Haut et Court: suicide, humour (noir) et ravioli !!!
"Ce jour-là, en début de soirée, un peu avant l'heure de l'apéritif que nous ne prenons jamais, papa nous a réunis dans la salle à manger et a déclaré : "Aujourd'hui, plutôt que de passer à table, on va se passer la corde au cou." Sur le coup, j'ai un peu regretté. Non pas que je n'avais plus envie de me foutre en l'air. J'en avais autant envie que d'habitude, ni plus ni moins. Mais on était mercredi. Et le mercredi, c'est le jour où maman nous prépare des tomates farcies."
Voilà comment commence Haut et Court, le dernier roman de Philippe Cohen Grillet, que les éditions Dillettante m'ont très gentiment fait découvrir (merci à eux). Et on peut dire que d'emblée, le ton de l'ensemble du livre est donné : le fond de l'intrigue sera grave, voire dramatique (le suicide collectif d'une famille sous fond de misère sociale), mais la forme sera constamment teintée de fantaisie, et d'un humour, noir, forcément noir, mais oh combien salutaire.
Raconté ad petres par le fils de cette famille qui nous explique dans les menus détails la genèse de ce suicide, qui est par ailleurs tiré d'un fait divers authentique qui s'est déroulé dans le Nord de la France, le narrateur revient également, non sans une certaine morbide jubilation, sur l'enquête policière menée par un inspecteur Benoit pas bien malin, et qui n'éclaircira jamais cette affaire.
Avec un ton toujours un peu décalé, il décrit avec, froide neutralité et détails cocasses, le lent et inexorable déclin de cette famille ordinaire, portrait représentatif d'une France délaissée : une mère au foyer, un père qui sent la préretraite approcher, une soeur employée dans une auto-école en perte de vitesse... Le seul versant un tant soit peu lumineux est le sien, lorsque dans le cadre de son travail dans un hypermarché, il rencontre la belle et lumineuse Caroline, responsable de la Banque Alimentaire...Hélas, comme on n'est pas dans un conte de fées, et surtout comme on connait dès le début, le dénouement de l'histoire, il ne faudra pas s'attendre à un happy end.
Chronique sociale tragi comique, l'auteur témoigne d'une vraie plume et d'un vrai sens de la narration. Il est simplement dommage que son intrigue, qui devrait aller crescendo dans le décalé et le tragique, ait tendance à faire du surplace dans la dernière partie, et ne sait pas trop comment se finir, mais malgré ce léger bémol, ce roman est assurément une des jolies surprises de cette rentrée littéraire.