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"Votre moi se trouve-t-il dans votre tote-bag? Dans la fontaine de mauvaise foi? Dans vos enfants? Votre salaire? Dans les like?»

Même s'il est très varié au niveau des histoires, des genres et des personnages qui le composent, Grand Union, le tout  premier recueil de nouvelles de  Zadie Smith* semble constamment  traversé  par des questions d’identité et par ces questions existentialistes et métaphysiques en diable : qu'est qui détermine au fond de nous notre statut d'être humain? 

En quoi notre condition humaine est - elle forgée par les inégalités sociales, raciales et les algorithmes du monde moderne?

Si  la totalité des 19 histoires  du recueil  et les réponses qui sont apportées à ces questions ne sont pas forcément de même intêrêt identique,  la  sens de l'observation et de la dérisien de la romancière britannique font  très souvent mouche,  notamment dans les  histoires dystopiques qui figurent dans le recueil.

 

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 Zadie Smith  ne manque  ni d'ambition ni de courage dans l'envie d'aborder tous les styles et les sujets avec un sens de la formule et un regard souvent très original sur des thématiques aussi profondes et intemporelles que l'art, la société et la politique. 

"Et pourtant, rien ne le frappa plus que la sensation qu’il y avait là, dans cette sale sinistre, quelqu’un ou quelque chose d’invisible mais de bien présent, qui le menaçait, lui, comme tous les autres."

De cette vingtaine de nouvelles, on retiendra tout particulièrement Une éducation sentimentale”, dans lequel une quadragénaire mère de deux enfants se souvient de vie sentimentale et sexuelle à l'université, réflexion féministe d'une grande acuité ou le puissant et politique  ou encore “Déconstruire l’affaire Kelso Cochrane” qui traite d'une histoire vraie, celle d'un jeune homme noir assassiné par un gang d'hommes blancs  à Notting Hill en mai 1959

Enfin,  la nouvelle  "La rivière paresseuse »où des touristes qui passent leurs  vacances à Marbella,  se laissent porter par un ours d'eau qui obéit à des algorithmes particuliers séduit par son acuité et sa pertinence.

  « En se faisant lyncher, personne ne s’est jamais dit  : “Au moins, ça débouchera un jour sur le mouvement des droits civiques”. La victime se contente de trembler, de souffrir, de hurler et de mourir. La douleur est la chose la moins symbolique qui soit  ».

 PLus globalement, c''est l'ambiguïté  et la complexité d'une vie humaine  qui nous est contée à travers les nouvelles de Zadie Smith.

Grand Union,  aux thématiques variées , à la fois cinglantes, un peu cyniques, un peu désabusées, prouve que Zadie Smith est une aussi grande novelliste que romancière .

Aussi disparate soit il en apparence, ce recueil de nouvellesdont certaines  sont inédites alors que d'autres avaient été publiées dans The New Yorker ,  forme  in fine un tout cohérent et d'une grande ambition qu'il ne faut pas laisser passer en ces temps particulièrement troubles.

«Grand Union» de Zadie Smith, traduit de l’anglais par Lætitia Devaux, Gallimard, 282 p., 21 €. Gallimard