Fetes des mères : Une tragi-comique défaite de famille servie par la révélation Adèle Royné - Théâtre Lepic (Paris)
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L’affiche agrafée dans tout Avignon attirait l’attention ; se dessinait un immense champignon atomique qui terrassait le reste du paysage. Ce champignon est devenu bouquet de fleurs après quelques heures de route, des sons de cigales aux accordéons de la Butte Montmartre. Les coquelicots et les marguerites jaunes sont désormais par terre, après un magnifique jet de vase d’une mère vers sa fille suite à la dispute qui terrasse une énième réunion de famille. Comment recoller les morceaux du vase ?
Manquée de peu lors du dernier OFF d’Avignon, nous découvrons la dernière création d’Adèle Royné arrivée à Paris. Les néons art-en-ciel habillent la petite salle du théâtre Lepic, enfin plutôt la maison de famille. Louise ne pensait les revoir d’aussi tôt, cela faisait trois ans… Trois ans qu’elle n’avait pas remis les pieds dans ce lieu qui regorge de souvenirs de son enfance, de disputes, des insultes… C’est un message inattendu de sa mère Violaine tant d’années après cette engueulade cinglante qui lui demande de venir pour la Fête des mères et l’anniversaire de cette dernière. Pour la jeune stand-uppeuse, c’est l’occasion de nourrir l’écriture de son prochain seule-en-scène. Arrivent au même moment ses frères : Gabriel, l’aîné, consultant en on ne sait quoi, maniaque et féru de psychanalyse qu’il adore appliquer sur tout le monde sauf lui-même. Bref, la blague du cordonnier… Puis, Ziggy, nommé en hommage à David Bowie, vit avec sa mère et peine à trouver un projet à 25 ans. Leur mère est tout pour eux et leur a beaucoup donné selon eux, contrairement à Louise qui passe pour la fille indigne. Ils ont du mal à se détacher de la figure maternelle, pense-t-elle. Toustes l’attendent, y compris Arthur, le conjoint de Gabriel décidé à lui provoquer malaise et emmerdement en « jouant au con » après une embrouille. Florence, la meilleure amie de Violaine et accessoirement la petite amie de Ziggy dit-elle, débarque en trombe, avec robe rose fushia à volants et sac de congélation pour finir les préparatifs… Les règlements de compte sont là, la non communication fait profil bas en attendant celle qui les a réunis et, on le comprend, ne viendra jamais…
Le crémant coule à flots, les langues se délient au fil de l’heure qui tourne… Alors oui les réunions de famille avec son lot de cris, de larmes et d’enguelades n’est pas un procédé original, c’est maintenant LE sujet qui s’inscrit dans une sorte de légende du théâtre, avec ses chapitres qui s’ajoutent d’année en année, du vaudevillesque aux créations du duo Bacri-Jaoui. En même temps, le sujet est toujours si plaisant parce qu’il permet de regarder son propre miroir. Surtout si un petit rien fait toute l’originalité… j’ai nommé, le jeu avec les codes ! Le cynisme de la comédie déterre les failles, derrière les sourires et l’envie de tout bien faire, se cache l’angoisse de perdre, d’avoir raté sa vie dans une période qui paraît bien « étrange » selon l’autrice « où l’on n’est plus censé être un enfant, même si on n’a pas tout à fait envie d’être un adulte ». L’écriture est hyper vive avec des gags qui nous « flinguent » à chaque seconde, le rire grince à mesure que chacun.e gît sur la table au milieu des paillettes, clin d’œil de l’univers de Guillaume Vincent (à la collaboration artistique).
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Le tourbillon est pop (comme le décor) avec des teintes de kitch et joue sur les limites entre le délire et la mélancolie qui explose derrière les sous-entendus. Adèle Royné s’impose avec ce jeu de troupe qu’elle voulait tant dans une tragi-comédie tordante et piquante sur une histoire certes peu innovante mais qui fait plus que son effet grâce au sans-filtre et au jeu avec les codes comiques. La troupe n’est qu’une et fonctionne bien grâce à des comédien.nes qui manient le décalé avec maîtrise, sans oublier un coup de cœur pour le jeu redoutable de Cyril Metzger et Florence Janas qui démolissent les non-dits du trio familial. Quant à la mère toxique, cette fête des mères en fait une mère défaite comme s’amuse Royné à le détourner.
Crédits photos : Compagnie MidiMinuit
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Fête des mères
Écrite par Adèle Royné et Vincent Gardet
Mise en scène par Adèle Royné
Collaboration artistique Guillaume Vincent
Interprété par Aubin Hernandez ou Grégoire Didelot, Florence Janas ou Virginie Colemyn, Cyril Metzger ou Johann Cuny, Adrien Rouyard ou Félix Back et Adèle Royné ou Manon Kneusé
1h15
Du mercredi à samedi à 21h
Les dimanche à 17h
Jusqu’au 30 mars 2025
Théâtre Lepic (Paris 18ème)
Jade SAUVANET