Petite sélection en ce lundi 11 novembre de quatre récentes lectures en poche qui nous ont interpellés, ravis, touchés, déçus ou les toutes à la fois :
1/Les Fils de la poussière; Arnaldur Indridason (Points)
« Ce que l’on peut être aveugle aux autres et égoïste ! Je comprends maintenant que c’est moi qui avais besoin de lui, et non l’inverse. Je ne l’ai vu qu’en le perdant. Je me suis toujours considéré comme un bon samaritain qui s’acquittait de son devoir et souvent plus que ça. De son devoir ! Mon frère était un devoir dont je devais m’acquitter. En fait, j’attendais seulement qu’il meure. »
Reykjavik 1997, un instituteur à la retraite meurt brulé vif dans l’incendie de sa maison, on retrouve son cadavre calciné attaché à une chaise. Au même moment un de ses anciens élèves se défenestre devant son frère qui lui rendait visite dans l’hôpital psychiatrique dont il était le patient depuis de nombreuses années.
Erlandur Sveinsson, le flic mélancolique et dur à cuir et Sigurdur Oli le policier new-look aux méthodes américaines mènent l’enquête.
Une enquête bien glauque et terrifiante qui les amène à découvrir une triste histoire d’essais pharmaceutiques et génétique sur une classe de cancres dans les années 60.
Fan absolu des enquêtes d’Erlandur, ayant dans sa bibliothèque une première édition de « La cité des Jarres » dédicacée que je chéris particulièrement, je risque donc d’être forcément partial.
« Les fils de la poussière » est la première apparition d’Erlandur et Sigurdur Oli et donc le premier polar d’Arnaldur, oui, je l’appelle par son prénom !… « Les fils de la poussière » contient déjà en embryon tout ce qui va faire la réussite littéraire de la série mais aussi, hélas, tout ce qui fait le ratage d’un premier roman.
Enquête brouillonne, mal menée et malmenée, construction chaotique et final hasardeux, mais déjà les personnages se dessinent, la mélancolie sourd lentement et la description historique et sociologique, de cette petite ile perdue entre l’Amérique et le reste du monde, tout en finesse, annonce déjà le grand, très grand, Indridasson et son chef-d’œuvre absolu : « Etranges Rivages ».
Vous l’aurez compris, « Les fils de la poussière » est surtout réservé au fan inconditionnel, pour les autres commencez plutôt par « La cité des Jarres » polar de très bonne tenu, lui.
Les Fils de la poussière De Arnaldur Indridason Points
2/ Rue du triomphe, Dov Hoenig ( Pocket)
"Il fallait relever la tête, il fallait retrouver la confiance, la volonté d’aller de l’avant, de surmonter les obstacles. Il fallait surtout oublier l’humiliation ! Ce jour là j’avais surtout effacé Chypre de ma réalité. J’avais mis cette experience derrière moi. Je vivais ailleurs."
A 86 ans, et après avoir été monteur à Hollywood notamment pour Michael Mann, et Andrew Davis (Le Fugitif, 1993); Dov Hoenig écrit son premier roman en français. D'origine roumaine, Dov Hoenig quitte sa famille et son pays de naissance en 1947 pour la Palestine ce qu'il nous raconte dans ce récit largement autobiographique.
Rue du Triomphe c'est ce récit dans lequel l'auteur nous relate dans le détail son enfance en Roumanie,au fond d'une cour perdue en plein Bucarest. La rue du triomphe du titre se situe dans ce Bucarest un peu hostile, où le jeune héros de 12 ans grandit au coeur d'un regroupement de familles juives.
Un roman d'apprentissage où l'on voit évoluer le jeune Dov en ces périodes troublées mais le livre détaille également son passage vers l'âge adulte lorsqu'il embarque pour la Palestine pour participer à la fondation de l'Etat juif. Un récit qui vire à l'introspection avec un gros travail de réflexion sur sa propre culpabilité sur lui même, avec des passages très (trop?) érudits mais qui touche par sa sincérité.
Un voyage aussi bien existentiel que physique qui vaut assurément la lecture !!
3/ Circé, Madeline Muller ( Pocket)
" Avais je vraiment craint des créatures pareilles? Avais- je vraiment passé dix mille ans à me cacher dans un tou de souris? a présent je comprenais l'audace d'Aetes, sa façon de se tenir au dessus de notre père tel un sommet imposant. Quand je pratiquais la magie, je me sentais la même envergure, le même poids. Je cherchais le char en feu d'Hélios dans le ciel. Eh bien. Qu'as tu à me dire? tu m'as jeté en pature aux corbeaux, mais il se trouve que je les préfère à toi.
De nos cours de latin et des histoires mythologiques il n'était question que furtivement de Circé. Elle était la nymphe qui changeait les hommes en porcins, elle était celle qui vivait sur une île où Ulysse trouvait repos et refuge pendant un an. Madeleine Miller la place au cœur de son récit nous narrant sa vie dès sa naissance, fille d'Helios et d'une mortelle.
Est ce parce que Circé est tout juste tolérée par son père, moquée par son frère et sa sœur, rejetée par sa mère que tout de suite elle nous parfait plus "intéressante" que les divinités de l'Olympe ? Plus que le fait que ce soit une sorcière, c'est sa sensibilité, son caractère, sa complexité, les choix auxquels elle doit faire face, son esprit libre qui nous séduit chez cette héroïne.
Alors, on la suit dans son exil sur une île déserte, dans ses aventures , dans ses amours. Et on se laisse charmer par cet
angle inédit et féministe et par l'atmosphère dans laquelle la plume de Madeleine Muller nous transporte dans une atmosphère où toutes les sensations semblent décuplées.
Bref, on conseille la lecture de Circé, une plongée dans la mythologie qui nous change radicalement de nos lectures habituelles et réussit aussi à éloigner notre esprit des soucis du moment.
4/ Les derniers mots, Tom Piccirilli ( Folio)
" Je viens encore de fabriquer un fantôme. J'en suis d'ailleurs peut-être un moi même, à me projeter dans une vie antérieure qui m'est désormais étrangère."
Les derniers mots raconte l'histoire d'une famille de criminels, une famille où le mal est profondément ancré. Terry a réussi plus ou moins à s'extraire de cette lignée, de cette famille malsaine mais elle va sérieusement le rattraper à quelques jours de l'exécution de son frère. Terry va dès lors se questionner sur sa propre capacité à faire le mal, et jusqu' à quel point le mal est ancré dans les liens du sang.
Auteur d’une trentaine d’ouvrages, Tom Piccirilli s’est notamment illustré dans le domaine du fantastique et de l’horreur.
Avec Les derniers mots, premier volet d’un diptyque à paraître le second volet le dernier murmure est paru en juin 2019 à la Série Noire, Piccirili signe un thriller, prenant, âpre, dérangeant et complexe à souhait.
Piccirilli réussit à tisser une atmosphère familiale tortueuse dans laquelle chaque membre se demande si la folie ne va pas le gagner à son tour. Picccrilli sait à merveille traduire cette période singulière entre déraison et rédemption et fouiller la psychologie de personnages particulièrement ambigüs...