LE TEMPS D'AIMER, Katell Quillévéré : notre critique du film
Mercredi dernier est sorti en salles le majestueux "Le Temps d’aimer". Après ses formidables "Suzane" et "Réparer les vivants", et sa remarquable mini-série "Le monde de demain", cosignée par Hélène Cisterne, la réalisatrice Katell Quillévéré est de retour avec "Le temps d'aimer", très grand film sur le couple, son mystère, ses secrets.
Une Histoire d'amour dans le contexte historique
Le film, librement inspiré de l'histoire de la propre grand mere de la cinéaste, commence par des images d’archives à la toute fin de la Seconde Guerre mondiale, des photos de ces femmes tondues et humiliées pour avoir couché avec l’occupant, un traitement inhumain qui a durement marqué le paysage français, notamment pour ces femmes et les enfants qu’elles eurent pendant cette période troublée.
Ce temps d’aimer, ce sont les destins qui basculent au jeu de l’intrigante existence des hasards qui n’en sont pas. Sur près de trente ans, jusque dans les années 80, on va suivre ce couple en fuite de lui-même. Malgré leurs antagonismes le couple résiste au temps et une très belle histoire d’amour s’impose entre eux.
Fuir le passé, fuir sa différence, fuir une société qui évolue mais reste arc-boutée sur des valeurs qui forcent certains à se déguiser, à jouer à être quelqu’un d’autre, à cacher qui ils sont vraiment aux yeux de tous, embarrassés par la honte.
Une Analyse profonde du mystère qu'est le couple
L’intelligence du film tient à une analyse très fine et bienvenue de ce mystère qu’est le couple : pourquoi s’aime-t-on ? Pourquoi s’allie-t-on ? Certes, de nos jours, dans nos sociétés, l’amour est devenu la principale raison de la formation d’un couple et la fin de celui-ci, la première cause de sa dissolution. Katell Quillévéré nous rappelle que les choses sont plus compliquées. et que cette époque, même si la société emprisonnait les désirs et les âames, permettait quand même se tenter de créer sa propre voie.
Ce drame sentimental et historique trouve en Vincent Lacoste son meilleur allié tant il apparait intense, en homme bisexuel qui trouve une alliée en la personne de son épouse porteuse, elle aussi, d’un lourd secret, à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
"Le temps d’aimer" est un film fresque qui commence à partir de rien : la fin de la guerre, la violence, la solitude… pour tout (re)construire.
Un mélange de classicisme et de modernité
Katell Quillévéré tire de ce point de départ casse gueule sur le papier un magnifique mélodrame, genre si peu aisé à maîtriser, qu’elle exécute à merveille.
Tout le film est en fait un mélange de classicisme et de modernité. Anaïs Demoustier, dans le rôle de Madeleine, est vibrante et nous bouleverse même dans l’injustice de son rejet.
Vincent Lacoste donne une interprétation moderne à ce couple atypique, parvenant largement à empêcher le film de tomber dans le piège de la reconstitution sous formol ou un peu académique, piège auquel il pourrait tendre .
"Le temps d’aimer" en devient un long-métrage poignant par ce qu’il dit d’une époque, mais aussi par ce qu’il dit de l’humain : celui d’hier comme celui d’aujourd’hui. Il devrait vous toucher au coeur ou alors c'est à n'y rien comprendre.