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🛶J'ai longtemps pensé que les nouvelles c'était pas trop mon truc : à peine installé dans l'histoire, l'auteur nous en éjecte. 

🛶Mais il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis et les contre-exemples se sont multipliés ces derniers temps. Dernier en date : ce très beau recueil de Maylis de Kerangal.

🛶Le mot "canoë" revient dans plusieurs nouvelles mais  c'est un peu une fausse piste car les intrigues ne se passent pas dans l'eau.

Ces nouvelles ont toutes un même  fil conducteur : toutes parlent de voix.

"De jour ça avait de la gueule, c'est vrai [...]. Les travellings panoramiques de western, ceux que l'on regardait le mardi soir en éteignant la lumière du salon pour faire comme au cinéma mais les bandeaux qui ajustaient le format du film sur l'écran de la télé avaient disparu et soudain j'étais dans l'image." 

La voix qu'on n'a plus, une fois la bouche grande ouverte sur le fauteuil du dentiste (vous aussi, il vous pose des questions, quand vous êtes dans l'incapacité de sortir autre chose que des sons étouffés ?), celle qu'il faut rendre plus grave pour rentrer dans un certain moule (à la radio), celle qui change, celle qui reste même quand la personne n'est plus là, celle qui devient cri dans un rite de passage.

🛶Si j'ai une préférence pour Un oiseau léger (l'histoire d'un homme qui ne veut pas effacer du répondeur la voix de sa femme morte cinq ans plus tôt), Mustang (qui se déroule dans le Colorado) et Bivouac (où je me suis retrouvée sur le fauteuil du dentiste), j'ai été touchée de bout en bout par l'écriture de l'écrivaine et par sa capacité à retranscrire toutes les sensations.

Canoës de Maylis de Kerangal est paru en mai 2021 aux éditions Verticales.