Interview de Rudy Milstein pour le film " Je ne suis pas un héros"
Évoquer avec humour le cancer il fallait oser... Le comédien et scénariste Rudy Milstein l’a fait! Avec cette première réalisation au titre évocateur: "Je ne suis pas un héros " (rien à voir avec la chanson de Daniel Balavoine), il livre un premier long-métrage assez singulier et audacieux porté par une distribution de choix: Vincent Dedienne, Clémence Poésy, Géraldine Nakache et Isabelle Nanty.
On a rencontré son réalisateur sur Lyon quelques jours avant la sortie du film - retrouvez notre critique ici même
Un film sur les apparences
"Je ne suis pas un héros, c’est un film sur les apparences. Sur lui qui n’arrive pas à avancer dans sa vie parce qu’on le trouve trop gentil… Et même lui il n’a pas le temps de trouver ce qu’il aime. Il sait pas ce qu’il veut faire au départ. Je l’ai vraiment pensé comme un mec qui fait sa crise d’ado à 32 ans, ce que je comprends parce que j’ai fait ma crise d’ado à la trentaine (rires).
Il ne sait pas ce qu’il veut dans la vie, il se cherche. Il veut plaire à ses parents en étant avocat, il veut plaire aux mecs de son cabinet parce qu’ils ont le pouvoir parce qu’il a envie de faire ça. Il va même faire jusqu’à leur faire croire qu’il a un cancer pour avancer professionnellement. La thématique de l’apparence était là dès le départ..."
Vincent Dedienne naif.... mais pas tant que ca !!
"Vincent Dedienne dégage une naïveté propre à l’enfance. C’est dans le regard de la fantaisie, de la poésie, des trucs qu’on a quand on est encore enfant, avant de faire sa crise d’ado justement. C’est ce que je voulais exploiter chez Vincent, il fallait pas du tout quelqu’un qui ait une énorme confiance en lui.
Mais c’est marrant parce que Vincent est pas du tout comme ça dans la vie, je l’ai réalisé quand je l’ai découvert. C’est un vrai gentil, il a pas du tout la grosse tête, mais dans la vie il a pas cette naïveté à côté de la plaque du personnage. Le travail avec lui était génial parce qu’il prenait toutes mes propositions, il rajoutait des trucs à lui… On a vraiment construit le personnage ensemble."
Ecrire un film à plusieurs personnages
Moi je viens du théâtre, et au théâtre on écrit pour nous, pour des potes, et on a envie que tout le monde ait quelque chose à défendre. Parce que c’est horrible de faire venir quelqu’un juste pour dire « Bonsoir, mademoiselle « , et après il attend 1h30 qu’on finisse. Du coup on a cette volonté-là de servir tout le monde.J’ai gardé cet esprit au cinéma, de faire en sorte que tous les personnages aient quelque chose à défendre. Et c’est aussi ce que j’aime dans les comédies américaines, tous les personnages secondaires existent sont forts, même un personnage qui a deux scènes.
J’ai revu il y a pas longtemps En cloque mode d’emploi de Judd Appatow, il y a la collègue du boss qui a deux séquences, ou elle balance juste des blagues, et on a toute son histoire. Et je trouve ça hyper fort. Je voulais vraiment que tous mes personnages aient quelque chose à défendre.
Pour les rôles principaux, ce sont des gens connus que je connaissais pas, mais pour les rôles secondaires j’ai pas fait appel à un directeur de casting parce que je voulais recréer un esprit de troupe sur le plateau. Et tous les rôles secondaires sont quasiment que des potes ou que des gens que j’ai admiré au théâtre, et avec qui j’avais envie de bosser. Et ça a vraiment contribuer à créer un esprit de troupe sur le plateau, c’était hyper joyeux… Moi c’était les deux mois les plus joyeux de ma vie, c’était dingue. C’était hyper enfantin, pas dans le travail évidemment.
Une comédie à l'américaine ou à la Bacri Jaoui?
J’ai des influences, et c’est vrai que j’adore dans les comédies américaines où tous les personnages sont hyper-bien bossés. Ils n’ont pas peur d’aller hyper loin, mais en même temps il y a un vrai travail d’écriture, donc c’est pas gratuit, c’est toujours en partant des vraies gens avec de vraies problématiques. Enfin, dans les vraies bonnes comédies américaines, celle que j’aime en tout cas ! Les films de Judd Appatow par exemple, il y a ce truc où ça pourrait-être too much mais comme les émotions et les personnages sont vrais, on l’accepte.Et j’ai plein de références de comédies française. J’adore les films d’Agnès Jaoui, de Julie Delpy, de Baya Kasmi, Michel Leclerc… J’ai toutes ces références-là. Après dire que je voulais faire comme si ou comme ça je saurais pas trop dire, je serais incapable de définir ce que j’ai voulu faire au départ.
Héros ou zéro?
Typiquement, le titre du film c’est Je ne suis pas héros parce que le mec est le héros du film mais ce n’est pas un héros. Il est hyper gentil mais c’est pas un héros non plus parce qu’il fait des choses immorales pendant le film, il laisse passer plein d’injustices, il est hyper sympa avec des gens de l’asso et après il annonce à sa boss qu’il a réussi à les manipuler… Mais à aucun moment on ne sent une remise en question de sa part. Et le personnage de Clémence (Poesy), sa patronne au cabinet, quand elle fait son speech de fin… C’est marrant, parce qu’en projection, les gens me disent qu’elle est méchante et tout ça. Et moi je leur dis « est-ce que vous le feriez ?? ». Je ne suis pas sûr.
Elle c’est nous. Moi si par exemple on me dit que tout ta vie est finie, parce que tu vas terminer en prison, que ta carrière professionnelle est terminée parce que tu ne bosseras plus jamais, tu n’as plus d’argent, plus rien… Mais tu as fait un acte héroïque et tu as sauvé peut-être la vie de plein de gens… J’espère que j’aurais le courage de le faire mais honnêtement… Quand notre propre survie est remise en question, bah on a bien vu dans l’histoire que l’être humain dit tant pis pour les autres. Ma propre survie d’abord.