Texte de théâtre : | A HUIS CLOS ! KERY JAMES
Cinq ans après le succès d’À vif, le rappeur, auteur, compositeur, scénariste, réalisateur et poète Kery James fait son retour sur les planches avec une nouvelle pièce.
À huis clos est conçue comme une suite à ce premier texte, qui voyait s’affronter deux jeunes avocats, dans un théâtre politique laissant place aux mots, autour d’un concours d’éloquence où Soulaymaan, jeune avocat issu d’une banlieue parisienne, affrontait Yann, venu d’un milieu favorisé.
Pour À huis clos, Kery James convoque à nouveau le personnage de Soulaymaan en le plaçant au coeur d’une France meurtrie par une justice défaillante.
Après le meurtre de son grand frère par la police, Soulaymaan, désormais désabusé et prêt à tout, même à perdre la vie, décide de prendre les armes pour un face-à-face avec le juge qui a innocenté l’assassin de son frère.
En le prenant en otage dans son propre appartement, il se retrouve dans un débat endiablé, où deux visions du monde s’affrontent de nouveau. Leurs échanges évoqueront aussi bien la politique que la démocratie, l’amour ou le pardon, et révèleront, au fil des digressions, que les fêlures de l’un répondent à celles de l’autre.
La plume de Kery James est bien acérée, bien limé, rythmée et surtout très riche en documentation et références : deux regards, deux France se font face.
Quand Souleymaan défie cette idée d’une police au service de la protection des citoyens avec l’affaire Michel Zecler, du nom de ce producteur de musique tabassé dans son propre studio, le juge lui rétorque la haine anti-flics des voyous de Viry-Châtillon en 2016 (où des policiers avaient été attaqués au cocktail Molotov).
Les termes sont posés : les violences policières existent et sont systémiques : « Quand ça n’arrive qu’une fois, c’est un drame. Quand l’histoire se répète, c’est une politique. »
Le jour de la libération du policier qui a tiré sur Nahel, ce jeune de 17 ans tué par un policier lors d’un contrôle routier fin juin, provoquant une semaine de colère en France, entendre l’histoire de Soulaymaan, parler de son frère victime de violences policières fait d’autant plus écho.
Le jeune avocat aborde le parcours du garçon brisé en pleine jeunesse et Nahel est réinvisibilisé, même si on a l’impression selon lui que des Nahel, il en existera toujours : «Ce que certains ont appelé les émeutes de 2005 – et d’autres les révoltes – n’a pas empêché la mort du jeune Nahel preque vingt ans plus tard».
Les mots s’ajoutent comme les étapes d’un combat dont la parole n’est que l’instrument… Tout comme un concours d’éloquence tiens…
Le dialogue demeure la dernière chose dans laquelle Kery James croit, pour faire réémerger des points communs dans la société. Pour cela, il faut pousser dans les retranchements, toujours poser des questions pour reprendre.
À huis clos, Kery James
En librairie depuis le 11 octobre aux éditions Actes Sud