Une Voie rapide qui mérite largement le détour
Le long métrage Voie Rapide étant sorti en plein été dans l'indifférence générale, il est plus que temps que je le réhabilite quelque peu, d'autant plus que je l'ai vu récemment dans une toute petite salle d'un cinéma de quartier, et qu'on était que 3 dans la salle, alors même qu'il est diffusé que deux fois dans la semaine.
Pas certain que la date choisie (le 8 août, donc forcément noyé sous les blockbusters estivaux) pour programmer ce film réalisé par un cinéaste inconnu et avec un casting sans star soit très judicieuse. Espérons que le film soit nominé lors des Césars, dans la catégorie premier film, ce qui lui permettrait d'avoir un nouveau coup de projecteur dessus.
Car Voie Rapide est en effet un premier film, celui du jeune réalisateur Christophe Sahr, et s'il souffre de quelques maladresses inhérentes à un premier film, il épate également par sa maitrise formelle et du récit.
Le film m'a embarqué, alors même qu'au départ, son sujet d'approche n'est pas du tout le mien : le tuning et les courses de voiture doivent même être le domaine qui m'interesse le moins au monde (rappellons juste que je n'ai pas le permis :o). Et ces courses de voitures (en jeux vidéo ou en réelles sur des autoroutes nocturnes de la banlieue parisienne) constituent en fait le seul «moteur» du jeune héros. Elles occupent toute sa vie et pourtant Alex est marié, et papa d'une toute petite fille. Sevré dans son enfance de tendresse paternelle et maternelle, il vit dans l'instant, avec inconscience et risque, sans réfléchir, s'adonnant à cette passion exclusive.
Difficile pour moi de comprendre et de m'attacher a priori à ce type égoiste et immature, et au début j'avoue avoir eu un peu de mal à me passionner pour ce qu'il vivait, d'autant que la caméra de Shar ne le lache pas d'une semelle ( d'une roue plutot). Le parti pris du réalisateur est en effet de donner des allures de documentaire à cette fiction, et du coup, les rares égarés qui en voyant l'affiche, pensait à un remake français de Fast and Furious ( série que je n'ai jamais vu, pensez vous donc) savent de suite à quel genre de cinéma ils ont affaire.
Si cette première partie est un peu lente à installer, le film convainc totalement dans son virage (heureusement, me diriez vous, qu'un film sur les voitures maitrise les virages) dramatique, puisque, un soir de course solitaire folle, il écrase un jeune homme et prend la fuite et que, dès lors, sa vie va basculer
Le cinéaste sait habilement faire progressivement monter la pression autour d'Alex , car le secret qu'il renferme devient de plus en plus dévastateur pour lui et son entourage.
Ainsi présenté, le film intégre clairement des notions chères au cinéma traditionnel ( la culpabilité, la possibilité ou non de rédemption), mais il le fait avec une très grande subtilité, notamment grâce à l'apparition du personnage de la mère de la victime, incarnée par une Isabelle Candelier, déjà parfaite dans Adieu Berthe, et ici éblouissante en seulement quelques scènes, dans un registre plus émouvant.
Ce qui est aussi très réussi dans un film qui a priori devrait être un film d'hommes, c'est l'image véhiculée ( je fais même pas expres avec ce genre de métaphore en plus :o) par les femmes qui entourent le héros : celles ci, jeunes ou adultes, apportent, toutes des approches différentes et apaisantes face aux réactions masculines, primaires et brutales.
Si on ajoute dans les bons points de cette oeuvre, une épatante interprétation de Johan Libéreau (qui a des faux airs de Kool Shen), déjà formidable dans les Témoins de Téchiné il y a plusieurs années de cela , et ici, totalement habité par son personnage, et une Bande Son du tonnerre qui colle parfaitement aux images de virée nocturne, nous voilà avec un film assez épatant sur lequel il était normal que je m'y attarde un peu.