OFF d'Avignon / La Maladie de Sachs - Théâtre des Barriques : Portrait d'une médecine en crise
Dans un Avignon où tout va très vite, du démontage de décors au remplissage de programme, n’est-il pas l’heure de décélérer et de se poser ? Cette proposition se trouve dans une ruelle avec le théâtre des Barriques (pour moi, une désormais institution avignonnaise) grâce au travail de la Compagnie Vert Bitume. Delphine Lefranc se penche sur un auteur qui l’a accompagné depuis longtemps, Martin Winckler, de son vrai nom Marc Zaffran. Et plus particulièrement La Maladie de Sachs, qui l’a fait connaître au grand public au-delà du Chœur des femmes.
Au cœur d’une salle intimiste, nous sommes plongé.e.s dans la cabinet du docteur Bruno Sachs, médecin généraliste de campagne. Nous sommes des patient.es concerné.es dans la société et encore plus ce soir, puisque les chaises de la salle d’attente sur les côtés se situent au bord du public. Nous entendons les douleurs, les plaintes des patients qui débarquent dans son cabinet. Sachs enchaîne les rendez-vous à un rythme soutenu, de plus en plus soutenu face à aux affections et pathologies de plus en plus lourds.
Quelle relation tisser avec ces patients si l’enchaînement et l’urgence de soigner implique de standardiser le dialogue ? Pour les patients, ce médecin doit avoir toutes les réponses à leurs maux et placent une confiance sans filtre en lui… en raison d’une blouse blanche qui détient LE savoir…
Tout lui incombe, il ne soigne les maux physiques mais écoute les mots, les mêmes que tout le monde emploie pour parler de la maladie de la vie. A force de recueillir une parole abîmée sans prendre le temps de développer, avec la même exigence de distance médicale, les frontières professionnelles et personnelles s’effritent…
« Pour faire ce boulot jusqu’au bout, il faut être cinglé ». Les yeux embués, cachés par ses mains, le docteur Bruno Sachs sort ces mots comme un ultimatum. Un ultimatum contre un système médical défaillant qui brise des vocations et l’impératif à replacer l’empathie et le temps dans la relation de soin. Et cela a un impact sur ses choix de vie, notamment amoureux.
La Maladie de Sachs constitue un véritable manifeste pour une société du care, telle que l’a définit la philosophe et psychanalyste Cynthia Fleury, l’entraide, notamment envers les métiers du soin dévalorisés et aujourd’hui vidés de toute substance qui leur permettrait de focntionner.
Si ce message aussi fort arrive à influer dans le public, c’est grâce à la générosité des émotions transmis par les comédien.ne.s Delphine Lefranc touchante rien que par son regard, Mathilde Pous (qui présente un personnage âgé sans exagération, non sans difficultés) et Julien Donnot qui apporte une pointe de légèreté.
Tous.tes échangent de rôles avec rythme autour de Thomas Ailhaud bourré de sincérité. La scénographie de Delphine Lefranc et Marie Lenglet demeure sobre, avec pour unique but de faire ressortir l’authenticité des émotions.
Une pièce à ne surtout pas manquer porteuse d’un message d’espoir. Surtout quand on fête des victoires à la sortie des applaudissements-…
Crédits photos : Compagnie Vert Bitume
La Maladie de Sachs
D’après Martin Winckler
Adapté par Delphine Lefranc
Mis en scène par Delphine Lefranc et Marie Lenglet
Interprété par Thomas Ailhaud, Julien Donnot, Delphine Lefranc, Mathilde Pous
19h50
Théâtre des Barriques
1h25
Relâche les mardis
Jade SAUVANET
- la pièce a été vue le dimanche 7 juillet 2024
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