Pourquoi "De rouille et d'os" m'a (un peu) déçu...
Je vous le disais à l'occasion de mon article sur Hugo Cabret, j'ai retrouvé depuis quelques années mon âme d'enfant, et d'ailleurs, je pousse le mimétisme en étant aussi pénible qu'un gamin : quand je veux quelque chose, je le ressasse jusqu'à plus soif, pour un résultat souvent décevant, une fois que j'ai eu ce que j'ai voulu .
Prenons par exemple, De Rouille et d'Os, le dernier film de Jacques Audiard. Je vous ai certainement un peu fatigué, lors de la rédaction de mes billets sur le festival de Cannes, et même avant, sur l'envie de voir au moins un film de la sélection, celui, qui sur le papier me paraissait de loin le plus enclin à me plaire. Et, une fois que j'ai eu ce que je voulais (et heureusement le film est sorti en même temps que lors de la présentation, mon impatience aurait été plus grande encore s'il était sorti à la rentrée), et exactement comme pour les gamins, mon emballement est retombé un peu comme un soufflé.
Entendons nous bien : De Rouille et d'os n'est assurément pas un un navet, n'en déplaise à quelques grincheux qui ont voulu se payer Jacques Audiard, vu que tout ce que touche ce cinéaste se transforme en or et que la réusite agace toujous un peu. Le film regorge de qualités, et surtout de scènes visuelles très fortes qui impriment la rétine et me reste encore en mémoire près d'un mois aprés l'avoir vu (la fameuse scène avec l'orque, ou celles sur la terrasse avec Katy Perry en fond sonore).
Audiard reste un des meilleurs metteurs en scène français, si ce n'est le meilleur, tant il sait filmer des corps et donner une vraie intensité à des scènes qui pourraient vite tomber dans le ridicule, filmé par quelqu'un d'autre.
Et l'autre immense qualité d'Audiard, déjà présente dans ses précédents films, est sa grande capacité à diriger ses acteurs, et à leur tirer le maximum de leurs possibiltés. Et évidemment, même si cela a été dit maintes et maintes fois, Marion Cotillard, qui m'avait laissé dubitatif dans de nombreux rôles (dont le tant surestimé La môme) est ainsi tout bonnement incroyable, tant elle arrive à nous faire ressentir la détresse de son personnage, juste avec un regard ou un simple geste. Bouli Lanners, dans un second rôle pas très sympathique, est également vraiment excellent.
En revanche, et c'est là que je vais commencer ma petite liste de reproches, je suis plus spectique sur la performance, pourtant si encensée, de Mathias Schnonaerts, dans un rôle qui ne m'a pas semblé être forcément un rôle de composition. Mais plus que de blamer l'acteur lui même , c'est l'écriture de ce personnage qui pose problème : je veux bien croire qu'il existe des personnes à ce point instinctives et dénuées de la moindre capacité de réflexion, mais certaines de ses attitudes laissent quand même songeur, tant elles sont déconnectées de celles du commun des mortels, et du coup, j'ai eu quelques difficultés à adhérer à l'histoire d'amour et à la symbiose qui se crée entre les deux personnages.
Jacques Audiard veut tant éviter toute tentative de psycholisation qu'il m' a manqué des clefs pour appréhender la relation entre ces deux éclopés de la vie. Quant aux personnages secondaires, ils manquent vraiment de consistance, et il s'avère dès lors impossible qu'on puisse s'attacher à eux. Audiard, contrairement à ce qu'il avait pu faire dans Le Prophète ou De battre mon coeur s'est arrété ( mon préféré de l'auteur), a nettement privilégié la mise en scène, effectivement parfaite de bout en bout, à l'écriture.
On a la facheuse impression qu'il ait voulu faire quatre films au lieu d’un (un mélodrame amoureux, un documentaire sur les combats de rue, un portrait sur les handicapés, et un constat social sur les effets de la crise). Malheureusement, on a l'impression qu'aucun de ces segments n'est suffisamment exploité jusqu'au bout et que malgré de très beaux moments ( surtout sur la fin), l'ensemble manque de fluidité et ne convainc tout à fait.
Bref, encore un film sélectionné à Cannes qui m'a déçu (et encore je suis pas allé voir Cosmopolis, mais vu ce que j'en lis, ca donne pas envie). Je vais finir par croire que c'était une annus horribilis pour la sélection officielle, cette année, mais j'ai encore 19 films à voir avant de faire un bilan définitif!