Rencontre avec Marie Pavlenko pour son roman : "Traverser les montagnes, et venir naître ici"
Traverser les montagnes, et venir naître ici, de Marie Pavlenko est paru aux éditions Les Escales pour cette rentrée littéraire.
C’est dans le Mercantour que l’auteure, féministe et amoureuse de la nature sauvage, entraîne le personnage d’Astrid, qui a perdu mari et enfants et vient se terrer dans une vieille maison isolée à la rencontre de Soraya jeune femme perdue qui vient de Syrie
La description d’un quotidien montagnard enlace le romanesque avec la fluidité de l’eau d’un torrent glacé.
On a profité de la rencontre à la Librairie à Soi.e (16 Rue Pizay, 69001 Lyon) autour de *Traverser les montagnes, et venir naître ici*, le roman de Marie Pavlenko pour lui poser quelques questions sur ses méthodes de travail et ses pistes de réflexion.
Baz'art : Vous êtes une autrice confirmée de roman jeunesse : Qu'est qui détermine votre choix pour passer d'un roman jeunesse à un roman adulte?
"Traverser les montagnes, et venir naître ici " est mon 19e roman si je ne compte pas ceux qui sont à destination des tous petits.
J'ai fait surtout des romans qu'on appelle " jeune adulte" qui sont classés en jeunesse mais je ne les dissocie pas de mes romans adultes car pour moi c'est la même implication quand je travaille dessus.
La seule différence entre ces deux types de roman, c'est souvent l'age des protagonistes qui détermine les voix, l'univers du roman.
Si les personnages principaux ont 80 ans ou 40, on quitte l'univers du jeune adulte.
Ce roman là, avec Astrid et Soraya en personnage principaux, ne pouvait donc que donner lieu à un roman plus ciblé adulte.. . le deuil de ses enfants notamment qui est un des thèmes forts du roman ne pouvait qu'être une problématique d'un roman adulte..
Mais pour le coup la problématique des migrants, apportée par le personnage de la jeune Soraya dans votre livre aurait largement être un sujet pour un roman "young adult" non?
Désolé de vous contredire, mais je n'utilise jamais le terme de "migrants" (rires) .
.Ce terme charrie quelque chose que je réprouve..ce participe présent, définit quelqu'un qui est en train de migrer. ..Je préfère le terme d'exilé, qui charrie une notion de perte, de douleur. Par ailleurs, le " é" à la fin est passif, tu subis, tu n'as pas vraiment eu le choix...c'est très important pour moi de faire cette différence là..
Je pense que la façon dont on utilise les termes pour définir les personnes qui viennent d'ailleurs dit beaucoup de chose dans la façon dont on les considère...
Sinon pour revenir à votre question, Soraya, exilée a bien 17 ans mais c'est sa collision avec le personnage d'Astrid qui détermine le fil conducteur du récit
Pour revenir à la genèse de ce roman, j'ai cru comprendre que c'était les oiseaux dans le Mercantour qui t'avait amené au roman.. Est ce que ce sont les fameuses hirondelles dont il est question dans le roman ou bien est ce une autre sorte d'oiseau?
Non pas l'hirondelle ( sourires).
Dans le Mercantour j'allais plutot voir les rapaces. la bas..c'est plus globalement la recherche du vivant qui m'a amené dans un hameau du Mercantour , c'est là bas que j'ai eu l'idée du personnage d'Astrid..
Le Mercantour a plusieurs vallées, dont celle de la Roya, célèbre notamment pour les histoires autour de Cédic Herrou
La vallée de la roya c'est un goulot d'étranglement notamment pour des gens qui viennent de Syrie depuis 2013.
J'ai beaucoup suivi l'extraordinaire travail de Cédric Herrou qui rend un peu de digité à ce pays qu'est la France. C'est donc de ce coin là que l'histoire de Soraya et la rencontre avec Astrid s'est forgée.
Et concernant le personnage d'Astrid, c'était nécessaire pour vous qu'elle ait besoin de se reconstruire dans un lieu isolé de tout?
Je ne pense pas qu'elle y va pour se reconstruire, elle y va plutot pour survivre au jour le jour..
Au départ, elle ne supporte plus de voir des familles avec des enfants, et le Mercantour était un lieu où elle s'était projetée avec Kamal son compagnon dont elle fait le deuil.
Son projet à elle au départ c est vraiment de se recroqueviller sur le souvenir qu'elle a d'eux, c'est une sorte d'écrin pour conserver le lien l'image de sa famille pour ne pas les oublier..
La reconstruction se fait mais contrainte et forcée
crédit photo Philippe Matsas
Par rapport à la construction narrative, comment écrivez vous les parties au présente et les flash backs qui parsèment le récit? Et les différents poèmes qui sont dans le récit, tu les as trouvé comment?
J'écris tout au fur et à mesure, l'équilibre se fait tout seul, naturellement si je peux dire ca doit être l'experience, j'écris quand même depuis quelques années ( rires)..
Les extraits de poèmes j'en connaissais certains et j'en ai cherché d'autres, c'était une partie tres plaisante du travail ca ( sourires)...
Les extraits de poème qu'Astrid découvre au fur et à mesure de son initiation racontent en préambule le chapitre qui va se dérouler , il fallait trouver des extraits qui résonnent avec l'histoire...
Il fallait donner un éclairage subtil sur l'état d'esprit d'Astrid et Soraya, et ce qu'apporte notamment ceux d'Andrée Chédid que j'ai intégré dans le récit...
Quels sont les thématiques que vos lecteurs.trices retiennent le plus lors des différentes rencontres que vous avez pu faire depuis la rentrée : la thématique du deuil et de la faculté de résilience ou plutôt l'histoire de l'exil?
Les deux je dirais car les deux thématiques sont parfaitement intriquées..
Le terme de résilience, je ne pense pas car le deuil d'un enfant tu ne t'en remets jamais toute ta vie... Tu es une autre personne
Sur ce sujet là, tu évites à tout prix le coté pathos larmoyant que cela pouvait charrier.. C'est beaucoup de temps et d'investissement pour arriver à ca?
J'espère bien car je ne le supporte pas en tant que lectrice. .Le tire larmes m'exaspère.. ON n'est pas à l'abri quand on aborde le sujet, ce n'est pas facile ..
En fait, j'ai eu une première version de ce livre , j'ai écrit non stop pendant plus d'un an ce livre, et ca m'a laissée un peu exsangue d'être plus d'un avec ces personnages la j'ai pas pu écrire ensuite pendant plusieurs mois tant Soraya et Astrid m'avaient vidée..
J'ai finalisé la première version en décembre 2021 et je suis revenue dessus en octobre 2022 ou pendant trois jours j'ai modifié quelques passages, ou j'ai coupé 20 000 signes et re modifié par ci par la quelques éléments mais qui ne modifient pas l'architecture du roman ...
La réécriture a quelque chose d'important, c'est pour ciseler des personnages et des situations
Un mot sur le personnage de Max, un personnage masculin interessant qui vient apporter une figure différente du masculinisme violent charrié forcément par le patriarcat qu'a connu Soraya en Syrie... c'est important pour toi d'écrire ce genre de personnages?
Oui mais vous savez, , Max c'est un personnage familier pour moi. Dans mes romans jeunes adultes, je m'efforce d'écrire des hommes loin des caricatures de gros relous virilistes qui peuvent échapper au patriarcat...
Le patriarcat est une violence énorme faite aux les femmes mais aussi pour les hommes qui doivent etre dans le culte de la performance..
Quand tu t'adresses à des jeunes adultes, tu sais que tu es face à des personnes en construction et tu fais attention à mettre en avant ces personnages là et proposer un modèle d'homme qui soit libre et qui échappent à la culture viriliste...
Dans les personnages virilistes, on a Ange quand même le chasseur...
Ah oui bien sur, mais qu'est qu'un chasseur sinon le symbole du patriarcat et du capitalisme?
C'est quand meme quelqu'un qui s'arroge le droit de prendre la vie d'un etre vivant qui ne lui appartient pas ..les renards et les loups dans la montagne j'estime que c'est leur monde et qui font partie du bien commun...
j'ai énormément de mal avec cette culture pyramidale ...c'est quand tu ériges ce genre de dogme et de hiérarchie dans les vies humaines que les problèmes commencent à se poser..
Traverser les montagnes, et venir naître ici,de Marie Pavlenko est paru en aout dernier aux éditions les Escales.
Retrouvez notre chronique du livre ci dessous
merci aux éditions Les Escales, à la LIbrairie un livre à soi.e et à l'autrice.
Soraya s'approche du ruisseau. Tout est immobile sauf lui. Ou plutôt, ils sont deux, lui et elle, à remuer. Le reste du paysage est un tableau. De la pointe de sa botte, elle appuie sur une plaqu...
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