Jean Renoir n'a (presque) plus de secret pour moi....
Revenons une fois de plus, si vous n'y voyez pas d'inconvénient (idée qui me plairait bien) sur le festival Lumière, pour une ultime fois, et pour vous parler d'un auteur moins contemporain que les Ken Loach ou Gérard Krawczyck, dont je vous ai parlé dans mes précédents billets sur ce festival.
En effet, aujourd'hui, c'est de l'immense cinéaste Jean Renoir, figure emblématique du patrimoine cinématographique français, et même mondial, dont je voudrais vous toucher deux mots à travers deux évenements auxquels j'ai pu participer durant ce Festival.
Jean Renoir n'est pas forcément un cinéaste que je connais bien, et d'ailleurs, avant le début d'année et mon rattrapage en dvd de se son chef d'oeuvre Le fleuve, je peux dire que cela faisait très longtemps que je ne m'étais pas penché sur sa filmographie.
Filmographie que j'avais appréhendée dans ses grandes lignes, lors de mon éducation cinématographique, que ce soit avec mon père ou à l'école (en voyant notamment la Grande Illusion, La bête humaine, La règle de jeu), mais que j'avais abandonnée pendant une bonne vingtaine d'années.
Si du coup, je n'ai pas profité qu'il soit à mis l'honneur pour revoir certains des films au programme de sa rétrospective, je suis allé au Village Lumière me faire dédicacer par l'auteur, le journaliste au Nouvel Observateur Pascal Mérigeau, la biographie évenement (que j'ai eu grace à l'agence Moonfleet, un grand merci à eux) qu'il a rédigée sur le cinéaste.
Ce livre ("l'ouvrage ultime" selon Thierry Frémaux) n'est pas la première biographie sur l'auteur, mais assurément sa plus complète et la plus documentée. C'est un vrai livre-somme de 1120 pages que j'ai commencé depuis plusieurs semaines et que je n'ai pas encore fini (j'en ai lu, au jour d'aujourd'hui, à peu près 600 pages).
On voit que l'auteur, dont j'aime bien la plume dans ses chroniques écrites hebdomadaires, a effectué un travail considérable de documentation et de réécriture. L’écrivain y célèbre bien sur le génie du cinéaste, mais démystifie également le mythe en dévoilant ses parts d’ombre et en rétablissant certaines vérités.
Grande figure du cinéma français d’avant-guerre, exilé hollywoodien en froid avec ses compatriotes, puis porté au pinacle par la jeune garde des « Cahiers du cinéma », Jean Renoir eut une vie aussi riche et compliquée que l’époque qu’il traversa.
Mérigeau revient dans ce livre, qui se lit comme une saga holywoodienne, sur quelques légendes qui entourent la naissance de certains film du maître, en concluant que la réalité est souvent bien différente, et qu’en fait Renoir a quasiment tourné tout ce qu’on lui proposait. Le réalisateur n’est d’ailleurs venu au cinéma que dans un seul but, celui de faire de sa compagne de l’époque, Andrée Heuschling une actrice.
Plus que l'histoire de Renoir, c'est l'histoire du cinéma français et l'histoire du XXe siècle (notamment l'ambiance particulière de la période d'entre les deux guerres, où chaque artiste essayait de trouver un sens à la vie) qui est dépeinte dans cette biographie édifiante et assez exceptionnelle de Renoir.
N'hésitant pas à escamoter les légendes, n'omettant aucune anecdote, même les plus dégradantes (notamment sa position ambigue avec Céline, et des déclarations plus que limites sur les juifs), Pascal Mérigeau démystifie Renoir et rend compte de l'homme, dans toute sa globalité.
Dans ce livre, nulle hagiographie d'un homme bien éloigné de l'image du type rondouillard et un peu ours que véhiculent les images d'archives qu'on voit habituellement, mais, au contraire, une vraie peinture sur les complexités et les contradictions d'un homme qui en possédait sans doute plus que le commun des mortels.
On y apprend que Renoir est venu au cinéma grace à Andrée Heuschling d'abord comme producteur plus que comme réalisateur, gràce à l'argent de son père, et qu'il va être passionné par le cinéma américain de cette époque, et notamment celui de Chaplin, qu'il cotoiera lui même dans les années 40 lorsqu'il s'installera à Hollywood.
Onn découvre, aussi entre autres scoops ( Mérigeau a déterré plusieurs documents totalement inédits) un peu plus aussi sur sa relation avec son père, l'illustre peintre Auguste Renoir, sur lequel Jean Renoir écrira un livre hommage, Auguste Renoir, mon père, qui fera revivre l'amour filial très fort qu'il avait pour lui.
Un amour qui est également au centre de la seconde oeuvre sur Renoir que j'ai eu l'occasion de découvrir lors de ce Festival Lumière, le même jour que ma rencontre avec Mérigeau, mais là au cinéma Comédia. Cette oeuvre cinématographique est également intitulée Renoir : seul le prénom a disparu, car, en fait, si le pluriel des noms propres existait (comme dans la langue anglaise), le titre aurait certainement pris un "S" à la fin du mot .
En effet, le film Renoir, réalisé par Gilles Bourdos, évoque les rapports en 1915, en pleine première guerre mondiale du jeune Jean Renoir, de retour blessé de la guerre, avec son père Auguste Renoir, mais aussi avec Andrée Heuschling, dont j'ai parlé quelques lignes plus haut,ce dernier modèle de son patenel qui deviendra sa femme, et sa première actrice.
Avant la projection du film, le cinéaste Gilles Bourdos (dont j'ai vu et aimé les 3 films Disparus, Inquiétude, Et après, dotés d'un vrai univers visuel) est venu le présenter en compagnie de l'acteur Vincent Rottiers (le jeune acteur français qui monte, et qui impose dans tous ses rôles une présence physique indéniable)
Comme nous l'a annoncé le cinéaste, Renoir s’intéresse en fait à la fin de la vie d’Auguste et à la naissance de l’artiste Jean, à travers l’arrivée chez eux d’Andrée Heuschling.
Loin des biopics classiques auxquels je pouvais m'attendre sans connaitre l'histoire ( le film ne sort que le 2 janvier 2013, donc j'en savais très peu sur le film, à mon grand bonheur) le long métrage de Bourdos s’intéresse à cette filiation artistique par le prisme de cette jeune fille au tempérament de feau et à la beauté du diable ( la jeune Christa Théret vu dans LOL et plus récemment dans Voie rapide est magnifiée sous la caméra de Bourdos).
Car comme dans tous ses films précédents, le cinéaste impressionne par l'immense beauté visuelle qui se dégage de ses images : de ses mouvements de caméra, toujours d’une grande délicatesse, à sa captation magique des magnifiques lumières du sud de la France ( le film a été tourné essentiellement dans les jardins du domaine du Layol, dans le Var), la réalisation nous propose un voyage visuel admirable, à la photographie sublime.
Si l'interprétation, dominée par un Michel Bouquet incontestable et imposant en Auguste Renoir, "patron" sur le déclin de la peinture institutionnelle, mais qui dégage en même temps un appétit de vivre et une vraie douceur, est un des gros points forts du film, on regrette qu'au final, le film ne nous emporte pas autant qu'on aurait aimé l'être.
La faute peut-être, paradoxalement, au trop grand soin apportée à l'image et à la lumière, qui du coup, donne peut-être un côté trop bien huilé à l'ensemble, et qui empeche le vrai souffle lyrique que l'on pouvait attendre d'une telle histoire.
Quoiqu'il en soit, entre ce superbe livre et ce beau film, j'ai bien rattrapé mes lacunes sur la vie et l'oeuvre d'un des plus grands cinéastes français, grâce à ce Festival Lumière que je ne cesse de chérir.
A qui le tour la prochaine fois...Carné? Duvivier? ou plus proche de nousTruffaut? Rohmer? Godard?