Hugo Cabret : bien plus qu'un simple film pour enfants
Commençons mon billet sur Hugo Cabret, le dernier film de Martin Scorsese, sorti à Noël dernier (et qui est sorti en DVD depuis le 14 avril, distribué par la Metropolitan Filmexport”) par un peu de science-fiction: imaginons par exemple qu'il soit sorti, non pas en décembre 2011, comme ce fût le cas, mais 10 ans plus tôt.
Auquel cas, il y a fort à parier que j'aurais un peu tiqué. En effet, Scorsese avait beau être à l'époque un de mes réalisateurs fétiches, comme nombre de cinéphiles, le fait que ce film soit vendu comme une oeuvre pour les enfants, avec comme personnage principal un gosse de 10 ans, m'aurait fortement chagriné.
En effet, ayant enfoui, pendant des années, mon âme d'enfant sous une quelconque étagère et ayant beaucoup de mal à remettre la main dessus, j'avais tendance à fuir à toutes jambes devant ce cinéma de genre, même signé par d'immenses cinéastes comme le maestro, auteurs d'une bonne demi douzaine de chefs d'oeuvre.
Heureusement, cet esprit m'est revenu comme par magie à l'arrivée de mon premier enfant, tant et si bien qu'avec mon loulou, j'ai, sans (trop) rechigner vu tout un tas de films pour la jeunesse, même ceux fait par d'obscurs tacherons (comment il s'appelle déjà le réal des Schtroumphs?).
Donc, forcément si un de ces films est signé par Martin Scorsese en personne, je boude d'autant moins mon plaisir, et si je l'avais malheureusement raté en salles, j'ai réussi à rattraper mon retard grâce à Ciné trafic et l'opération "Un dvd contre une chronique".
Et, très vite, je me suis aperçu de ma méprise, perceptible dès les premières minutes, avec un préambule qui constitue un tour de force pratiquement muet et en tous points grandiose dans cette gare de tous les possibles, qui ne peut laisser le spectacteur que béat d'admiration, qu'il est 7 ou 77 ans.
Car, sous des airs de conte pour enfant, Hugo Cabret est en fait et surtout un vibrant hommage au 7ème art. Et en adaptant un ouvrage de Brian Selznik (dont le titre exact est L'invention d'Hugo Cabret") qui tisse son intrigue autour des origines même du cinéma, Martin Scorsese montre, avec une maestria incroyable, et qui avait quelque peu disparu de ses précédents longs métrages, que rien n'est plus beau et plus magique que l'invention du cinématographe.
Et du coup, le film a passionné le grand enfant que je suis, bien plus que le petit, qui du haut, de ses même pas 6 ans, a semblé un peu dépassé par la complexité et la richesse du film et son intrigue à multiples tiroirs. Cependant, ayant visité le musée de l'institut Lumière avec le fiston quelques semaines auparvant, j'ai pu lui faire un parralèle entre les premières bobines des films exposés que je lui avais montré, et l'oeuvre de Georges Méliès, le père des effets spéciaux et des studios de cinéma, telle qu'elle est décrite à l'écran par Martin Magic Scorsese.
Car la quête d'Hugo, cet orphelin, qui débute avec un mystérieux automate (personnage qui donnera lieu à une scène absolument merveilleuse) légué par son père avant de mourir, le mènera sur les traces d’un des tous premiers grands cinéastes : George Meliès lui même, sensé avoir disparu pendant la grande guerre. Cette quête le mènera à de grandes rencontres (une autre oprheline ingénieuse et malicieuse), de grandes découvertes, mais aussi beaucoup d'obstacles et d'ennmis, dont le premier est l'inspecteur central de la gare, dont le seul but dans la vie est d'envoyer Hugo à l’orphelinat.
On pourrait redouter un Martin Scorsese un peu emprunté avec ce genre qu'il n'a jamais cotoyé en 50 ans de carrière; Il n'en est rien car, comme il l'a dit dans toutes les interviews qu'il a donné, Hugo, c'est lui, lorsqu'il avait 10 ans et qu'il assistait emervéillé aux chefs d'oeuvre du 7ème art qu'il voyait avec son père Scorsese voue un culte à Méliès, qui lui "ont fait naitre ce frisson lié à l'innovation et à la découverte."
Et devant cette évidence et cette volonté de lui rendre un hommage digne de ce nom, Scorsese trouve constamment le ton juste entre ce mélange de réalisme et d'onirisme (la course de Hugo pour remonter toutes les horloges de la gare, à travers des tunnels enfumés et des roues géantes en plein mouvement). Devant cette flamboyance visuelle hors du commun, le seul regret que j'ai pu avoir fut ne pas avoir vu le film en 3D car il me semble que pour une fois, la 3D magnifie encore le film.
Mais le film a encore bien d'autres atouts en poche, comme son casting, en tous points prestigieux, tous les acteurs les plus célèbres se battant pour joueur dans un Martin Scorsese, même des rôles mineurs (comme Christopher Lee, ou Jude Law qui ont à peine deux scènes). Si l'immense Ben Kingsley trouve un rôle à sa mesure dans celui de Georges Mélies, la vraie surprise du casting est sans doute Sacha Baron Cohen, dans un rôle à des années lumières de ses performances dans Borat ou Ali G, celui d'un méchant détestant les enfants, mais capable de sentir son coeur battre la chamade pour la belle fleuriste (très belles scènes de flirt, douce et mélancolique).
Bref, avec ce film, Martin Scorsese prouve, qu'au lieu d'être une simple parenthèse enchantée dans son oeuvre, Hugo Cabret est une de ses oeuvres majeures, lui permettant de retrouver sa jeunesse et de déclarer de façon la plus éclatante qui soit son amour pour l'art à qui il doit tout, le cinéma!!!