Festival Lumière 2023 : Lune froide- l'amour à l'ami, à la mort
Bouchitey adapte Bukovski et ne met pas d'eau dans son vin
Jeune homme timide et harcelé dans La meilleure façon de marcher (Claude Miller) en 1976, embarqué la même année dans un road-movie en Chevrolet à parler de sexe sans détour dans Le plein de Super (Alain Cavalier), Patrick Bouchitey fleurit sur grand écran dans la jouvence et l’irrévérence.
Il atteint son éternité satirique dans La vie est un long fleuve tranquille (Etienne Chatiliez, 1988) où il nous fait mourir de rire en prêtre sirupeux, exultant un légendaire Jésus reviens, entonné à la guitare électrique.
Comique sur le fil, le grand public connaît moins ses œuvres personnelles, comme Lune froide qu’il a réalisée en 1991 (d’après une nouvelle de Bukowski) et qui transgresse le tabou de la nécrophilie.
Sa présentation dans une très belle restauration orchestrée par Malavida films et présentée pour la première fois lors du Festival Lumière avant une sortie en salles en novembre permet de (re) voir le film plus de trente ans après sa sortie , une sortie entachée par une polémique liée à ces scénes finales autour justement de la nécrophilie.
En 1988, l’acteur Patrick Bouchitey passe à la réalisation avec le court métrage Lune froide, adapté de la nouvelle La Sirène baiseuse de Venice, Californie de Charles Bukowski, et reçoit à cette occasion le César du court métrage de fiction en 1990. Obsédé par cette nouvelle, il décide de l’adapter dans un long métrage du même titre et d’y associer une autre nouvelle de Bukoswki, Panne de batterie, elle aussi tirée du recueil Nouveaux contes de la folie ordinaire.
Tourné en noir & blanc dans la zone industrielle portuaire de Lorient, en Camargue et à Paris, Lune froide est une adaptation de Bukovski sans concession aucune.
Il met en scène un duo d’adolescents de 40 ans, paumés et écorchés vifs, mais aussi farceurs, délirants et libres.
Ces deux complices, incapables de fonctionner séparément, iront d’errance en errance, jusqu’à voler un cadavre dans une morgue.
D’une beauté sculpturale, la défunte deviendra dans leurs bras un objet de désir, une "sirène" dont Simon tombera fou amoureux.
Proposition singulière s'il en est, Lune froide rappelle que le cinéma peut faire mal...
On suit les pérénigrations de deux loosers d'une quarantaine d'années entre bagarre, picole, provocation..........
Ce film est inspiré d'une nouvelle de Charles Bukovski "La sirène", à l'origine c'était un court métrage primé en 1990 au césar.
Bouchitey à donc décidé dans faire un long métrage mais en laissant le court métrage tels quel pendant le film sous forme de flashback.
Le scénario est très mince, et l'excès de provocation peut lasser, mais la réalisation, avec sa superbe palette de tons noirs et blancs teinté de plans à la limite du surréalisme est vraiment étonnante. Le réalisateur comédien n'hésite pas à jouer sur le contraste avec la lune et la nudité des corps.
Si Bouchitey acteur a du mal à ne pas amener son personnage dans l'outrance un peu forcée, Jean François Stevenin est assez incroyable de nuances en innocent au coeur plus tendre qu'attendu .
Evidemment, le film, totalement à contre courant de la production française de l'époque- même si on peut penser à certains films de Léos Carax- a fait scandale à sa sortie et est interdit aux moins de 16 ans.
Si, comme l'est le texte original de Bukoswki, Lune froide est évidemment provocant, il se révèle aussi d’une véritable poésie.
Il y a fort à parier qu'en 2023, ce Lune Froide inspirera un profond rejet à certains spectateurs surtout en période me too, mais l'errance des ces deux paumés traine derrière lui son lot de fulgurances et d'audaces impossibles à contester
Patrick Bouchitey présentera son film Lune froide (1991, int - 16 ans) mercredi 18 octobre à 20h au Comoedia et jeudi 19 octobre à 21h15 au Lumière Terreaux.
Le film a obtenu le Label Lumière Classics !
Ressortie le 15 novembre 2023 par Malavida Films