Antigone, écrit par Sophocle en plein Antiquité est sans doute l'une des plus célèbres tragédies grecques qui oppose raison d'Etat et principes divins.
On se souvient aussi évidemment de l'adaptation de Jean Anouilh, qui retranscrivait cette histoire en lui donnant un côté résolument moderne.
Exit le côté divin, Antigone se confronte à la justice des hommes.
Dans ces deux oeuvres, Antigone possède avant tout le courage de ses convictions, pour lesquelles elle sera prête à aller jusqu'au bout.
Pour son 5e long métrage - les précédents sont inédits en France mais ont connu un certain écho au Québec - la cinéaste québécoise Sophie Deraspe propose à son tour une relecture de la célèbre tragédie en l'inscrivant dans un cadre plus contemporain et réaliste, mais en en conservant l’esprit tout en transcendant son intemporalité..
La pertinence de cette nouvelle transposition du classique de Sophocle réside dans le fait de transposer les enjeux de la pièce et du mythe originel dans une société moderne où malgré le régime démocratique, les interdits et les préjugés restent prégnants
Sophie Deraspe puise son adaptation autour d'un drame qui aura marqué la société canadienne dans les années 2010, à savoir la mort de Fredy Villanueva, tué par un tir de policier, provoquant ensuite des émeutes à Montréal .
L'Antigone du film de Deraspe devient donc une jeune maghrébine en attente de la citoyenneté canadienne qui a pour mission de sauver Polynice, son frère, emprisonné après s’être interposé face aux policiers qui venaient d’abattre Étéocle, l’aîné de la fratrie.
Antigone version 2020 est donc une jeune femme qui se sacrifie presque par candeur sans savoir vers quoi elle se dirige pour sauver le seul frère qui lui reste.
Le roi Créon de la pièce de Sophoccle est ici incarné , non pas dans un seul personnage, mais dans plusieurs qui offrent une figure contrastée , que ce soient un juge impitoyable, un policier peu amène, une psychologue ésotérique ou bien encore un politicien bienveillant mais cherchant son propre intérêt .
Avec fougue et intelligence, Sophie Desrapes donne une couleur très moderne à cette tragédie d’Antigone. La pièce de Sophcole touche plus que jamais à l’intime et à l’universel, en nous parlant avant tout de fraternité et d'espoir malgré les épreuves et l'inhunamité des institutions.
Elle a également l'idée très judicieuse d'encadrer son film par des interventions d'un chœur antique 2.0 très actuel, avec des interventions régulières des réseaux sociaux.
La réalisatrice considérance à juste titre que twitter ou Facebook agissent un peu comme le faisaient ces choeurs de l'antiquité , commentant la situation en y participant, prenant la place de ces commères de la cité.
Les chœurs/réseaux sociaux prennent position au fur et à mesure que l’histoire avance, avec en fond sonore un hip hop agressif et donnant du rythme et une certaine urgence au récit.
Une urgence qui est aussi dictée par le jeu incroyable de la révélation Nahéma Ricci, qui pour sa première expérience devant une caméra ( comme 95% du casting du film) montre parfaitement sa mue de lycéenne sans histoire, qui, face à une injustice, se tiendra debout, envers et contre tout, quitte à en perdre son honneur et sa dignité .
L'impulsivité et les nuances de son jeu tiennent pour bout à la grande réussite de cet Antigone .
Le film sort le 2 septembre dans les salles de cinéma