Tyrannosaur: noir c'est vraiment noir
Comme je le disais dans mon article de début de semaine sur Philippe Djian : on peut brûler aujourd'hui ce qu'on a adoré à 18 ans...enfin brûler, c'est un bien grand mot verbe, mais disons simplement qu'on est plus touché de la même façon par les mêmes choses.
En ce qui me concerne, et c'est un peu paradoxal, vu la société de plus en plus anxiogène dans laquelle on vit, le cinéma social le plus réaliste et les plus sombre, celui qui m'attirait énormément à 20 ans aujourd'hui (qui a dit que j'étais un jeune étrange et optimiste?), ne semble plus me faire le même effet.
C'est la conclusion, sans doute un peu shématique, que j'ai tiré en sortant de la salle de cinéma qui projetait Tyrannnosaur, un film britannique qui fait énormément penser aux films de Ken Loach ou Mike Leigh, ceux qui me touchaient énormément à cette même époque. Bref, tout ce cinéma social d'outre Manche qui sait fouiller dans la plaie et qui possède le courage de montrer, mais avec toujours la pointe d'humanité salutaire, que les moins bien lotis socialement ne sont pas toujours des héros aux grands coeurs, mais qu'ils peuvent être aussi parfois des ivrognes et des salauds.
Ce constat, la toute première scène de Tyrannosaur nous l'affiche bien : on voit ainsi, un peu de loin, et avec une lumière pas bien follichone, un type, un certain Joseph, prolo paumé de Glasglow, jeté d'un bar où il vient de s'engeuler vec des bookmakers, expulser sa rage sur son melheureux chien qu'il roue de coup, provoquant la mort de la pauvre bete. Pour les rares qui se sont trompés de salle, au moins, ils pourront vite partir pour récupérer le début du Marsipulani ou du Prénom et se fendre un peu la poire.
Pour les autres qui, comme moi, y vont en connaissance de cause, ce ne sera que le début d'horreurs en tous genres, de chiens qui se font tabasser, de type vaguement incestueux qui se meurt d'un cancer, de femmes qui se font pisser dessus pendant leur sommeil, ou la même qui se fait violer à semi iconsciente sans oublier un petit garconnet mignon comme tout se faire agresser par un rotweiler.
Bon, je reconnais, mon résumé du film est un peu raccourci et un peu caricatural, et Tyrannosaur ne saurait être négligé d'un revers de la veste car il reste un portrait saissisant et sincère des laissés pour compte de la société anglaise. Le film comporte plusieurs scènes très belles, notamment celles mettant en scène ces deux éclopés de la vie qui vont essayer tant bien que de mal d'unir leurs malheurs respectifs pour tenter d'en faire sortir un peu de lueur.
Mais comme je l'ai laissé entendre ci dessus, à un moment, devant la violence et la complaisance de certaines scènes, j'ai trouvé que la barque était un peu trop chargée et qu'un peu d'humour (toujours présent chez les cinéastes précités) ou/et de lueur d'espoir n'auraient pas été de trop.
Je ne nie évidemment pas l'authenticité de ces personnages, je trouve simplement que l'accumulation de ces situations et de personnages si sinistres alourdissent un peu le propos, et empêche pour moi l'émotion d'arriver comme je l'aurais souhaité.
Si Paddy Constantine a su créer une atmosphère des plus sombres, le climat final reste par trop monochrone et la tonalité d'ensemble, totalement dépressive, accentué encore par la laideur du quartier de Glasgow dans lequel ils vivent.
Bref, en sortant du ciné, sous une pluie battante, j'ai eu un gros moment de vegue à l'âme et me suis dit que maintenant que j'ai une vie plus stable et plus concrète qu''il y a 15 ans, peut- être ais-je besoin de plus de soleil sur les écrans de cinéma. Ou alors peut- être existe t-il un autre paramètre à prendre en compte : professionnellement, je cotoie tellement la misère au quotidien que je n'ai plus forcément le même enthousiasme à replonger dans cet univers lors de mon temps libre, alors que lorsque j'étais étudiant, c'était un monde bien plus éloigné du mien, donc qui m'intriguait bien plus.
Quoiqu'il en soit, une chose est sûre : le même jour que j'ai vu Tyrannosaur, et seulement quelques heures après, je suis retourné au ciné, voir Les vacances de Ducobu . Je dois avouer que le décalage fût énorme et qu'il m'a fallu du temps pour me dire que si un chien subira des brutalité, ca sera pas du tout dans le même esprit!!!
TYRANNOSAUR : BANDE-ANNONCE Full HD Avec Peter Mullan...
edit: l'affiche publiée en exergue de mon billet n'est pas celle parue en France, mais celle d'origine, qui est sortie en Grande Bretagne. Bien plus belle que la notre, elle m'a été gracieusement indiquée par Nio(merci à lui)