Littérature : On m'appelle Demon Copperhead- Barbara Kingsolver au sommet
Quand un serpent d’eau
te chope, tu cries tous les noms d’oiseaux que t’as amassés dans le
petit placard qui te sert de crâne. Puis tu essuies le sang, tu ramasses
ton bâton, tu redeviens Adaptoïd, le super-héros, et tu zigouilles cette
foutue bestiole de malheur. Alors que si une vipère cuivrée te chope,
tu peux tirer un trait sur ce que t’avais prévu de faire ce jour-là, et
peut-être même carrément sur cette partie de ta main ou de ton pied.
Bref, vaut mieux savoir ce qu’on a sous les yeux.
Depuis son premier roman, L’arbre aux haricots paru chez Rivages en 1994, Barbara Kingsolver n'aura eu de cess de bâtir une œuvre où résonnent les thèmes qui lui sont chers : la défense de l’environnement, la place des femmes, les luttes sociales...
Son nouveau livre, sorti en février dernier , a été salué comme son chef-d’œuvre absolu.
Couronné par le prix Pulitzer, le Women’s Fiction Prize, et le Prix des libraires britanniques, ce roman a suscité un engouement exceptionnel chez les lecteurs aux Etats-Unis comme en Grande-Bretagne, et ailleurs dans le monde.
Dans ce livre, elle fustige la façon dont l’Amérique, et plus largement nos démocraties, ont abandonné le combat contre la pauvreté, et délaissé une grande partie de la population l’exposant ainsi aux pires fléaux.
Inspiré de David Copperfield, mais retranscrit dans les Appalaches, "On m'appelle Demon Copperhead" de Barbara Kingsolver a été couronné du Prix Pulitzer 2023.
Et la lecture du roman est réellement marquante. On suit le parcours du jeune Demon, depuis la naissance dans le mobil-home de sa mère, jeune junkie vivant dans les Appalaches. Le père, un Melungeon, est mort et Demon passe les premières années de sa vie avec sa mère, paumée.
Le jeune Demon est le narrateur de l'histoire. On suit son évolution jusqu'à l'âge adulte et toutes les épreuves qu'il doit affronter.
Avec son parcours, on voit aussi qu'on peut partir de rien, arriver à se sortir de ce schéma sombre, puis tout perdre. Ce roman noir évoque l'enfance dans cette région des Appalaches, une des plus pauvres des États-Unis, sinistrée et ravagée par les opioïdes, où les enfants se retrouvent placés en familles d'accueil.
Une lecture profondément marquante qui semble hélas tellement réaliste et proche du quotidien de certains habitants de cette région.
"On m'appelle Demon Copperhead" est un hommage à Dickens et un tour de force littéraire ! Impossible d’oublier la voix de son personnage principal, Demon Copperhead, ce garçon des Appalaches qui en est le narrateur inoubliable.
“ Le plus extraordinaire c’est que tu peux commencer ta vie avec rien, la finir avec rien, et perdre tant de choses entre-temps. ”
"Où commence la route vers la perdition ? C’est pour comprendre qu’on pose tout ça sur le papier, en tout cas c’est ce qu’on m’a dit. Mettre le doigt sur un choix que t’as fait. Ou qu’on a fait à ta place. Par exemple, les brutes qui ont gâté en toi le lait et le miel de la tendresse humaine, ou ceux qui les ont précédés et ont gâté les leurs. Allons-y, rejetons la faute sur les magnats du charbon, ou celui qui a écrit le Livre des commandements du comté de Lee : Tu renonceras à toutes les choses que tu pourrais aimer ou étudier, les livres, les chiffres, une vie d’enfant rendue vivable grâce aux dessins. Laisse donc tout cela, jeune redneck, et pars à la poursuite de la seule étoile qui brille encore sur cet endroit : le viril goût du sang. L’odeur de terre piétinée, de sueur, de fureur .