Contes à rebours/La Pérille Mortelle : A Typhaine D, la matrie reconnaissante ! – Café de la Gare (Paris)
Il était une fois dans une petite cour du Vieux Marais à Paris, une autrice et comédienne qui enchantait le public. Son nom : Typhaine D. Une Rosie la riveteuse du 21ème siècle née dans la région parisienne, qui sait très vite qu’elle veut devenir artiste. Le théâtre devient une voie évidente et avec lui, le prestigieux Cours Florent. Pendant des années, Typhaine joue des pièces classiques, lcelles-ci mêmes qui exposent des relations abusives et invisibilisent des femmes dramaturges. Ce constat nourrit sa conscience féministe au gré de rencontres, de lectures et d’actions au sein de l’association Osez le féminisme. En parallèle, elle s’engage pour les droits des enfants ainsi que pour l’antispécisme et le véganisme.
Via Osez le féminisme, elle commence à alerter sur l’invisibilisation des femmes dans l’espace public. Plus particulièrement sur cette exception culturelle façonnée par une Académie Française créée sous l’égide de Richelieu, qui impose la règle inique du « masculin qui l’emporte sur le féminin ». Loin d’être découragée par cette règle la performeuse imagine une nouvelle grammaire féministe : «Je vais féminiser tout ce qui d'habitude est masculinisé, pour qu'on prenne conscience que la masculine est logé partout et que les hommes puissent aussi faire l'expérience de ce que c'est que d'être minorisé, nié ou écrasé», affirme-t-elle à Madame Figaro.
La féminisation des mots renoue avec une tradition, celle des professions féminisées déjà visibles au XVIIe siècle avant que l’Académie ne soit créée : « Souvent, quand je parle à la Féminine Universelle, les hommes me disent que j'abîme la langue de Molière. Mais en fait, je reprends des règles qui existaient, qui étaient plus égalitaires et qui sont légitimes, historiques et logiques.» explique l’autrice au magazine.
Féministe, artiste ? Typhaine D ne choisit pas, ses créations seront au service des enjeux éco-féministes, enfantistes et animalistes. Elle décide d’écrire ses propres spectacles. En 2013, elle commence Contes à rebours : et si nous arrêtions de prendre les contes de fées ou de Disney pour argent comptant ? Il ne s’agit que de recherche du prince charmant, de rivalité féminine derrière les paillettes. Blanche-Neige en a marre d’être entouré par 7 vieux mecs qui l’obligent à faire le ménage. Dans son spectacle, les princesses de notre enfance viennent se raconter à petits et grands pour remettre leurs histoires à l’endroit. Leurs récits dessinent des schémas d’abus et d’agressions, dont elles sortent peu à peu grâce aux « potions de lutte collective ».
Pour les plus grands, Typhaine crée La Pérille Mortelle, une réponse au « péril mortel » de la langue française décrétée par notre chère Académie Française. L’autrice et comédienne retourne le stigmate : adieu patriarcat, bonjour matriarcat !
On est plongé.e.s dans un monde dirigée par les Clitocrates. La féminine universelle est de règle, les femmes retiennent depuis des siècles tous les leviers du pouvoir et se tartinent leurs menstruations avec fierté sur le visage, les petits garçons ne sont destinés qu’aux tâches domestiques et au soin des autres avec humilité et discrétion.
Quelques militants masculinistes dénoncent un coût de la féminité (un clin d’œil au coût de la virilité de Lucie Peytavin). Vous croiserez sûrement Aline Finkielcroute qui pousse la chansonnette contre ces hommes qui en demandent trop. Très documenté, le spectacle est actualisé selon les infos de la semaine. On en ressort avec un mal aux côtes tellement on rit et des restants de frissons.
Les représentations culturelles structurent la pensée et maintiennent parfois des schémas abusifs dans notre société. Selon la comédienne, c’est ce mécanisme qui conduirait les hommes à «ne pas avoir d'empathie pour les femmes», et à «commettre ensuite des violences extrêmes : agressions, viols, féminicides...». Un mécanisme déjà dénoncé par 314 membres du corps professoral en 2017 dans une tribune publiée sur Slate.
En un mot (bon, une phrase) : foncez voir cette performance aussi hilarante qu’instructive !
Crédits photos : Nora Hegedüs
Contes à Rebours / La Pérille Mortelle
Écrit, mis en scène et interprété par Typhaine D
Contes à Rebours : le samedi 23 mars à 14h30 (puis toutes les 2 semaines)
La Pérille Mortelle : le lundi 25 mars à 19h (puis toutes les 2 semaines)
Jusqu'en juin !
Café de la Gare (Paris 4e)
Jade SAUVANET