Fuocoammare, par-delà Lampedusa :documentaire miraculeux ou film à côté de son sujet??
"Fuocoammare, par-delà Lampedusa" est un film documentaire de Gianfranco Rosi qui a reçu l'Ours d'Or à Berlin en février dernier, ce qui est plutôt rare pour un film documentaire, et qui constitue d'autant plus un évènement que Gianfranco Rosi - à ne pas confondre avec le regretté Francesco Rosi- avait obtenu le Lion d'Or à venise il y a quelques années pour son précédent long métrage Sacro Gra.
Personnellement, je n'avais jamais entendu parler de lui avant que la Mostra de Venise ne lui décerne en 2013 le Lion d'or au documentaire de l'Italien Gianfranco Rosi avec "Sacro Gra", sur les personnages hauts en couleur qui vivent à proximité du boulevard périphérique romain et que j'avais chroniqué quelques semaines après son sacre vénitien.
Mais avant Sacro Gira, Gianfranco Rosi avait réalisé de nombreux documentaires sociaux qui ont connu un certain impact, dans différents festivals de cinéma, pour en faire un pécialiste du documentaire réel contemporain, et ces belles récompenses permettant au documentaire de sortir un peu de son ornière.
Des narcotrafiquants du Mexique aux marginaux californiens qui refusent la société de consommation, Gianfranco Rosi a su porter à l’image les destins exceptionnels d’hommes et de femmes à part et continue à le faire avec son nouveau film Fuocoammare, par-delà Lampedusa qui nous parle des migrants qui arrive dans l'ile de Lampesuda et que nous avons eu la chance, Michel et moi de voir en avant première la semaine dernière au Comoedia...
Sauf que si Michel a été emballé par la beauté du film et le talent du documentariste, personnellement ce dernier long métrage m'a malheureuseent et en dépit de la puissance du sujet passablement ennuyé..
Un pour et contre - qu'on avait pas fait depuis plusieurs mois et la sortie du dernier Hansen Love- autour d'un des films évènements de ce mois de septembre 2016, ca vous tente?
POUR : UN TRES BEAU POEME PANTHEISTE!
Lampedusa, minuscule ile si proche des côtes africaines, est devenue depuis quelques années surexposée médiatiquement, elle est la première escale des migrants venus de pays en guerre. Dans ce lieu fort, Gianfranco Rosi s’est installé avec sa caméra pendant une année. Il a filmé la tragédie que vivent des centaines d’hommes, de femmes, d’enfants, qui ne sont désignés que par le mot « Migrants.
Ils ont froids, ils ont peur, ils ont faim et soif, dociles ils ne feront qu’un bref passage sur l’ile et connaitront rien de Lampedusa.
Rosi film les insulaires, un monde clos, étanche mais pas insensible, un monde qui vit avec ses problèmes d’insulaire, le chômage, le mauvais temps qui retarde la pêche, l’avenir des enfants. La rencontre du cinéaste avec Samuele est un petit miracle que souhaitent tous les documentaristes.
En effet, c'est fou comme ce jeune garçon d’une douzaine d’années et son œil “paresseux” devient le regard du spectateur; son anxiété devant son avenir incertain dans cette ile si petite, devient notre anxiété devant l’avenir de l’Europe.
La vie à Lampedusa dans les pas de Samuele est un beau poème panthéiste : "Fuocoammare- Par delà Lampedusa" est incontestablement une œuvre cinématographique forte dans laquelle les plans sont saisissants et la caméra toujours à la bonne distance. Est-ce un film de cinéma ou un documentaire ? Visiblement, d'après ce que nous a dit Rosi en présentation du film, beaucoup de personnes ne sont posé la question, et elle est légitime.
La frontière est ténue, chaque spectateur se fera sa propre idée. Mais Gianfranco Rosi le sait, son film ne peut pas changer les choses, Matteo Renzi, le président du conseil italien, a distribué le DVD du film à ses homologues européens, cela n’a pas empêché la signature de cet accord désastreux et honteux avec la Turquie sur les réfugiés syriens.
Fuocoammare, par-delà Lampedusa (bande annonce)
CONTRE : BEAU, CERTES, MAIS A PART CA QUE D'ENNUI ET D'AGACEMENT
Que c'est dur de dire du mal d'un film qui nous parle d'un sujet autant d'actualité et aussi incontournable que le destin des migrants sans passer pour un sans coeur, comme Michel m'a traité à la sortie de ce Fuocoammare qui m'a laissé aussi froid qu'il l'a laissé vibrant d'émotions
Et pourtant, comme l'an passé, pour rester sur le sujet de migrants africains arrivant en Italie, "Mediterranea", de l’Italo-américain Jonas Carpignano présenté à Semaine de la critique 2015 qui nous emmenait sur les traces de deux jeunes migrants du Burkina Faso, en quête d'une vie meilleure en terre européenne et en dépit de quelques maladresses, restait un bel hommage à ces migrants dont plus que jamais le cinéma a le mérite de parler, je partais donc confiant en voyant le film de Gianfranco Rosi auréolé de son prix berlinois
Et dieu que la pillule fut amère en sortant de mon Comoedia préféré, tant ce « Fuocoammare » m'a laissé dépité durant toute la projection que j'ai suivi entre ennui et agacement.
Ennui, eh oui, hélas, devant ce cinéma résolument contemplatif, qui donne ce sentiment de chercher avant tout la belle image ( et y arrive parfois) mais au prix de plans (très très ) fixes de bateaux arrivant en mer ou d'enfants jouant à canarder des canettes de coca ou à bruler des cactus et qui ne traite jamais frontalement son sujet, d'où l'agacement ressenti en fin de compte..
Fuocoammare » donne la désagréable impression de rester totalement en vase clos et de ne jamais chercher à exploiter son sujet, à savoir le sort des migrants et échoue du coup à provoquer l'éveil des consciences qu'il souhaiterait selon les déclarations du cinéaste lors de la rencontre ou dans le dossier de presse..
Michel a eu beau m'expliquer à la sortie du film que les migrants n'existent pas dans ce long métrage tout simplement, Risi ne fait que reproduire le regard que les gens lambda et les habitants de Lambasuda porte sur eux, mais personnellement si le cinéma ne nous aide pas à aller au delà de l'ordinaire des infos du soir, et ne transcende pas le réel en nous offrant la possibilité de connaitre mieux ces invisibles, autant passer son tour et aller voir autre chose en salles..
On comprend effectivement que le parrallèle entre la petite vie des gens de l'ile et le sort terrible des migrants qui ne croiseront jamais montre l'incommunabilité totale et la déshumanisation de ces gens mais sur l'écran cela reste beaucoup trop théorique et désincarné pour toucher et Risi donne l'impression d'éviter constamment son sujet, et préfèrer chercher l'esthétisme à tout va...
Aucune interaction entre les locaux et les migrants ne nous est montré alors que c'est cela qui aurait été vraiment interessant de le voir, Rosi privilégie un rapport métaphorique à son sujet et à part l'entrevue avec un médecin qui soigne à la fois une jeune Africaine enceinte et la vue défaillante du petit garçon ( que Michel a adoré mais qui cabotine pourtant éhonteusement et qui passe son temps à jouer de son fronde, ce qui n'a pas grand chose de captivant en terme de narration) rien de vraiment crucial et ne nous sera montré de ces enjeux pourtant cruciaux
On voit bien que Rosi a tenu avant tout à éviter le pathos et le sensationnalisme mais, mis à part une- très belle scène de chant en slam où un jeune griot crie le long et difficile périple à travers le Sahara qui précède la traversée de la Méditerranée- la facon dont .Fuocoammare » désamorce la potentialité émotionnelle de son sujet laisse pantois...
Enfin comme on est très partagé sur ce film- et que les discussions dans la voiture du retour furent très animé, on vous laisse seul juge en vous conseillant d'aller voir ce film qui sort en salles le 28 septembre prochain dans tout juste une semaine...
L'île de Lampedusa confrontée à une arrivée massive...