Critique d'album : Panorama/ Delerm hors compétition !
Depuis son premier album et son fameux "Fanny Ardant et moi", Vincent Delerm n’a jamais caché l’influence du 7ème art sur son inspiration, mais, pour autant, on n'aura jamais autant parlé que cette année du rapport qu'il entretient avec le cinéma.
En cette rentrée 2019, il le prouve deux fois plus grâce à son tout premier film intitulé « Je ne sais pas si c’est tout le monde », qu'on n'a pu découvrir lors du dernier Festival Lumière et avec « Panorama », son septième album sorti deux jours seulement après la sortie de son long-métrage sur les écrans.
Ce nouveau disque fait clairement la passerelle entre ces deux modes d'expression artistique, même si un seul morceau, le titre éponyme de l'album renvoie directement au film avec des passages parlés (de Souchon, Anais Sauvage, ect) directement tirés de son long métrage, et cette phrase tirée de "la Nuit américaine "de Truffaut qui sert de fil conducteur du morceau.
"Je relis dans un agenda
Dix-huit juillet Angoulême pluie
Nul ne peut savoir à part moi
Les films sont des trains dans la nuit"
Ce qui est aussi intéressant quand on compare les deux projets, c'est que, un peu comme il l'a fait avec son long métrage avec des intervenants plus ou moins célèbres qui lui parlent, Delerm a voulu que chaque chanson de Panorama soit arrangée et réalisée par un artiste différent.
Pour ce faire, il a invité des artistes qui s'insèrent dans son univers créant ainsi un petit Panthéon personnel, tant musical que cinématographique.
Au lieu de faire un ensemble décousu et disparate, les propositions des réalisateurs convoqués- cela va de Yael Naïm à Dan Levy (un compositeur qui a le vent en poupe, dont on a récemment parlé avec Jérémy Clapin) en passant par Peter Van Poehl ou Keren Ann, parviennent à composer un ensemble aussi fluide que cohérent.
Un ensemble qui réussit toujours à conjuguer le subjectif et universel et à élargir l'univers musical delermien ( on est assez loin du piano voix de ses débuts, un instrument qu'il conserve toutefois en concert), tout en étant assez proche de l'esprit de ses disques précédents.
Musicalement plus fouillée et orchestrée qu'auparavant, la petite musique delermienne continue de scruter l'intime , de chercher dans ses souvenirs personnels des résonnances universelles. et de raconter avec cette justesse imparable ces petits riens qui façonnent nos existences.
C'est notamment flagrant dans la puissance évocatrice d'un séjour en famille au Brésil sur le sublime « Fernando de Noronha » arrangé par Girls IN Hawai, dans le déchirant duo avec le canadien Rufus Wainwright, « Les enfants pâles », en témoignage de leurs souvenirs proches d’enfance en demi-teintes ou encore à travers la très belle chanson "Vie Varda", sur la grande Agnès, délicate et sensible ode aux existences contemplatives et à la vie sans clash et sans compétition.
"Si on peut vivre comme Agnès / Se parler à deux dans la pièce / Et ressentir une émotion / Si on peut vivre une vie Varda / Marcher sur le sable comme ça / Faire une vie hors compétition»
Plus que jamais, Vincent Delerm maitrise son art de la photographie du quotidien et son talent à partager les sentiments et expressions intimes.
Au monde actuel que Delerm sans jamais le dire totalement semble trouver trop vulgaire, trop péremptoire, l'artiste multicarte préfère subsituer la poésie et les sentiments, qui fait qu'on assume de faire couler ses larmes sur ses joues plutôt que jouer les gros mecs virils sans émotions.
Dans le très réussi "Pardon les sentiments", Vincent Delerm semble plus que jamais s'éloigner du second degrès qui était un peu sa marque de fabrique à ses débuts( cette volonté la était déjà prégnante dans le précédent album A présent) et ose assumer ce qu'il est : un garçon sensible bien loin des gros bras qui dominent les débats lors de l'adolescence.
(Pardon les sentiments/ Tellement je connaissais le règlement/ Cacher son jeu garçon glacé glaçant/ Pardon les sentiments /Tellement ce soir j’aurais aimé, tellement Deuxième degré dandy désinvoltant.
Avec ce voyage introspectif d'une grande richesse et d'une grande beauté, Panorama achève de faire de Vincent Delerm ce génial chroniqueur d'un univers mélancolique s'inspirant des souvenirs et des émotions du quotidien, au même niveau qu'un Souchon qu'il dit tant idolatrer.et dont il puise son incontestable élégance au même titre que dans le cinéma de Truffaut, Varda ou Rohmer.
Vincent Delerm a dit un jour trouver les phases où l'on ne découvre rien de joyeux, pas particulièrement agréables à vivre..
On peut aisément le rassurer, avec cet album à la fois novateur et cohérent dans sa discographie, on en est très loin !!
Panorama, Tôt ou Tard.; Vincent Delerm 2019
A noter que la La Fnac Lyon Bellecour organise une rencontre de Vincent Delerm à l'occasion de la sortie de son nouvel album "Panorama" ce Mardi 12 novembre 2019 à 18h