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5 septembre 2024

LE PROCÈS DU CHIEN- Rencontre avec Lætitia Dosch

Première réalisation de l’actrice Lætitia Dosch, le Procès du chien est une réjouissante fantaisie féministe et animaliste, sur fond de populisme en Suisse.

Depuis La Bataille de Solférino, le film qui révéla en 2013 Justine Triet (future Palme d'or en 2023 avec Anatomie d'une chute), Laetitia Dosch a trouvé une place à part dans le cinéma français, pleine de fantaisie et de rugosité. . On la savait comédienne talentueuse : on la découvre désormais réalisatrice assurée.

Rencontrée quelques jours avant le lancement officiel du film mardi soir dernier à Lyon,  la Franco-suisse  a échangé avec quelques journalistes lyonnais particulièrement ravis de cette aubaine .

Dans Le procès du chien, vous jouez le rôle principal, mais c'est avant tout votre premier long métrage.  Comment est née, et quand, votre envie de passer à la réalisation ?
Laetitia Dosch : En fait, je suis tombée amoureuse d'une histoire.  Je cherche à parler d'écologie dans mon travail et du rapport aux autres espèces.

Et on m'a raconté cette histoire de chien. Le chien n'était pas à la barre comme dans mon film, mais son maître était à la barre, parce que son chien avait mordu une femme au visage.

Cela avait créé beaucoup de désordre dans une ville où les gens avaient fait des manifestations, il y a eu des pétitions…
Après, j'ai découvert d'autres histoires et je suis tombée amoureuse de ces histoires. En plus, je faisais une pièce avec un cheval [Hate] et le producteur m'a dit : si tu peux travailler avec un cheval sur scène, tu peux en faire aussi un film. Et je me suis dit que j'en étais capable.J’écris des pièces de théâtre donc j'ai l'habitude d’écrire des histoires, c'est quelque chose qui est naturel. Cela aurait été plus difficile sans cela.

C'était important que votre premier film aborde des thématiques liées aux espaces animales à la survie de l'environnement et même à la place des femmes dans la société ?

Tout à fait,  je suis préoccupée aujourd'hui par ce qu’il se passe par rapport à l'écologie, au réchauffement climatique Je réfléchis depuis longtemps à notre rapport aux autres espèces, aux animaux.

Et je m’intéresse également au féminisme, et à la place des femmes.
Ce sont des questions que je vis au jour le jour. Donc, je cherchais le "trou" pour en faire quelque chose d'artistique.

Parce que quand on crée avec ça, on reprend des forces, on se sent plus libre, on se sent bien.

Quelle étape de conception du film avez vous préféré?
J'ai adoré la phase d'écriture. Le tournage n'était pas très difficile pour moi, parce que je connaissais un peu le tournage. La post-production a été plus compliquée. Le montage, je n'avais jamais vu ça de ma vie. C'était difficile ! Le travail sur le son, c'est quelque chose aussi que je découvrais ; et ça a mis du temps à me passionner, parce que j'ai eu peur.

Mais c'est l'ensemble du processus qui m'interesse vraiment Ce film, je l'ai dans le ventre.

C'est quatre ans de ma vie, c'est tout ce en que je crois, tout ce que j'aime. Après, bien sûr, je ne sais pas comment il va être reçu même si les premiers échos notamment à Cannes sont tres bon ...

Plus concrètement, cette idée un peu folle d’un chien jugé lors d’un procès, comment est-elle venue ?
Cela a commencé avec quelqu'un qui m’a raconté qu’il y avait eu un procès autour d'un chien qui avait mordu une femme, en Suisse. Une histoire qui a vraiment déchaîné les passions il y a une dizaine d’années.
Je me suis interrogée : si cela avait provoqué autant d’émotion, c’était sans doute parce que le statut animal n'est pas clair ni fixé. Le chien, dans la loi, est assimilé à une chose. C'est pour ça qu'on peut le manger, le détruire. Parce qu'on ne le tue pas, on le détruit, comme les choses. Or ce n’est pas une chose, donc ce statut n'est pas juste. Cela soulevait beaucoup de questions hyper importantes.
Je me suis dit : il suffit qu'on mette le chien à la barre, qu'on arrive à prouver que le chien n'est pas une chose, mais un individu. Là, les gens vont devenir fous et dire qu’on ne peut pas juger un chien !
Ça crée une situation de comédie, qui peut justement permettre d’évoquer de nombreux sujets.

C'étaient quoi vos modèles de référence pour réaliser le film sur le fond et sur la forme ?

Concernant le fond, évidemment je suis allé puiser du coté de  La ferme des animaux,  dans le sens ou j'ai tenté de construite  une fable animalière, mais très politique en établissant  beaucoup de comparaisons entre les êtres humains et les animaux . Mais sans doute que le  film ressemble peut-être plus à White Dog (Chien blanc), de Romain Gary.Il y a des parallèles, effectivement, beaucoup plus qu'on croit en tout cas, entre les femmes et les chiens, entre les esclaves et les chiens.

On parle de l'exploitation de l'autre aussi est-ce un film politique, oui.En tout cas, j'aimerais bien que les gens, en voyant ce film, se posent des questions sur l'exploitation des autres, des chiens, des autres espèces…

Au niveau de la mise en scène, disons que les cinéastes qui m'inspirent sont ceux qui se jouent des genres, Phoebe Waller-Bridge avec Fleabag, ou quelqu'un comme Pierre Salvadori un cinéaste que j'aime beaucoup.

. J'aime bien le fait que l'on sache comment la journée commence, mais qu'on ne sache pas du tout comment elle va se terminer.

Par rapport à la mise en scène justement, comment avez-vous travaillé la caméra pour refléter cette diversité de points de vue ?

On parlait de montage tout à l'heure dans les étapes de conception du film et pour le coup, il faut savoir que pour ce film, , il y avait un gros travail de montage pour faire comprendre qui on suivait, parce qu'effectivement, j'essayais de traiter le point de vue du chien sans que ça définisse trop ce qu'il pensait.

Et je suivais tous les personnages, donc il a fallu que je recentre le film sur l’avocate qui est le personnage central qui porte le sens du film. Le chien, ça a été intéressant de le filmer.

Je voulais être plus proche de lui, comme un acteur de cinéma normal, proche de ses émotions, de son visage, de ses expressions, de sa vie… Et les acteurs et les dresseurs ont beaucoup travaillé sur des émotions très fines du chien

Qu'avez-vous appris des réalisateurs avec qui vous avez tourné comme comédienne?
J’ai appris de tous les réalisateurs et réalisatrices avec  qui j'ai travaillé.

Justine Triet par exemple m'a donné ma parole dans un certain sens, parce qu'elle m'enregistrait au tout début et elle réécrivait en m'enregistrant, donc je voyais comment je parlais, et ce qui pouvait être intéressant pour un personnage. Elle m'a donné des ailes.
Léonor Seraille a une douceur avec les gens avec lesquels elle travaillait, une profondeur, une connaissance psychologique de ses personnages très forte.
Just Philippot (Acide)  m'a beaucoup appris sur la manière de tenir un plateau. Il met une ambiance de folie. Les gens sont tellement heureux de travailler avec lui. C'était vraiment un exemple à suivre.

Le film raconte le procès d’un chien en Suisse qui a mordu trois fois des personnes. Il est condamné à mort, parce que « c’est la loi ». À ce moment, intervient votre personnage, avocate  pour défendre cette cause désespérée. Est-ce aussi un film contre la peine de mort ?
En tout cas, c'est inspiré des procès de peine de mort racontés dans le livre de Robert Badinter.

Il y a des moments, des citations dans la salle d’audience, qui sont inspirés de ça. Après, dans la loi suisse, un animal est un peu différemment considéré par rapport à la France : il est assimilé à un bien, à une chose.

Donc, on ne le « tue » pas, on le détruit, comme on détruit des objets.
Pour cela, on peut manger les animaux, parce qu'on ne les tue pas, on les détruit. Le film est peut-être un plaidoyer pour questionner le statut de l’animal et le fait d’être assimilé à un bien.

Il est « un être de sensibilité », mais il reste quand même une chose et un bien.

Le chien- Kodi-  est exceptionnel.. Vous l'avez trouvé comment?

 J’ai parcouru la France entière, j’ai fait des castings de chiens, et je ne le trouvais pas. Et puis un jour, j’ai vu cette tête, Kodi. C’était un chien des rues avant d’être récupéré et entraîné par une association. C’était un chien de cirque, il pouvait faire des choses incroyables et il l'a vraiment fait tout au long du tournage...

Cela dit, malgré tous les talents de Kodi, le tournage en lui-même a nécessité beaucoup de travail pour le chien, car  par exemple, Kodi ne savait pas hurler comme
un loup au début du tournage, ce qui était très important pour le film.

Juliette et Manu de Dogtrainer ont dû tester différentes méthodes pour déclencher ça chez lui et celle qui a marché a été d’imiter un chaton. Donc quand vous entendez le chien hurler dans le film, il y a toujours, caché quelque part, un humain qui imite un chaton affamé ( rires) .

Un mot pour finir sur le choix des deux acteurs hommes principaux du film, François Damiens et Jean-Pascal Zadi....

Ah ces deux acteurs, je les aime, profondément, parce que, chacun à sa manière, a un humour subversif. François est plus dans quelque chose qui met mal à l'aise et Jean-Pascal pose plus de questions très politiques derrière ses comédies.

Il a une sympathie tellement évidente, c'était un boy next door dont tout le monde allait tomber amoureux. C'est en même temps une comédie et une tragédie reflétant à la fois le point de vue du chien en contre-plongée et celui des êtres humains en haut.

 

« Le procès du chien » de Lætitia Dosch,

En salles le 11 septembre 2024

Rencontre réalisée le 3 septembre 2024 à Lyon

Merci à The Jokers films

Pathé Lyon

Comoedia

 

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La 4e édition se déroulera du 3 au 8 décembre 2024 aux cinémas Le Lido de Royan et Le Relais de Saint-Georges-de-Didonne. Jimi Andréani et Jean-Paul Enna, les programmateurs du Festival, ont concocté une sélection de films en avant-première de grande qualité sur la thématique sociétale.

Le jeune public aussi, du CP à la terminale, découvrira 11 films, du long métrage au film d'animation… sur la même thématique lors des séances scolaires. Le Festival les invite à partager des émotions en regardant un film sur grand écran et à vivre pleinement cette expérience de manière collective.

Une nouveauté cette année, la création d’une compétition jeunesse avec un choix de films spécifiques adaptés au niveau scolaire des élèves.

.https://festivalfilmroyan.fr/

 

 

Festiv.iel au Théâtre de la Croix Rousse

Le TXR organise la 4e édition de Festiv·iel, son temps fort annuel dédié au féminisme inclusif, aux cultures queer et aux questions de genre et de sexualité.

4 spectacles inédits vont déplacer le regard du public sur le sexisme ordinaire, les violences sexuelles, les communautés racisées queer, en créant de nouveaux imaginaires subversifs, drôles et joyeux.

https://www.croix-rousse.com/

À partir du 27 novembre 7 JOURS, 7 FILMS JAPONAIS EN AVANT-PREMIÈRE À travers toute la France

Le Festival du cinéma japonais LES SAISONS HANABI de retour à partir du 27 novembre, à travers toute la France

https://www.hanabi.community/les-saisons-hanabi-2024/

 

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