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 "L’ancien site de stockage et de déchargement de la coopérative, ce que l’on appelle maintenant : l’ancien port de marchandises, pouvait recevoir jusqu’à une trentaine de péniches par jour. Les voitures faisaient la queue de jour comme de nuit, chargeaient, livraient, et se réinstallaient dans la file quelques heures plus tard. "

Dans la foulée de notre journée de samedi passée en partie (du moins ) avec  Bertrand Belin, on a eu envie de s'immerger totalement dans son univers en découvrant une part de Bertrand Belin qu'on ne connaissait pas encore, cellle du Bertrand Belin romancier, prolongement plus ou moins naturel à son activité d'auteur compositeur dont les textes sybillins et poétiques ne cessent de fasciner et de conserver toute une grande part de mystère.

Cela tombait bien, son dernier roman à ce jour, Carnivores est sorti il ya quelques temps chez Folio, après avoir connu un joli succès d'estime chez POL; il faut savoir qu'il a été publié quasi simultanément à la sortie du disque Persona qui a contribué à élargir largement le cercle des afficinados du chanteur.

Comme dans les textes de ses chansons, il ne faut pas s'attendre avec Grands Carnivores à une narration classique avec une intrigue linéaire : le roman est clairement une fable assez intemporelle dans lequel aucun  personnage n'a  de nom car existe  seulement par sa  fonction et où les animaux, ici des fauves échappés d'un cirque qui menacent la quiétude d'une cité portuaire, sont partie prenante de l'histoire. 

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© Bastien Burger


Même s'il nomme la société qui donne le décor de son histoire " l'Empire " et que celle ci possède pas mal d'attributs de la France industrielle du 19eme siècle, Bertrand Belin brouille les cartes avec des éléments de décor parfois plus contemporains.

Ce qui est certain, c'est que sa peinture d'un monde du travail déshumanisé et où les artistes sont marginalisés a pas mal à avoir avec sa vision du monde contemporain et que,  sous couvert d'intemporalité, l'auteur a pour obiectif de tisser une parabole du monde industrialisé mais sans humanité d'aujourd'hui 

En centrant son histoire autour de la lutte etre deux frères ennemis, l'un industriel sans scrupules, l'autre l'artiste honni, Belin décrit un combat de fauves plus inquiétant et plus meurtrier que ceux qui rodent dans la ville.

Un univers bien singulier que creuse Bertrand Belin, finalement assez raccord avec celui de ses chansons et qu'on peut tout à fait dévorer en écoutant un de ses disques, pourquoi pas le dernier en date Persona, dont le titre et certains morceaux insiste aussi à sa manière sur la froideur et le manque de considération de ceux qui tiennent les rennes du pouvoir .

Grands carnivores, Bertrand Belin, Folio; octobre 2020 

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