Baz'art  : Des films, des livres...
22 février 2018

Corps étranger (critique) : un film sensuel et vénéneux

  Photo-4-Corps-étranger-e1518371807458 Quinze ans après Satin Rouge, qui narrait l’histoire d’une femme trouvant la libération à travers la danse, la réalisatrice Raja Amari sonde dans "Corps étranger", sorti hier en salles, la volonté d’émancipation- parfois violente- de jeunes femmes qui viennent de pays où la domination masculine reste prégnante.

Elle le fait,  en portant comme elle le faisait du reste dans "Satin rouge", une attention manifeste au rapprochement des corps à travers le désir, et notamment le désir féminin.

Film  féministe, Corps Étranger s’intéresse beaucoup à la condition des immigrées, dont -comme le titre du film l'indique bien-, les corps semblent soudainement étrangers au lieu où ils atterrissent.

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Mais, contrairement à de nombreux récents films qui sondent le quotidien des migrants ( comme notamment une saison en France dont on a longuement parlé avec son auteur) et, malgré, une belle scène d'ouverture aquatique sur des corps de clandestins qui n'auront pas la chance d'arriver à bon port, ce regard sur la clandestinité est mis au second plan au profit d'une autre lecture.

Le film relie en effet immigration et émancipation, imbriquant cette fuite d’un pays de nature (trop) patriarcale avec la prise de conscience d'un désir féminin parfois difficile à dissimuler.

A travers une fine exploration des possibles d'une jeune clandestine qui cherche à la fois une reconnaissance sociale et son émancipation face à des hommes qui ne cessent de la contraindre, "Corps étranger" dit beaucoup sur les rapports complexes, entremêlés de désirs et de fantasmes, entre un trio de déracinés qui ont, au fond d'eux-même, le sentiment diffus et dérangeant de sentir étranger à eux même.

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 Car ce que nous montre Raja Amari, c'est qu'avant d'être des "migrants" ou des "exilés", ces individus  sont avant tout des destins individuels, qui portent en eux au plus profond d'eux même,  leurs libidos, leurs souffrances, leurs désirs charnels et leurs volontés d'être libres.

CORPS ÉTRANGER, portrait d'une libération sociale et physique, traite avec beaucoup de finesse de l’exil, de l’intégration, de  la transmission d’une génération vers l’autre et du renoncement que chaque déraciné  laisse derrière soi en quittant sa terre natale.

 Dans ce film  poétique et plutôt peu conformiste (qui ne plait visiblement pas à certains males tunisiens d'après ce qu'en dit la cinéaste), s'exprimer avec son corps- et également par la danse, qui, après Satin Rouge,  marque à nouveau deux scènes fondamentales du film.

Le dialogue du corps paraît en effet plus important que celui des mots, surtout quand on ne maitrise pas largement la langue de son pays d'accueil, et c'est le corps qui dira le mieux les rapports de pouvoir ou rapports de force régissant plusieurs êtres. 

 Cerise sur le gâteau  pour les rédacteurs de baz'art du moins- : l'intrigue du film se déroule à Lyon (cocorico!), et rarement, les traboules lyonnaises (ces passages étroits qui permettent d’aller d’une rue à l’autre à travers les pâtés de maisons) n'auront semblé aussi menacantes, la réalisatrice usant de clairs obscurs qui augmentent la frontière entre rêve et réalité  et la peur qui étreint son héroine, Samia, partie de Tunisie, avec une trahison familiale à la clé.

CORPS ETRANGER - Photo Presse

 Avec  une belle  énergie qui irrigue ses personnages, "Corps Étranger" expose un trio sensuel formdiablement incarné par la révélation Sara Hanachi, le lyonnais Salim Kechiouche et l'incontournable Hiam Abbass, qui, dans ce rôle de veuve éplorée bourgeoise qui voit revenir des souvenirs revenir,  parle souvent français et a parfois des accents de l'immense Fanny Ardant.

 Porté par une mise en scène élégante  et sensuelle qui prend des accents de thriller intimiste, le film de Raja Amari,  pourra dérouter par les chemins de traverse qu'il prend mais touchera forcément aussi par la sensibilité qui s'en dégage.

 

A noter que la réalisatrice Raja Amari - et sans doute son acteur masculin le lyonnais Salim Kechouche seront présents sur Lyon au cinéma Lumière Bellecour  le mardi 27 février prochain  pour une rencontre exceptionnelle d'abord au cinéma puis  sur les lieux de tournage du film..

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