Michetonneuse : Une bande de frondeuses généreuses en émotions – Théâtre Lepic (Paris)
Et vous, vous connaissez des michetonneuses ? Comment vous les définiriez ? Dans l’imaginaire collectif, une michetonneuse est une femme qui s’intéresse plus à l’argent, aux possessions et au matériel d’un homme avec qui elle est en relation. Rien que l’étymologie de ce mot accolle une étiquette péjorative et son lot de préjugés : selon le Larousse, il vient de « micheton » « le client d’une prostituée » ou en langue romani « michto » signifie « joli, agréable ».
C’est cette étiquette que l’humoriste Amelle Chahbi explorait déjà à l’occasion d’un sketch intitulé La Michtonneuse, en 2006, au Jamel Comedy Club et qu’elle a voulu creuser avec cette pièce. Un projet qui n’était pas évident à monter au début : présenté au festival Mises en Capsules au théâtre Lepic en 2022, il a été compliqué de convaincre les directeurs de théâtre. Il a fallu attendre une rencontre, celle de Majda Delmas-Rida, directrice de l’Apollo théâtre. Convaincue en 10 minutes, elle donne carte blanche à l’humoriste. Après des semaines de standing-ovation, Michetonneuses débarque en plein Montmartre !
Ici, Sheraz, jeune femme introvertie, suit la routine du métro-boulot-dodo. Peu heureuse dans sa chambre de bonne et assaillie par les problèmes financiers, son travail dans une usine d’emballage ne lui suffit point. D’autant qu’elle se doit d’assurer l’avenir de son père, reclus chez lui, prêt à mettre toute sa retraite dans les paris hippiques. Au détour d’une rue, elle croise Sarah, une ancienne voisine du temps du collège, avec sa bande de copines. Elles attirent hommes et argent par leur charme. Toutes sur des talons de 10 cm, elles l’envoûtent par leur liberté et leur indépendance. Shéraz y voit l’opportunité de se sortir de la galère et d’offrir une belle retraite à son père. Au sein de ce groupe, la jeune femme découvre le quotidien de ses nouvelles amies avec une générosité et une empathie qu’elle ne soupçonnait point.
Ces quatre femmes ont toustes leur raison d’être rentrées dans la michetonnerie, un rêve qui les obsède : quand l’une rêve de prix littéraire et d’invitation à la table des plus grands jurés, l’autre veut juste de quoi payer son permis et partir en voyage avec son futur mec. Au-delà de l’armure de femme charmeuse et charmante, elles sont blessées, insécures, résignées. L’écriture d’Amelle Chahbi et de Vincent Capello en font des femmes plus fortes qu’elles ne pensent l’être, hautes en couleurs avec de l’épaisseur grâce à l’interprétation du quatuor de comédiennes, je citerais le duo hilarant Lani Sogoyou-Faustine Koziel.
Pour des femmes auxquelles on attribue tant d’artifices, la mise en scène ne l’est point. Seules les lumières de Julien Ménard et les danses langoureuses chorégraphiées par Leila Bounab viennent souligner le quatuor de comédiennes qui enchaîne les punchlines et les rôles à la vitesse grand V. Ces femmes, Chahbi les a rencontrées et observées, telle une enquêtrice de terrain, comme elle l’explique à Mouv : « Un soir, j'étais à table avec un groupe de michetonneuses. Un gars arrive avec énorme bouquet de fleurs parce qu'une d'entre elles lui a fait croire que c'était son anniversaire. Il repart et quand on sort du restaurant, elle jette le bouquet à la poubelle. Je lui dis : "Mais qu'est-ce que tu fais ?". Elle me répond : "Ça ne va pas me payer mon loyer". Je me suis dit que c'était cruel. Mais c'est son travail, il n'y a pas d'affect. ».
La comédienne avec Vincent Cappello se réapproprient avec finesse cette étiquette péjorative pour faire ressortir la puissance de ces femmes et jouer avec cette notion de vulgarité facilement imputée à ces dernières dès qu’elles veulent affirmer leur hyper-féminité. Une notion qui est creusée dans les derniers ouvrages d’Edie Blanchard et coordonnée par Valérie Rey-Robert, en l’occurrence Bimbo (ed. JC Lattès) et Vulgaire (ed. Les Insolentes). Je ne citerais que ces mots de Blanchard : « Ce serait antiféministe de demander à des femmes de ne pas s’habiller de façon sexy ou de ne pas porter de rose sous prétexte qu’elles reprendraient des codes du patriarcat. (…) ».
Michetonneuse garantit un bon moment direct où les rires fusent dans la salle et les larmes des comédiennes nous fait monter les nôtres !
Crédits photos : Laura Gilli
Michetonneuse
Écrite par Amelle Chahbi et Vincent Capello
Mise en scène par Vincent Cappello
Interprété par Sonia Bendhaou, Amelle Chahbi, Zoé Marchal ou Fautine Koziel (en alternance) et Lani Sogoyou
1h20
Les lundis et mardis à 19h
Théâtre Lepic (Paris 18ème)
Jade SAUVANET