Baz'art  : Des films, des livres...
13 juin 2025

Bilan critique tréâtreux de Mai

Et si on vous parlait  de nos découvertes théâtrales du mois dernier avec des pièces dont on a pas mal entendu parler et d'autres un peu moins?

Léviathan : Lorraine de Sagazan explore l’antre étrangère des comparutions immédiates et d’une justice à deux vitesses - Ateliers Berthier / Odéon – Théâtre de l’Europe (Paris)

 

 

L’entrée de chaque comédien.ne est plombante : muni.e chacun.e d’un masque, ils se préparent au grand saut, celui d’un rituel dont on ne connaît pas l’issue, ou alors qu’on ne veut pas voir… Sous le chapiteau battant aux teintes rosées, se succèdent un sans-abri fatigué qui a menacé de brûler la tour Eiffel, un jeune conduisant sans casque ou encore une mère accusée de vol de vêtements, taille 6 ans, dont la fille subit les violences sexuelles de son père. La justice n’est plus une garantie pour la mère, si bien qu’elle sera bien plus criminalisée que le père. « La comparution immédiate est une procédure rapide qui permet de faire juger un prévenu dès la fin de sa garde à vue ». La justice mesure son temps de parole pour ne pas perdre justement de temps. C’est ce que soulèvent Lorraine de Sagazan et Guillaume Poix dans ce troisième volet sur la société française avec une mise en scène mécanique, au son assourdissant, comme si les rouages ne tenaient plus, était forcés. La préparation était documentaire, le récit ne l’est pas mais davantage cathartique via Khallaf Baraho, le seul sans masque, qui raconte son vécu : l'odeur du dépôt où s'entassent les justiciables, les échanges avec ses compagnons d'infortune, les avocats commis d'office largués. Derrière ce témoignage, sort un message que l’on pensait réel qu’Outre-Atlantique, celui d’un système carcéral qui se privatise autour duquel gravitent un monopole d’entreprises. Si les longueurs se font parfois remarquer, le jeu propre des comédien.nes couplé avec les masques font naître des personnages autant affables qu’à bout de force.

 

Crédits photos : Simon Gosselin

 

Léviathan

Écrite par Guillaume Poix

Mise en scène et conçue par Lorraine de Sagazan

Interprété par Khallaf Baraho, Jeanne Favre, Felipe Fonseca Nobre, Jisca Kalvanda, Antonin Meyer-Esquerré,Mathieu Perotto, Victoria Quesnel, Eric Verdin, et le cheval Oasis

1h45

La pièce s’est jouée du 2 au 23 mai 2025 aux Ateliers Berthier / Odéon – Théâtre de l’Europe (Paris 17ème)

 

 

 

Pratique de la ceinture ô ventre : Amaral nous prend aux tripes  – Théâtre Gérard Philippe (Saint Denis)

 

 

Le ventre renferme tous les maux du monde : celui d’Amina aide-soignante de 35 ans, racisée, se tord face au stress d’un système hospitalier à bout de souffle soutenu par un dévouement sans faille. Amina soigne à la chaîne et se retrouve soignée un jour suite à un examen gynécologique. Elle souffre d’un fibrôme utérien. Deuxième salve de violence, cette fois gynécologique. Une tumeur que certains qualifient de « maladie de la femme noire » dans une médecine remplie de biais racistes. Le ventre est celui également qui ressent tout ce qui a été tu : Vanessa Amaral, qui interprète aussi Amina décentre le récit pour se pencher sur la pression familiale et sociale liée à la grossesse et à la vie de famille lorsque les violences intrafamiliales ont été dissimulés… De cette réflexion sur le rapport à son corps apparaît l’évidence, la vocation pour les métiers du care. L’intime devient une caisse de résonance pour un cri d’alerte collectif, solidaire en faveur d’une société du care. La pugnacité des comédien.nes intensifie l’écriture et nous retourne l’estomac, on pense notamment à la si juste Sachernka Anacassis.

 

Crédits photos : Elsa Biyick

 

Pratique de la ceinture, Ô ventre

Écrite et mise en scène par Vanessa Amaral

Assistée d’Azani Ebengou en alternance avec Leïla Brahimi

Interprété par Vanessa Amaral, Sachernka Anacassis, Samuel Roussel-Hayatou, David Seigneur, Lisa Torres

1h45

La pièce s’est jouée du 12 au 16 mai au Théâtre Gérard Philippe (Saint-Denis)

 

 

 

Ma vie avec John Wayne : Un road-movie frais et mordant pour retrouver du sens  – Théâtre La Reine Blanche (Paris)

 

 

L’ombre du far-west traîne sur les plaines de la Chapelle où trône le théâtre de la Reine Blanche. Marie-Christine se retrouve à un grand poste dans l’entreprise où son père fabrique des cravates, qui lui exige mille idées. Mais elle se sent las, écrasée par le quotidien… L’épuisement arrive progressivement alors qu’elle se retrouve ruinée par son mari… Son travail était tout pour elle. Pourtant, elle rêve d’être Jessy et de vivre d’après les grands principes des westerns de John Wayne. Fidélité, respect et loyauté, telle est la devise. Elle part aux quatre coins du monde chercher du travail, tout en interrogeant le fait de ne pas convenir aux critères du marché, d’être la mère moquée par sa fille… Jessy part dans le désert pour trouver un chemin vers l’autre ; sa propre histoire devient un scénario qu’elle nous conte, tiraillée par l’envie de retrouver du sens. Lise Martin et Cécile Fraisse-Bareille accentuent ses questionnements en transformant ce monologue en portrait à 3 facettes d’une seule femme qui s’émancipe du cadre social qu’elle a toujours respecté : celui du travail, celui de la famille, celui de la norme… L’éclat de Jessy renaît après avoir touché le fond mais il ne serait ce qu’il est sans la choralité entre Marion Bottolier, Clémence Laboureau et Judtih Margolin.

 

Crédits photos : Compagnie Nagananda

 

Ma vie avec John Wayne 

Écrite par Lise Martin

Mise en scène par cécile Fraisse-Bareille

Interprétée par Marion Bottollier, Clémence Laboureau et Judith Margolin

1H05

La pièce s’est jouée du 13 au 18 mai 2025 au théâtre La Reine Blanche (Paris 18ème)

 

 

Daddy : Longue mort à tous les daddys et longue vie à Lila Houel – Grande Halle de la Villette (Paris)

 

 

Lorsqu’on entend les mots « sugar daddy », la première réaction qui vient est un râle de moquerie comme si le sujet ne valait pas d’intérêt… Or il est une énième pièce dans la machine qui alimente le patriarcat, où se croisent domination par le genre et domination sociale. Les prédateurs daddy pullulent sur les réseaux et les chats de jeux vidéo. C’est là que s’ouvre le rideau à la Grande Halle de la Villette : après s’être échappé de l’apéro des parents, Mara, 13 ans rencontre en ligne, Julien, alias Spandogaza. Caricature de l’entrepreneur, il la flatte et lui propose d’investir pour qu’elle puisse construire sa carrière d’actrice dont elle rêve tant. Il l’entraîne dans un jeu/métavers, celui-ci reposant sur un principe de rétribution de scènes grâce à une communauté de fans qui paye et une daddys qui « défendent » leur joueuse. Les actrices sont mises en compétition, isolées, dézinguées au moindre faux pas.

 

Le piège de l’emprise se referme sur Mara. L’expérience est inouïe tant la découverte de l’univers de Marion Siefert qui insuffle quelque chose de nouveau au plateau que par le jeu détonnant des comédien.nes surtout de Lila Houel épatante en Mara. Théâtre et virtuel se mêlent, pas seulement pour reconstituer l’univers du jeu vidéo et la scénographie de montagnes de neige artificiel (montagnes de coke pour les daddys ?) mais aussi dans la capacité à jouer avec le réel, où la création déborde de la scène. Siefert joue avec le malaise du/de la spectacteur.rice. On ressent tout le temps de documentation qu’elle a passé sur le sujet des violences en ligne sur mineurs. Néanmoins, l’étendue de la création, soit plus de 3h tend à essouffler la fiction vers la fin. La dernière demi-heure apparaît comme un enchaînement de scènes sans connexion et une confrontation vire au trop long.

Ce dernier point n’occulte en aucun cas la découverte et la richesse créative de Manon Siefert, d’autant que l’esthétique de la scénographie marque.

 

Crédits photos : Matthieu Bareyre

 

Daddy

Écrite par Marion Siéfert et Matthieu Bareyre

Mise en scène par Marion Siéfert

Interprétée par Émilie Cazenave, Lou Chrétien-Février, Jennifer Gold, Lila Houel, Louis Peres, Charles-Henri Wolff

3h30

La pièce s’est jouée du 22 au 25 mai 2025 à la Villette (Paris 19ème)

 

Jade SAUVANET

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Focus sur le festival chéries-Chéris (15-25 nov) aux cinémas MK2 bibliothèque, beaubourg et quai de seine.

Au programme de cette 31e édition, 75 longs métrages et 76 courts inédits venant des quatre coins du monde, renvoyant à notre volonté continue d’explorer, expérimenter, les nouveaux territoires queer.

 

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FESTIV·IEL

 

jeu. 13 → sam. 29 novembre 2025

Le Théâtre de la Croix-Rousse (TXR) organise la 5e édition de Festiv·iel, son temps fort annuel dédié au féminisme inclusif, aux cultures queer et aux questions de genre et de sexualité. Depuis sa création en 2021, Festiv·iel est devenu un événement incontournable et unique en France, rassemblant plus de 5000 spectateur·ices en 2024 ! 

Festiv·iel ambitionne de lutter contre les discriminations et les violences, d’encourager l'empowerment individuel et collectif – notamment féminin – et d’offrir un espace de réflexion et de célébration. Il promeut des valeurs de sororité, d’écoféminisme et de déconstruction du patriarcat.   

 

 

 

46ème Festival du Film Court de Villeurbanne du 11 au 16 novembre 2025

 

L’Association pour le Cinéma et l’équipe du Zola organisent  la 46ème édition du Festival du Film Court de Villeurbanne, du 11 au 16 novembre 2025.

 

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Les compétitions se tiendront les mercredi 12, jeudi 13 et vendredi 14 à 18h15 et 21h.

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