Riad Sattouf : un bédéiste de génie ou un auteur un brin trop pessimiste?
Histoire de commencer en beauté ce mois de mars, un petit "pour et contre" comme on en fait de temps en temps Michel et moi, ca vous tente??
Sauf que ce coup ci, notre débat à fleuret moucheté- bon, vous verrez, le "contre" de Michel ne l'est pas tant que cela- ne porte pas sur le cinéma, mais sur un auteur de BD- également réalisateur à ses heures perdues-, sans doute le plus connu à l'heure actuelle, je veux parler du génial Riad Sattouf dont j'ai déjà chanté les louanges en plusieurs occasions...
Riad Sattouf, qui après le formidable tome 2 de l'abare futur, est revenu en ce début 2016 dans toutes les bonnes librairies pour publier les Cahiers d’Esther, histoires de mes 10 ans, recueil de planches publié chaque semaine dans le Nouvel Observateur, dans lequel il continuer de creuser le sillon de l’enfance entamé avec son formidable L'lArabe du futur, mais ici dans son pendant féminin avec ces Cahiers d'Esther.
Un album qui m'a plus enthousiasmé que Michel et on va tente rd'en expliquer les raisons dans une sorte de thèse anti thèse qui sent bon les devoirs de philo, ceux là même sur lesquels Esther planchera d'ici quelques années (le projet de Sattouf étant de la suivre jusqu'à ses 18 ans) :
1. Une oeuvre brillante mais un peu trop âpre et nihiliste..
C’est quoi avoir dix ans en 2016 ? Esther habite à Paris avec son papa "qu 'elle aime d’amour", sa maman qui était très belle quand elle était jeune et son frère ,un ado qu’elle trouve con comme tous les garçons. Elle va dans une école privée, ça rassure son papa. Pourtant papa n’a pas de quoi être rassuré : l’école, la rue, pour une petite fille de dix ans c’est la jungle. Heureusement Esther à la force, l’enthousiasme et l’humour de son jeune âge.
Esther existe vraiment mais ce n’est pas vraiment Esther. Riad Sattouf dialogue chaque semaine avec la fille d’un couple d’amis et la petite fille raconte ce qui fait le quotidien d’une préado française en ce début de XX° siècle. Depuis « Retour au collège » et « La vie secrète des jeunes » on sait que Riad Sattouf est un formidable sociologue de la jeunesse, du banal et d’une société fille de la téléréalité.
L’enfance est cruelle, Sattouf l’explore de livre en livre. Dans « Les cahiers d’Esther » il devient un reporter de notre époque dont il décortique avec talent les codes sociaux et les mythologies : The Voice, les écrans plats géants, la célébrité, les I Phones, les marques qui font de vous des rois ou des sujets, les films de Luc Besson, les Rappeurs et même « Youpaurne ». Roland Barthe et Pierre Bourdieu en bande dessinée, rien que ça.
Le monde de Riad Sattouf est drôle mais aussi, reconnaissons le, violent âpre, et parfois n'ayons pas peur des mots, nihiliste.
En effet, alors qu’à raison d’une planche par semaine dans " L’Obs" la lecture de la petite vie d’Esther est très agréable, tandis que, regroupé en une cinquantaine de planches, le lecteur referme l’album avec un sentiment diffus.
Riad Sattouf a depuis plusieurs années une très bonne presse mais force est de constater que le personnage d'Esther n’est pas vraiment drôle et subsiste, contrairement à ce que laissent à penser la plupart des médias. Sattouf semble quelqu’un d’effrayé par la vie et il se sert de son art pour se défendre....mais bon sang, que toute son œuvre est rude dans le fond......
Et en refermant ces cahiers d'Esther, on pousse un OUF de soulagement et on se dit, bon sang quel plaisir d’avoir vieilli !
2. Une oeuvre admirable et pleine de tendresse
Les cahiers d'Esther, ou comment, à partir d'un récit a priori banal d'une enfance d'aujourd'hui, réussir, et uniquement grâce au génie de Sattouf, à engager une bonne petite réflexion de derrière les fagots autour de la vision du monde vu par un enfant, et de notre réaction face aux angoisses de notre société actuelle.
Contrairement à Michel, j'aime Sattouf sans aucune réserve, et encore plus dirais-je dans ses albums d'observation de la jeunesse - je suis moins fan du volet Pascal Brutal, où pour le coup, l'observation sociale est moins prégnante et trop burlesque pour aller plus au delà du simple rire...