FESTIVAL OFF AVIGNON 2023 / DOLORES : danser pour conjurer l'ignominie
"J’étais un innocent, ils ont fait de moi un assassin. Moi, je ne demandais qu’à danser avec ma sœur."
Qui connaît aujourd'hui Sylvin Rubinstein ? Ce danseur juif, membre d'une organisation clandestine de la Wehrmacht, a été totalement oublié des livres d'histoire et de culture.
Son parcours de résistant, découvert par hasard au début des années 2000, qui avait déjà fait l'objet d'un formidable roman de Marie Charruel, est remis très joliment en avant dans une des grandes pièces proposées par le OFF d'Avignon écrit par Yann Guillon et Stéphane Laporte, et mis en scène avec délicatess et ingéniosité par l'incontournable Virginie Lemoine.
Né en 1914, enfant illégitime d'un aristocrate russe et d'une danseuse juive polonaise, Sylvin Rubinstein a d'abord connu le succès dans les années 1930, aux côtés de sa soeur jumelle.
Le duo, sous le nom de scène d'« Imperio et Dolores », a parcouru le monde comme danseurs de flamenco et s'est produit dans les plus grands cabarets du monde.
Ne pouvant plus travailler en Allemagne nazie - les artistes juifs sont interdits -, ils s'installent en Pologne en 1939, où la guerre les surprend. Les voilà contraints de porter l'étoile jaune et de gagner le ghetto de Varsovie.
Sylvin s'en échappe et parvient à acquérir de faux papiers grâce à un lieutenant allemand, tandis que sa soeur jumelle Maria aura quant à elle moins de chance.
La destinée de Sylvin va prendre alors un tournant assez étonnant, que la pièce de Yann Guillon et Stéphane Laporte reprend en la fictionnalisant quelque peu mais en gardant les lignes principales de cette vie hors du commun,
La bravoure, le deuil, la résilience à la barbarie humaine sont les piliers de cette pièce intense, qui parle de nazisme, de ghetto, de Shoah., mais aussi et surtout de danse, et ponctué de numéros de flamenco de toute beauté ( réalisés par Ruben Molina-Imperio et Sharon Sultan-Dolores)
Le trop rare Olivier Sitruk interprète le personnage principal dans toute sa complexité et sa souffrance, Joséphine Thoby donne vie avec pas mal d'innocence à Maria et François Feroleto qui interprete plusieurs rôles dont Papa Kurt est épatant .
Un hommage rendu avec grâce et beaucoup de sensibilité à un oublié de l'histoire exhumé dans une pièce qui devrait cartonner à la prochaine rentrée théatrale parisienne
Du 7 au 29 juillet à 17 h 35 (relâche les mercredis), au Théâtre actuel Avignon,