Une première vague qui nous a submergé de plaisir..(critiques de films de Cannes 2016 inside)
J'en ai révé, mon cinéma préféré de Lyon l'a fait : alors que, depuis plusieurs années, je réclamais à corps et à cri que les films présentés à Cannes soient projetés juste après la Croisette à Lyon, à l'instar de ce qui se fait au Forum des Images ou au Gaumont Opéra à Paris ou même à Marseille, le Comœdia a décidé cette année de se lancer et de proposer de découvrir à ses fidèles en avant-première une sélection de films cannois présentés dans les différentes sections- un Certain Regard excepté- du festival...
Chaque soir, pendant une semaine, et parfois même deux fois par jour le week end, on a eu droit à des longs métrages qui ont fait l'évènement à Cannes et mis à part pour "Neon Demon", sorti le lendemain de sa projection, des sorties prévues souvent plusieurs mois après, donc un beau privilège que les cinéphiles n'ont pas manqué, même si sur certaines projections, les salles sonnaient parfois un peu creux, hélas...
En tout cas, et même si hélas, des raisons familiales (tels que l'enterrement de jeune garçon à 35 ans passés du frangin dans une orgie de Champagne à Reims, évidemment ca ne peut se louper) m'ont poussé à déserter le Comoedia le week end, on a bien largement profité, Michel et moi de cette manifestation, dont le titre laisse augurer une seconde vague qu'on attend avec grande impatience.
Petite entrevue des 6 films vus à cette occasion ( j'ai largement regretté avoir raté "Victoria" de Justine Triet ou le visiblement sublime "Ma vie de Courgette" de Claude Barras) et évidemment on reviendra sur chacun de ses films plus longuement au moment de sa sortie.
Pour "The Neon Demon", présenté en ouverture de ce ( mini) festival, ma critique arrivera vite vu que le film est sorti dans la foulée même si on a déjà beaucoup écrit sur ce nouvel OVNI de mon grand ami NWR que tout le monde à commencer par lui appelle ainsi...
J'aurais pensé ne pas aimer ce film qui semblait largement privilégier la forme au fond comme d'ailleurs un peu tous ces films, mais en même temps la vision de ce Neon Demon fascine quasiment du début à la fin. Et seuls les spectateurs de xomplète mauvaise foi ne voudront reconnaître les qualités de maître plasticien du cinéaste danois un poil mégalo sur les bords :
Composition des plans, bande sonore de son fidèle Cliff Martinez, montage, lumière, musique : tout est parfaitement et si harmonieusement dosé que le film est une merveille visuelle de chaque plan.
Hélas, le seul ingrédient qui manque à ce cocktail est comme je le craignais une histoire digne de ce nom et le scénario, qui tente vaguement de "dénoncer" le culte de la beauté et de la jeunesse, tourne à vide au bout d'une heure de film, car "The Neon demon" ne raconte pas grand chose de neuf et d'interessant, et certains personnages, comme celui joué par Keanu Reevesl laisse profondément dubitatif.. mais franchement, certaines scènes ( celle du jaguar, de la prise de vue avec le photographe pervers) imprimeront durablement la rétine...
THE NEON DEMON Official bande-annonce 3 VO
Le lendemain c'était Tour de France de Rachid Djaïdani qui était projeté. Célébré à Cannes en 2012 pour un “Rengaine” qui m'avait malheureusement laissé quelque peu dubitatif, Rachid Djaïdani est revenu cette semaine dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs pour un film qui a moins soulevé l'enthousiasme.
Pourtant, malgré des maladresses évidentes et un début assez difficilement regardable, ce Tour de France m'a laissé une impression d'ensemble (un peu) meilleure que celle du premier long de Djaidani. La rencontre a priori irréelle entre un Depardieu au role assez proche de celui joué dans Mammuth ou Grrand Amour des Kerven Delepine et Fairhook un jeune rappeur joué par le rappeur Sadek réussit à toucher in fine, grâce à une absence totale de second degres et de cynisme .
Du coup, cette complicité naissante entre deux personnes completement opposées parvient à faire oublier un coté déja vu, et grace à de belles scènes musicales (notamment une chanson de Regianni fredonnée de dos par Depardieu) réussit à toucher et faire de cette croisade contre l’intolérance et les clichés, une oeuvre sincère qui fait du bien..
Aucune réserve en revanche pour L'Economie du couple présenté en troisième soir- le nouveau film de Joachim Lafosse- après des Chevaliers Blancs décevants en début d'année -qui a été présenté à la Quinzaine des réalisateurs.
Ce formidable huis clos dans un appartement bruxellois qui décrit le naufrage d'un couple, sous fond d'inégalité sociale et financière- le titre qui fait penser à un Que Sais je? n'est pas des plus heureux aborde un sujet à la fois souvent traité, mais rarement avec une telle force et une telle justesse..
On pense à certains films de Pialat ( Sylvie Pialat est une des productrices du film) plans-séquences extraordinaires, étouffants, d'une profonde intensité, et les deux personnages principaux sont complètement habités par des acteurs bluffants. Berenice Bejo est aussi épatante que dans le Passé de Farhadi et surtout Cedric Kahn , vraiment impressionnant mâle blessé à la fois viril et en plein désarroi ..
Et on n'oubliera pas avant très longtemps cette une scène de danse déchirante sur le Bella de Maître Gims ( comme quoi il n'y a pas que Dolan pour magnifier des chansons françaises populaires) qui décrit mine de rein la terrible émotion d'un amour qui s'éteint.
Un immense film sur lequel on reviendra longuement lors de sa sortie ( étrange idée vu le sujet) en plein mois d'août..
CINEVOX MAI 2016 - L'économie du Couple
Le lendemain, premier jour de l'Euro Oblige c'est l'allergique au foot Michel qui est allé applaudir des deux mains « Aquarius » film brésilien de Kleber Mendonça Filho présenté en compétition officielle et que de nombreux festivaliers auraient bien vu au Palmarès.
Michel s'est emballé devant le formidable portrait d’une femme qui se bat pour ne pas se soumettre….Mais c’est aussi un état des lieux du Brésil qui doit combattre la corruption et le capitalisme.
Un Brésil gangréné par le libéralisme galopant, mais aussi un Brésil combattif et têtu à l’image de Sonia Braga l’actrice principale, impressionnante sexigénaire qui aurait amplement mérité une récompense cannoise, comme le film d'ailleurs...
Un film romantique et politique mais aussi vivant et terriblement sexi comme le Brésil. Et puis Freddy Mercury et "Another One Bites the Dust "sur une plage de Récife, c'est tellement inattendu et fort que ça marche forcément, et ca marchera toujours….
AQUARIUS - La crise au Brésil s'exporte au festival de Cannes
Le lendemain, on passe du Brésil au Maroc avec le Mimosas, de l'Espagnol Oliver Laxe, carrément auréolé du Grand Prix de la Semaine de la critique à Cannes, envoutant et lancinant road trip mystique dans les montagnes de l'Atlas au Maroc.
On sent que le voyage géographique qui est aussi intérieur", avait le jeune réalisateur de 34 ans dans le dossier de presse et on sent bien que le dernier voyage d'un cheikh qui veut retourner dans son village natal pour mourir est l'occasion de régler ses tourments intérieurs, même si cela n'est jamais explicitement montré.
Car ce Mimosas est avant tout une oeuvre contemplative avec peu de dialogues, et à voir absolument sur GRAND ECRAN , le film est tourné en 16 mm - l’image est vraiment superbe.
On regrettera néanmoins que cette quête initatique qui emprunte parfois au cinéma d’aventure et quasi métaphysique ( on pense souvent au récent "Jauja" de Lisandro Alonso avec Viggo Mortensen) a du mal à passionner sur la longueur et est surtout à réserver aux cinéphiles avertis.
Interview de Oliver Laxe (MIMOSAS)
Dans la soirée, on a changé de registre avec « L’effet aquatique », comédie romantique ( légerement) bancale et burlesque de Solveig Anspach , décédée peu après le tournage, entre un grutier et une maitresse nageuse. De Montreuil à Reykjavik l’eau chaude comme pansement à la solitude.
Un liquide amniotique rassurant et réparateur enveloppe des acteurs formidables et une bande de doux dingues en seconds rôles pour une oeuvre aussi rafraichissante qu'un bain à 20°…
.Très drôle et sympathique, forcément sympathique, même si la récompense glanée à Cannes a remporté le Prix SACD de la Quinzaine des Réalisateurs 2016 était peut etre plus du à l'hommage que Cannes a voulu rendre à cette précieuse cinéaste disparue trop tot qu'à sa dernière oeuvre, pas forcément la plus aboutie de son auteur..
L'EFFET AQUATIQUE - Extraits du Film (Cannes 2016)
Et enfin, car il fallait bien que ce Festival ait un début et une fin, on a fini avec le "Rester Vertical" lundi soir dernier, le film d'Alain Guiraudie - rendu mainstream depuis cet Inconnu du Lac qui la aussi m'avait laissé dubitatif.. présenté au tout début de la compétition du Festival de Cannes 2016.
Le premier tiers du film est réussi, cette ’histoire d’un scénariste à la recherche du loup dans la magnifique région des Grands Causses dans le Massif central en France convainc tant que Guiraudie reste sur les rails d'un naturalisme qui lui sied bien au teint. Malheureusement, le cinéaste oublie que dans surréalisme il y a aussi réalisme et puis malgré quelques scènes chocs bien menées qu'on ne spoilera pas, fait virer son film dans une farce onirique qui vire au grand n'importe quoi..
Un voyage finalement assez raté dans la France profonde qui va très rapidement de la Lozère à Brest...
Les étrangers qui ont vu le film à Cannes ont surement eu une sacrée géographie de notre beau pays : la Bretagne est à un jet de pierre du mont Aigoual et à deux pas du marais poitevin.
Cette carte de France si particulière vue par Guiraudie aurait pu toucher - et les acteurs, peu connus, sont convaincants, mais hélas rend assez perplexe au final... On se demande un peu ce que veut nous dire Guiraudie dans ce capharnaüm, à part le fait qu’il a vu le loup !
Et puis, cette scène de l’accouchement plein cadre qui a fait tant parler à Cannes n’est pas vraiment une première, Boisset l’avait fait et c’était attiré les foudres des censeurs de 1978.
Bref, ce Rester Vertical n'est pas forcément la meilleure façon de cloturer ce superbe festival mais quand même de très bons films vus en aussi peu de temps et avant tout le monde, on ne pourrait réver mieux n'est ce pas?