« Je suis toujours là » Walter Salles : « Au début je me suis demandé si je pouvais m’autoriser à raconter cette histoire… »
De passage à Lyon pour présenter son film « Je suis toujours là », Walter Salles et Nalu, la fille de Rubens Paiva, le député brésilien mort sous la dictature, dont le film raconte l’histoire et celle de sa famille, tous deux francophones, ont répondu à quelques questions.
Fernanda Torres, la formidable actrice qui incarne la mère Eunice Paiva, et porte le film, s’est elle imposée tout de suite à votre choix de casting ?
Walter Salles :
J’ai un peu hésité au début parce que Fernanda était devenu écrivaine et avait fait beaucoup de comédies à succès au Brésil. Et puis nous nous sommes rencontrés, et nous sommes devenus amis. Le défi l’a intéressé, elle a alimenté le film, elle m’a aidé à composer ce personnage dans la retenue mais bouillonnant à l’intérieur.
Vous aviez bien connu la famille dont racontez l’histoire d’après le livre du fils, Marcelo Palva, comment avoir la distance nécessaire du cinéaste et de l’artiste ?
Walter Salles :
En fait, mon amie la plus proche dans la famille était Nalu, qui avait 13 ans comme moi en 69. Veroca et Eliana étaient plus âgées que nous, et Marcelo trois ans plus jeune.
Au début je me suis demandé si je pouvais m’autoriser à raconter cette histoire. Et puis Marcelo, qui avait écrit le livre et qui lui aussi est scénariste m’a beaucoup aidé. Il avait lui aussi su trouver la bonne distance dans son livre.
Nalu Paiva:
Nous ne nous étions pas revus depuis quarante ans avec Walter (Nalu était parti vivre en Suisse et Walter en France, Ndlr). Lorsque mon père a été arrêté, nos amis ont été éloignés de nous. Lorsque j’ai revu Walter il y a sept ans pour le projet du film, j’ai été sidéré par la précision de sa mémoire. Il se souvenait de chaque détail de notre maison.
Walter Salles :
J’ai voulu inviter le spectateur à être avec cette famille. On a créé les scènes du début du film, qui précèdent l’arrestation du père. Fernanda à alimenter les relations des personnages entre eux, jusqu’aux scène de tension que nous pouvons voir à l’écran.
J’aime bien l’idée que le film soit fait par une famille de cinéma, comme chez Cassavetes ou Truffaut. Le plaisir que j’avais dans le documentaire je l’ai retrouvé dans la fiction.
Quelles sont les réactions au Brésil où le film connaît un beau succès ?
Walter Salles :
Il y a eu un retour à l’expérience collective du cinéma au Brésil à la suite de quatre ans de Bolsonaro et quatre ans de silence et de salles vides. Le film devance les block busters américains, et cela correspond à un désir du Brésil de voir son reflet, et de relancer le débat. Le Brésil n’a pas jugé les crimes de la dictature sous prétexte de réconciliation nationale.
Nalu, qu’est-ce que le film change pour votre famille ?
Nalu Paiva :
Cela nous a fait beaucoup de bien, j’ai travaillé dans des entreprises en France, personne ne savait. C’était un secret depuis 53 ans, pour mon père comme pour de nombreux morts de la dictature. Le film fait avec beaucoup d’élégance par Walter nous a libéré d’un poids énorme.