Usclat-Sylla fonctionne parfaitement, le film navigue entre rires et émotion avec un bel équilibre en évitant bon sentiments et lourdeurs.
On avait rencontré début septembre sur LYON  une partie de l'équipe du film, on vous livre un petit extrait du déroulé de nos échanges :

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 Echanges avec le co réalisateur du film Olivier Ducray :

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 Comment est née l’intrigue du film ?

Olivier Ducray : L’idée de départ vient d’un article que le producteur Jérôme Corcos avait lu, expliquant qu’il existe une chance sur un million de donner naissance à deux jumeaux de couleur de peau différente. Un phénomène rarissime !

On est donc parti de là avec mon coscénariste Jean -Paul Bathany et on a ensuite imaginé l’histoire de deux frères jumeaux – l’un noir, l’autre blanc – qui ne se connaissent pas et qui se rencontrent à l’âge de 33 ans. Je connaissais bien  Wilfried Meance : je lui ai  proposé de coréaliser le film avec lui et on a terminé l’écriture du scénario tous les trois.

Comment avez-vous dessiné les deux protagonistes, Anthony et Grégoire ?

 OD : Au tout début, on s’était demandé si on ne pouvait pas s’amuser à inverser les clichés en faisant du Blanc le personnage au bas de l’échelle sociale et du Noir celui qui a réussi.

Mais on a vite compris que c’était une idée de scénariste et qu’il valait mieux partir du cliché pour le désosser en faisant évoluer la situation.

On a donc délibérément adopté le principe que Grégoire devait être un peu caricatural, sans pour autant en faire un candidat extrémiste ou un membre du Rassemblement National.

On voulait qu’il soit de droite, propre sur lui, sans susciter beaucoup d’empathie au départ.

Il fallait qu’on sente qu’il a les dents qui rayent le parquet pour mieux faire exploser les a priori du spectateur par la suite : quand il est chamboulé dans ses certitudes, ses objectifs politiques passent au second plan et il se met à s’interroger sur son identité.

Pour Anthony, de notre coté,  on voulait éviter le cliché du jeune de banlieue, même s’il vit dans une cité.

Il fallait qu’il évolue dans un environnement assez soft et on a d’ailleurs réellement tourné dans une cité d’Angoulême plutôt tranquille.

Anthony est un garçon débrouillard, qui vit de combines, sans être un délinquant. Contrairement à Grégoire, il sait très bien d’où il vient et il est conscient d’avoir été adopté.

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Les dialogues sont particulièrement percutants pour une comédie française. Comment s’est déroulée la phrase de l’écriture ?

 OD :  C’est une étape qu’on aime beaucoup, qu'on avait coeur à soigner,  et surtout on a fait énormément de lectures avec les comédiens en amont du tournage.

C’était comme une mise en bouche et c’est à ce moment-là, une fois que la structure dramaturgique est définie, qu’on trouve la manière dont parlent les personnages.

C’est d’ailleurs ce qui permet aux acteurs de s’emparer de leurs personnages et cela les crédibilise. C’est donc un travail en deux temps : l’écriture de la partition et son interprétation.

Et puis les deux temps viennent aussi du background et de la différence entre les comédiens et leurs personnages : Ahmed Sylla vient du stand-up : il a un phrasé et des tournures qu’on n’a pas et on l’a laissé s’approprier les dialogues. Bertrand Usclat est un cérébral et il a besoin que son texte ait du sens par rapport à son personnage

Comment avez-vous pensé à Ahmed Sylla et Bertrand Usclat pour les deux rôles principaux ?

 OD : Ahmed était parfaitement taillé pour le rôle et on avait une affinité évidente avec lui.

On a connu Bertrand grâce aux vidéos de Broute où il joue un député de droite. Le plus important pour nous, c’était que leur tandem fonctionne.

Vous savez, au-delà du texte, cela permet aux acteurs de s’appréhender, de se connaître, de voir s’ils peuvent fonctionner ensemble. Ce sont d’ailleurs souvent les temps de pause, entre les essais, qui sont les plus révélateurs.

Très vite, Bertrand a accepté de jouer le clown blanc face à Ahmed qui, de toute évidence, était l’Auguste. Ahmed a eu la grande intelligence d’accepter de jouer face à un acteur qu’il ne connaissait pas. Ils ne viennent pas du tout du même microcosme : Bertrand faisait partie des personnalités de Télérama 2021, alors qu’Ahmed est davantage un comédien populaire. Mais on aime bien brouiller les pistes.

Il y a aussi un arrière-plan social, même s’il s’agit d’une comédie…

 OD : Je tiens à rendre hommage à Nadir Dendoune : c’est indirectement grâce à lui que j’ai rencontré Ahmed Sylla. C’est l’auteur du livre autobiographique dont s’inspire L’Ascension que j’ai écrit avec Ludovic Bernard.

Nadir m’a parlé de la salle associative du quartier où il a vécu en Seine Saint-Denis et de l’animateur qui a jouéun rôle majeur dans la vie de dizaines de jeunes comme lui : il leur a fait découvrir des films, des livres, et leur a donné une conscience politique.

La salle a été fermée, et il l’évoque dans Lettre ouverte à un fils d’immigré : j’ai voulu intégrer en filigrane cette histoire que je ne connaissais pas au scénario.

Car je suis totalement convaincu que le tissu associatif et les initiatives ultra-locales sont une des clés de l’émancipation sociale. D’ailleurs, tous les jeunes qui, comme Nadir, ont fréquenté cette salle ont réussi leur vie professionnelle.

Entretien avec le comédien Ahmed Sylla 

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Comment l’aventure a-t-elle démarré pour vous ?

Ahmed Sylla  : Je connaissais Olivier qui avait coécrit L’Ascension, et avec qui j’avais déjà un lien professionnel. Mais quand il m’a pitché ce projet, j’ai été un peu sceptique au départ parce que je me demandais où lui et son coauteur voulaient aller.

Et puis, dès notre premier rendez-vous, Olivier et Wilfried  m’ont vraiment rassuré en me disant qu’ils voulaient faire un film qui ait du sens, de la profondeur, et éviter la gaudriole.

J’ai tout de suite eu envie de lire le script.

Qu’en avez-vous pensé justement de ce scénario?

J’en suis tombé amoureux, car il dépassait avec intelligence les problématiques de différences de couleur de peau et de classes sociales.

Grâce à sa profondeur, l’histoire devenait universelle : elle parlait de famille, de fraternité, d’amour, qui sont autant de sujets totalement universels.

C’est ce qui m’a donné envie de participer au film.

Comment pourriez-vous définir votre personnage ?

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AS : Anthony est un grand enfant qui a grandi trop vite – ou plutôt, qui a été obligé de grandir trop vite. Contrairement au personnage de Grégoire, qui ignore qu’il a été abandonné à la naissance. Anthony en a fait le deuil et a dû grandir plus vite que les autres. Pour autant, il reste un gamin dans l’âme qui aime se marrer et être léger, mais qui, dans le même temps, tient à prendre soin de son père adoptif.

C’est donc un garçon très humain, et j’adore ce genre de personnage parce qu’il est vrai. La part de composition est très infime. Il subit des préjugés, mais il n’en est lui-même pas dépourvu…

Cette répartition dans le script est excellente : on aurait pu s’attendre à un film cliché et binaire, entre les noirs et les blancs, mais Anthony partage aussi les préjugés et les craintes de Grégoire. Car il se dit que son frère est un type arrogant et insupportable qui ne sait pas comment il vit.

D’ailleurs, le préjugé de base dans les quartiers, c’est de penser que ceux qui ne viennent pas de là ne peuvent pas comprendre ce qu’on y vit Ce qui est très beau dans l’aventure qu’Anthony et Grégoire traversent ensemble, c’est la manière dont ils parviennent à dépasser leurs préjugés et à se rendre compte de leurs points communs.

Jumeaux mais pas trop – Direct-Actu.fr

Ce n'est pas si fréquenter de tourner pour un duo de réalisateurs. A ce propos, comment Olivier et Wilfried vous ont-ils dirigé ?

AS : Olivier et Wilfried sont incroyablement complémentaires.

C’est aussi la première fois que, sur un tournage, je finissais avec 1h ou 1h30 d’avance. Non pas parce qu’on travaillait moins, au contraire. Mais Olivier et Wilfried étaient super préparés en amont, et c’est ce qui nous a permis de gagner énormément de temps sur le plateau.

On n’a jamais ressenti de doublon dans leurs consignes, qu’elles viennent de l’un ou de l’autre.

Quand le premier avait une demande, le second l’appuyait, et quand l’un avait une idée, l’autre la complétait, et inversement.

Ils ont évolué, comme Bertrand et moi, sur le plateau, sans jamais tirer la couverture à eux : ils étaient très à l’écoute l’un de l’autre, et je n’ai jamais ressenti la moindre tension entre eux. 

 Merci aux cinémas Pathé  et UGC de Lyon  et à SND pour cette rencontre.. 

Crédit photo: Fabrice SCHIFF

 

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