Baz'art  : Des films, des livres...
22 novembre 2022

Interview de Roschdy Zem pour son film « Les Miens »

Avec Les miens, qui sort au cinéma dès demain, Roschdy Zem s'affirme comme un talentueux réalisateur avec ce 5e film qu'il a mis en scène, un film  qui est assurément notre film coup de coeur de la semaine 

Avec Les Miens, dont Roschdy en est le metteur en scène, le coscénariste (avec Maïwenn) et un des interprètes principaux, il nous livre une histoire très personnelle et très universelle. 

Sa venue à Lyon le mois dernier lors du dernier Festival Lumière fut l'occasion idéale pour évoquer avec ,Roschdy Zem   la genèse de son film : 

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 Votre film semble très personnel. Est-ce qu'il s'agit là d'une mise en scène de votre propre famille ?

 Roschdy Zem - C’est exactement ça.   En réalité, tout part de l’accident qui est arrivé à mon frère et qui comme le Moussa du film a vu sa personnalité totalement changée à cause de ce coup à la tête.

Mais au dela de cela, cette  histoire est directement inspirée par ma famille. Et tous les personnages sont totalement inspirés des gens qui me sont très proches. 

Je suis allé piocher dans ce que je connaissais en essayant de restituer le statut de chaque frère, notamment celui qui lui est prescrit au sein de la tribu.

Je ne suis pas allé chercher bien loin, même si l’histoire se concentre sur deux frères. Mais c’est mon interprétation de ce que je vois d’eux et de ce qui émane d’eux.

Surtout, je voulais avec ce film mettre en abyme ce que je pouvais considérer comme un dysfonctionnement de nos personnalités de part et d’autre . 

Est ce qu'on peut dire que c'est un film qui est très important à vos yeux, peut etre plus que les autres que vous avez réalisé??.

 Roschdy Zem Évidemment, c’est un film qui est très important à mes yeux. 

Je n’ai jamais été, je crois, aussi sincère dans mon travail, ni aussi engagé.

Le premier, Mauvaise foi, était aussi très personnel puisqu'il racontait mon histoire de couple, mais c'était sous le ton de la comédie et je m'y livrais moi que je ne le fais dans les Miens .

En même temps, Les miens, c'est aussi le film où je suis le plus paresseux car je n'ai pas inventé grand chose, tout existait déjà ( sourires) . 

Pour les miens, j'ai tenu à ce que le film reste dans une tonalité de comédie dramatique, car ce film, c’est l’histoire de la vie, et a vie, c’est une comédie dramatique avec des hauts et des bas. 

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 On imagine aisément que les reproches qui sont adressés à votre personnage dans le film par ses frères et sœurs et son épouse sont ceux qui lui sont adressés dans la vraie vie, on se trompe?

 Roschdy Zem :  Non, vous ne vous trompez pas du tout (sourires) : les reproches qu'on adresse à mon personnage, c'est bien ceux que mes proches ont pu me faire et qu’on me fait encore, à juste titre.

C’est aussi une façon de faire mon mea culpa.

Si je ne m’épargne pas dans le film, c'est parce que le personnage que j’interprète est très inspiré de moi, évidemment, mais aussi de l’image que je restitue et surtout celle qui m’est reprochée.

J'avais la volonté de pratiquer une autocritique lucide, et de le faire par le biais d'un protagoniste qui est dans la lumière et dont la notoriété écrase le reste de la fratrie.  

Et pourquoi en faire un présentateur sportif, et non pas un comédien, est- ce par  pur fantasme de votre part, vous qui adorez le foot?

 Roschdy Zem  Ah oui totalement, c'est un vrai plaisir de gamin de jouer les Guy Lux ou les Michel Druckerd'aujourd'hui (rires).

Franchement, animer un talk show avec mes chroniqueurs, quel kif ca pu être, on a tourné des heures de ces émissions, il faudrait les mettre dans les bonus (rires)..

Et puis en analogie j'ai voulu écrire le film comme peuvent le faire certains analystes sportifs qui livrent une vision du sport que je trouve fascinante, investie.

Mon personnage au travail a une attitude qu’il veut forte.

Il est solide, à sa place et refuse la médiocrité. 

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Vous avez co-écrit ce film avec Maïwenn qui vous donne aussi la réplique. Pourquoi avoir décidé de faire cette collaboration ?

 Roschdy Zem - C’est une idée de mon producteur au départ. Au moment où je lui ai raconté mon histoire qui donnera plus tard Les Miens, il était en post-production pour monter ADN .

Une fois qu’il avait terminé de monter son film, il me l’a montré. Quand je l’ai vu, j’ai tout de suite demandé à rencontrer Maïwenn pour qu’elle me donne des conseils et surtout qu’elle m’explique un peu sa façon de faire, comment elle avait procédé pour écrire et pour tourner aussi vite.

Après en avoir discuté, elle m’a rapidement dit qu’au lieu de me dire comment le faire et comment le réaliser, elle allait l’écrire avec moi.

Grâce à son expertise, elle m’a permis d’aller plus loin et d’aller au cœur, dans la chair, des personnages. Je transmettais les scènes à Maïwenn, qui sans lien affectif avec ma famille agissait comme un filtre pour me permettre de prendre la distance nécessaire et de faire le tri..

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Et la retrouver comme actrice après avoir joué avec elle dans le très beau et trop méconnu Le prix du succès, c'était évident?

 Roschdy Zem :  Ah oui c'est vrai, j'ai même pas pensé à ce film où on a joué ensemble, c'est drôle.

Oui, au fur et à mesure de l'écriture c’était tout naturel et pertinent que le rôle d’Emma lui revienne, elle connaissait parfaitement les répliques c'était plus simple que ca soit elle qui les joue.

Elle, comme moi, en avions  vraiment envie.

 Votre famille est nord africaine mais cela ne semble jamais être le sujet du film, comment êtes vous parvenus à atteindre cette universalité là et éviter de parler par exemple de communautarisme ou de religion ? 

 Roschdy Zem : Cela se fait naturellement, à partir du moment même où je décide de raconter cet accident : car là,  je réalise que je raconte ma famille, ce qui me fait réaliser que je raconte ma France et tout ça m’échappe un peu.

Ce qui m’intéresse au départ, c’est l’accident, parce que ça me fascine qu’on puisse changer à ce point de personnalité.

Et en fait, c’est un cheminement que je ne contrôle plus et qui fait que finalement, je raconte une chronique familiale, mais d’une famille d’origine nord-africaine, sans passer par le prisme de la culture ou de la religion.

La seule chose qui m’intéresse à travers les personnages que je décris, c’est la part d’humanité qui est en eux. En toute modestie, je crois que c’est un peu nouveau.

A chaque fois qu’on parle de ce type de famille, c’est dans la majorité des cas pour parler de religion, de place dans la société ou de voile…

Il fallait que les enjeux de cette histoire dépassent tout ça. Les Miens, c’est une famille ordinaire et donc comme toutes les familles, son histoire est aussi paradoxalement, extraordinaire parce que particulière. 

Les personnages ne sont jamais motivés ou influencés par un aspect culturel, et encore moins religieux.

En fait , quand mon producteur qui est un fils d’industriels à qui j’ai montré la première version  m’a dit : « on dirait ma famille », là je me suis dit que même sans y penser, j'avais raconté l'histoire d'une famille universelle, en espérant que pour tous les spectateurs qui le verront, ce soit la famille sur laquelle on peut tous se projeter. 

Il y a dans votre film un vrai fossé des générations, que l'on voit aussi bien avec les grands frères et les petits frères et surtout entre les parents et les enfants qui semblent ne pas se comprendre. Comment avez vous construit ces strates là?

 Roschdy Zem : Ce qui m’intéressait c’était raconter l’évolution sociale de notre société, quelque chose qui a réussi, qui en a fini avec cette attitude qui consiste à s’excuser en permanence pour une certaine jeunesse des quartiers d’être là, et qui doit remercier tout le monde tout le temps.

Sami et moi, on fait partie de la première génération à être nés en France. Ma sœur qui a deux ans de plus que moi est née au Maroc.

Et il y a dans leur attitude quelque chose du déchirement que nous, on n’a pas connu et qu’on n'a pas, 

Ils sont arrivés à l’âge de huit-dix ans et même si cela fait cinquante ans qu’ils sont en France, il reste ce déracinement qu’ils ont subi et donc forcément un traumatisme qui change leur attitude : ils ont pas le même confort que nous.d'où cette différence entre les grands et les petits frères que vous avez remarqué dans mon film.

Quand on a commencé notre métier d’acteurs, il y a trente ans avec Sami Bouajila notamment, on s’excusait d’être là. Aujourd’hui, la nouvelle génération de comédiens issus de la diversité, de Tahar Rahim à Lyna Koudri, n’a pas ce complexe. 

Elle est là parce qu’elle a le talent, les compétences, et à ce titre, elle se sent à sa place. 

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  Le titre Les Miens s’est-il imposé tout de suite ?

 Roschdy Zem : Pas du tout, et en fait,  au départ il devait s'appeler sans Filtre, un titre d'un film qui a fait parler de lui récemment je sais plus trop pourquoi ( rires)  !

J'aime beaucoup Les miens en fait, il me fait penser à l’affiche du film où l’on voit mon personnage qui est le seul à avoir le regard tourné vers Les Miens.

Pour moi c’est une question de cohérence et de responsabilité, car ça n’est pas rien de raconter les siens. Ce titre est une façon de l’assumer.

Comment votre famille a-t-elle réagi face à ce projet ?

 Roschdy Zem J’ai commencé par faire lire le scénario à mon jeune frère, celui dont l'histoire est centrale dans le film . Je ne cherchais pas son approbation, je voulais qu’il soit informé, je le savais encore très affecté. Je ne voulais pas avoir le sentiment de le trahir. 

Il l'a lu, et ne m’a rien interdit. La chose était dès lors entendue ( sourire).

Vous savez, ce long métrage retrace un trou noir de deux années dans son esprit et voir le film en quelque sorte lui a permis de tourner la page, de façon presque définitive sur le sujet.  

Pour le reste de mes proches, ils ont découvert le film très récemment.  

C’était pour eux un moment assez magique quand ils ont compris qu’ils étaient l’objet d’un film.  

Pour ma famille, se voir représentée à travers un film c’est à la fois flatteur et perturbant. Ils ont finalement  été vite rassurés et flattés car ils ont vu que seule la bienveillance me motivait sur ce projet.   

Les Miens, un  film de Roschdy Zem 

Avec  Sami Bouajila, Roschdy Zem, Maïwenn, Rachid Bouchareb, Meriem Serbah, Nina Zem, Anaïde Rozam, Abel Jafrei

Sortie : Mercredi 23 novembre 2022

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