Rencontre cinéma- César Diaz : “ Mexico 86, c'est mon histoire, mais en plus tragique!"
Le cinéma le Zola a accueilli le réalisateur belgo-guatémaltèque Cesar Diaz pour une avant-première de « Mexico 86 », son dernier film.
Cesar Diaz a reçu la Caméra d'or à Cannes en 2019 avec « Nuestras Madres
Dans son nouveau film Mexico 86 , César Diaz s’intéresse à une militante de l’Armée de libération guatémaltèque qui vient d’être mère.
Menacée par la dictature, elle doit s’enfuir, sans son enfant, au Mexique. César Diaz a puisé dans son histoire personnelle la trame de sa nouvelle fiction, qui sort demain en salles (voir notre critique du film ici même)
Entretien.
Par le théâtre. Je me suis rendu compte qu'être acteur, c'est bien mais ensuite, en approchant l'univers de l'image et du cinéma, j'ai compris qu'il est aussi amusant d'être derrière (la caméra) que devant. On s'amuse tout autant, voire plus
« Mexico 86 », c'est une fiction basée sur des faits réels ?
Ce film est basé sur des éléments propres à la vie, au quotidien. Le film est effectivement tourné en fiction. Mon histoire n’est pas aussi tragique que celle d’Ernesto, heureusement.
Mais ça m’a aidé à construire et à comprendre les personnages. Après, ils ont grandi, sont devenus autonomes. Il n’y a pas d’intérêt à raconter ma vie, pas de distance, pas de geste artistique.
On se regarde un peu le nombril quand on fait ce genre d’offre. Je m’en suis inspiré, mais ce n’est pas moi.
On le voit dans le film combien c'est difficile, voire impossible pour Maria de choisir entre son rôle de mère et celui d’opposante à la dictature. On s’étonne déjà qu’un couple de révolutionnaires décide d’avoir un enfant alors que leur cause demande une disponibilité de tous les instants.
Je me suis posé la question de savoir pourquoi, dans un tel contexte, on faisait des enfants. Dans les réponses qui m’ont été fournies, on trouve la notion très forte de pulsion de vie. Créer de la vie, parce qu’on est confronté en permanence à la mort. Et puis il y avait aussi cette idée que la dictature allait bientôt prendre fin et qu’un nouveau monde arrivait. Il y avait donc une nouvelle génération qui allait pouvoir hériter : cet “homme nouveau”, dont on a beaucoup parlé.
(Rires) Non. Les idéaux sont plus forts. Je lui ai même demandé si elle referait la même chose, en connaissant toutes les conséquences. Elle m’a dit “bien sûr” , sans hésiter une seconde. Elle a aujourd’hui 76 ans et vit au Guatemala.
J’ai écrit mon scénario en ayant des visages en tête. Le Passé d’Asghar Farhadi, dans lequel elle joue, est un film important pour moi. Je me suis mis à écrire en pensant à elle. Et puis, j’ai découvert La Quietud, de l’Argentin Pablo Trapero. Et là, j’ai appris qu’elle était argentine, ce que je ne savais pas.
Pour moi, c’était une actrice française. Même si j’avais pensé à elle en écrivant le film, je n’étais pas sûr qu’elle aurait envie d’interpréter ce rôle. J’étais tiraillé. En même temps, quelque chose de ce rôle pouvait résonner quelque part en elle.
Née en 1976, Bérénice Bejo a passé ses trois premières années en Argentine avant que ses parents décident de fuir la dictature en 1979…
Bérénice, c'est une actrice extraordinaire. Elle a un parcours d'actrice qui me plaît et, en tant que franco-argentine, elle parle couramment espagnol ».
Oui bien sur . Quand on s’est rencontrés, on a beaucoup parlé de nos familles. On a parlé du silence, de l’exil, des secrets. De comment on vit tout cela. Du fait qu’on ne nous raconte rien. Et là, on s’est rencontrés, en fait. Parce que, même avec la distance, elle née en Argentine, moi au Guatemala, elle vivant en France, moi en Belgique, il y avait tellement d’histoires communes qu’on pouvait les interchanger. Puis on a décidé de faire le film ensemble.
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Ces 200 000 morts, ce sont des Indiens, des indigènes. Ils ne comptent pas. C’est la seule explication que j’ai. Sinon, c’est incompréhensible. J’ai beaucoup lu sur le sujet : des universitaires, des historiens, des politologues qui explorent la question, pour toujours arriver à la même conclusion.
Même à l’intérieur du pays, il y a un discours qui les invisibilise. Une partie du travail de l’armée consistait justement à déshumaniser l’autre.
Quand on lit ce que les militaires guatémaltèques ont commis, c’est terrible. Je me suis demandé comment un humain était capable de faire ça à un autre humain.
Quels sont les mécanismes de l’horreur ? La seule explication, c’est que l’autre ne soit pas considéré comme un humain.
A ce jour, quel est l'accueil du film ?
Très bon. C'est un film tourné vers les gens. C'est un thriller politique qui est ouvert vers le public. Inévitablement. Il touche, il bouleverse
Cela fait partie de mes souvenirs d’enfant. Je suis effaré de me dire qu’en 1986, toute la presse était au Mexique pour couvrir la Coupe du monde de football et, à quelques centaines de kilomètres plus au sud, des gens se faisaient torturer, assassiner, tuer.
Notre capacité à ne pas voir m’a toujours surpris : être si près et ne pas voir.
On a essayé d’avoir des images de la Coupe du monde mais la Fifa a tout verrouillé au niveau des droits. Elle est intraitable. Ce n’est même pas une question d’argent. Ils ne font rien s’ils ne sont pas coproducteurs ou s’ils n’ont pas un droit de regard.
Quels sont vos projets une fois la promotion de Mexico 86 derrière vous ?
Je travaille sur un film tiré d'un roman guatémaltèque « Le Juge ».
Et également sur un autre projet sur les relations mère-fils, ancré à Bruxelles, en hiver, avec la neige
Je travaille sur le scénario des deux en alternance et je tournerai le premier «qui obtiendra du financement.
Mexico 86 à voir au cinéma ce mercredi 23 avril 2025