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26 mars 2025

Vive : Le procès de l’inceste – Festival Paroles Citoyennes / Théâtre Libre (Paris)

 

Le festival Paroles citoyennes vient de s’ouvrir, c’est la première. Pour rappel, il organise une (re)programmation de créations issues du théâtre public comme privé au sein du Théâtre Juliette Récamier, du Théâtre Libre, du Théâtre Antoine et de Bobino, détenus par Jean-Marc Dumontet. Avec le thème défini, ces créations se penchent sur des sujets sociétaux et sont succédés par des débats. C’est au tour de la compagnie Superlune avec Vive.

 

Le plateau ou plutôt la salle d’audience se remplit. La sonnerie du théâtre se confond avec celle des reprises d’audience. Nous sommes désormais dans une cour d’assises. La cour se lève, au milieu des néons blâfards. Anais Lacascade (Hermine Dos Santos) est au milieu des rangées, aux côtés de son avocat. Qui est comédiens, qui ne l’est pas ? La frontière du jeu et du réel s’effrite grâce au premier procédé intéressant qu’est le dispositif quadri-frontal. On rentre dans un procès dont les contours sont encore flous. Anaïs est debout face aux questions de la police puis, celle du juge. Devant l’audience, son avocat (Clément Carabédian) déroule le fil de son enfance brisée.

 

Anaïs est la petite dernière d’une fratrie de trois, la préférée de son père (aussi interprété par Clément Carabédian), sa « petite bichette ». Ce père si admirable, grand chef étoilé dans le milieu de la gastronomie veut lui transmettre une passion déjà acquise de son père (Patrick Palmero), pâtissier hors pair tout en continuant à bâtir son empire avec une mère (Estelle Clément-Béalem) qui reporte chaque moment de tendresse au lendemain. Sur le papier, le storytelling de la famille parfaite semble bien tenir. Dans les faits, c’est la personne qu’elle admirait le plus qui a voulu la détruire. Ce même père voit sa toute-puissance se décupler et son statut social le protéger, il en vient à violer sa propre fille, de ses 7 à 14 ans. Anaïs se terre dans le silence, la cuisine devient une bulle d’air et une épée de Damoclès qui la cloue près de son agresseur. Ce dernier souffle le chaud de l’affection superficielle et de la fierté paternelle et le froid de la maltraitance. Dans ce milieu empreint de violences justifiées au nom d’une structure pyramidale, toute idée ne peut émaner du grand chef, d’autant plus s’il s’agit de remettre en cause une tradition spéciste. Pour anesthésier les pensées violentes, Anaïs s’enfonce dès le collège dans les conduites à risque. Conduites qui interpellent toute personne extérieure à la famille. Pour cette dernière, le scandale public n’est pas tolérable.

 

Au sein de ce dispositif quadri-frontal où le public devient jury, Joséphine Chaffin dépeint avec une plume volontairement pédagogique pour détricoter le crime de masse qu’est l’inceste, les mécanismes de silenciation de la famille où la renommée professionnelle, dans le milieu de la gastronomie empreint de violences, est supérieure à la protection de son enfant. Les phases du procès sont ponctuées par les transitions dans l’enfance d’Anaïs. La musique électro ainsi que les néons très bruts accentuent les sens et ne peuvent que rappeler les phases de dissociation et les flashs lorsque l’amnésie traumatique cesse.

 

Et on ne peut terminer sans donner une mention spéciale au jeu subtil de Hermine Dos Santos et à Clément Carabédian remarquable lors des plaidoiries. Au cours de cette dernière, il rappelle que cette histoire de filiation et de hiérarchie en cuisine raconte celle d’une reproduction de violences, celle des pères tous puissants : « si ce n’est pas vous, vous connaissez quelqu’un à qui c’est arrivé » car près de trois enfants par classe sont victimes d’inceste comme l’estimait la CIIVISE en novembre 2024.

Crédits photos : Julie Cherki

 

 

Vive

Écrite par Joséphine Chaffin

Mise en scène par Clément Carabédian et Joséphine Chaffin
Interprété par Clément Carabédian, Estelle Clément-Béalem, Hermine Dos Santos et Patrick Palmero

Création sonore : Théo Rodriguez-Noury

Cie Superlune

1H15

Pour tout public et public ado à partir de 13 ans

Le 18 mars à 19h

Théâtre Libre (Paris 10ème)

 

Tournée :

  • Du 1er au 4 avr au ABC Dijon

 

Texte lauréat de l’Aide à la Création ARTCENA 2022. Publié aux Editions Eoliennes

Jade SAUVANET

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