Roschdy Zem, le roi du (très) bon polar à la française
Grand défenseur des comédiens français devant l'éternel, je n'arrête pas de dire à tous celles et ceux qui crient leur amour pour les acteurs américains que notre pays regorge d'acteurs tout aussi charismatiques et puissants.
Prenons par exemple Roschdy Zem, dont je suis la carrière depuis son tout premier film, le puissant N'oublie pas que tu vas mourir de Xavier Beauvois : au fil des années, ce type a développé une puissance de jeu avec une économie de moyens que ne renierait pas un Tommy Lee Jones ou un Clint Eastwood ( deux acteurs cinéastes comme l'est Rochdy).
Zem excelle en effet dans ces rôles de types virils peu loquaces, mais qui cache des abimes de fragilité dérrière ce masque ( et si on veut le comparer à un acteur français, quelqu'un comme Lino Ventura serait un bon exemple).
De film en film, souvent policier, et souvent sombres, Roschdy Zem a atteint une sorte de perfection dans son jeu sur le fil du rasoir.
J'en veux pour preuve deux polars français de 2012, que je viens de voir coup sur coup, et dans lequel Zem joue un rôle de flic confronté à ses démons intérieurs. 2 films très interessants, même passionnants, dans lequel cet immense acteur s'impose totalement, toute en puissance retenue. Petite revue d'effectif en 2 films :
Ce film là, j'en ai parlé plusieurs fois sur ce blog, et grâce à mon partenaire Cinefriends, j'ai pu le voir en salles. Dans le nouveau film de Pierre Jolivet ( Force Majeure, Ma petite entreprise, Filles Uniques), Roschdy joue le rôle de Lucas Skalli, un grand flic marseillais qui remonte la piste d'un gros trafic d'armes serbe jusqu'à Paris.
Pour coincer le gang, il doit passer par les stups où travaille Maya (Leïla Bekhti), sa fille qu'il n'a jamais connue. Les deux enquêtes s'enchevêtrent pour mieux faire surgir une troisième quête strictement personnelle: celle d'un homme qui se redécouvre père à 45 ans.
Bref, comme vous le voyez sur le résumé, le grand atout de ce film est d'arriver à mélanger deux intrigues en une : celle d'un polar plus classique avec des histoires de trafic d'armes et de drogue et une autre, issue du drame psychologique où l'on voit une famille tenter de recoller les morceaux d'un passé détruit.
Et les deux volets se mélangent parfaitement car le contraste est saisissant : autant ces flics sont super à l'aise avec un flingue et leur insigne à la veste, autant ils sont beaucoup plus empruntés avec les mots intimes.
Pierre Jolivet, qui n'avait plus fait de polar depuis près de 30 ans, ajoute sa patte personnelle en accordant à l’intrigue une dimension psychologique autant que policière. Des rapports de génération, de famille, de méthode et de conscience se nouent entre les personnages pour souligner leur dimension humaine. Et même si ce n'est pas la première tentative d'instiller de l'humain à des personnages de flics intransigeants (on pense à Polisse ou L 627), la partie personnelle est vraiment ici d'une justesse et d'une délicatesse étonnante pour un film de genre.
Car si l'on se perd parfois,surtout vers la fin, dans les méandres de l'intrigue policière, entre les serbes, les indics, les flics ripoux et les tenanciers véreux de boite de nuit, la dimension familiale est totalement bouleversante et surtout magnifiée par l'interprétation des deux acteurs principaux (et Marc Lavoine, que je trouve habituellement assez mauvais, est ici vraiment épatant).
Et la mise en scène de Jolivet, sobre, tendue, sans la moindre boursouflure et la moindre esbroufe, est au diapason.
Un excellent polar français, comme il y en a eu un certain nombre depuis ces 10 dernières années, dont bien évidemment ce Une nuit dont je vous parle à présent (ah la belle transition que voilà :o).
L’histoire est celle de Simon Weiss (Roschdy en personne), Commandant à la Mondaine de Paris. Simon fait chaque soir la tournée des établissements nocturnes parisiens pour s’assurer que tout se passe bien. Et comme chaque soir, il est accompagné par un nouveau chauffeur.Ce soir, c’est Laurence (Sara Forestier), jeune flic, qui l’assiste. Ensemble, ils vont découvrir que Simon fait l’objet d’un piege dont il sera difficile de se sortir. Pris en tenaille entre la police des polices et les voyous, Weiss va se défendre, affronter flics, hommes d’affaires et malfrats...
Ce film, sorti la toute première semaine de janvier 2012, j'en avais parlé lors de la sélection de cette semaine là car les critiques étaient excellentes et le film semblait parfaitement réussi. Je l'ai vu récemment en DVD, juste avant de voir Mains Armées, et je n'ai pas été déçu.
Le film, à la lisière du documentaire, repose quasi entièrement sur les solides épaules de Roschdy, que la caméra de Philippe Lefevre ( qui n'avait pas réalisé de film de cinéma depuis presque 30 ans), ne lache pas d'une semelle. On suit pas à pas ses pérégrinations dans les boites de nuit et les discussions avec les patrons. Le film nous apprend beaucoup de choses sur la vie nocturne, et sur l'action au quotidien de la brigade mondaine et son action au quotidien, sans jamais que le volet pédaogique l'emporte sur l'intrigue et les rebondissements (même si je préssentais le twist final, il fonctionne parfaitement)..
Quant au rôle de Zem, il est évidemment en or pour lui, et j'avoue particulièrement apprécier cet archétype qu'on trouve dans les meilleurs films du genre américain, ce genre de héros à la limite de l'illégalité et aux frontières du bien et du mal.
L'ambiance du monde de la nuit est absolument parfaitement rendue, et l'unité de temps (tout se passe en une seule nuit,exploitée à la perfection. Le soin apportée au son, à la photo, et à l'image fait penser au très bon cinéma du genre, tels que Collatéral de Michael Mann ou bien encore les films de Melville, auxquels cet excellent Une nuit fait forcément penser.