D'argent et de sang : une nouvelle grande série made in France [critique]
Pour sa première incursion dans l’univers sériel, le grand réalisateur de cinéma Xavier Giannoli s’empare de l’arnaque à la taxe carbone et signe un thriller rutilant qui explore la folie d’un capitalisme vorace.
Derrière des personnages hauts en couleur, il signe un polar moral et politique ainsi qu'une plongée vertigineuse dans les arcanes de cette combine fascinante.
C’est précisé dès le début : les noms des protagonistes ont été changés, certains personnages ont même été totalement inventés. Il ne sera pas question d’égaler l’abattage délirant de Marco Mouly ou le charisme mou d’Arnaud Mimran. Le réel est trop fort. Alors, Giannoli et coscénariste Jean-Baptiste Delafon vont épouser non pas le point de vue des truands, mais celui du flic Simon Weynachter (Vincent Lindon) qui part sur les traces du trio infernal, de Tel-Aviv au 20e arrondissement. L’intrigue est entrecoupée de son témoignage, face caméra, livré dans le cadre d’une information judiciaire à deux fonctionnaires raides et impassibles.
Tous les personnages jouent la comédie sociale. Ils traversent toutes les strates d’une société mondialisée, tentent leur chance, réussissent ou (se) perdent en fonction des circonstances et d’un destin qu’ils pensent maîtriser dans un monde absolument chaotique. C’est là le vrai sujet de la série : le chaos bouillonnant du monde et les tentatives d’un pauvre flic pour y remédier.
. Tout le scope de cette mini-série tient dans cette fusion entre réalisme ultra-documentaire et lyrisme opératique. Giannolli a Mann dans le viseur, et pour une fois dans une fiction française, ce n’est pas ridicule. Il raconte l’histoire d’une équipe de casseurs high-tech qui n’ont peur de rien, même quand ils savent qu’il y a un flic en ville (Lindon dans son registre Pacino) qui ne dort pas la nuit, regarde par la fenêtre les lumières métalliques de la cité, et n’aura de cesse que de briser ses adversaires.
A l'image des grands stylistes américains Giannoli enregistre comme un cérémonial l’immersion des états d’âme dans leur environnement sauvagement matérialiste ; il alterne les moments de stases (l’ouverture géniale de l’épisode 3 dans la synagogue) avec les sursauts de folie vulgaires. Il y a Mann, mais on pense aussi à Soderbergh et à L’Anglais pour cette science du montage.
Pourtant, on retrouve d’abord le cinéaste des Illusions perdues. Car il n’y a pas si loin entre la comédie humaine et le casse du siècle. Jérôme Attias (le personnage de Niels Schneider) ou Alain Fitoussi (Ramzy, dément dès sa première apparition dans le cadre) vont définitivement se perdre dans le manège infernal de leur arnaque.
Actuellement sur Canal +